D'une ferme du coin à l'assiette des collégiens : « Consocantal » vise à favoriser les circuits courts à la cantine
Grâce à la démarche « Consocantal », les produits locaux grignotent les réfectoires des collèges. Partenaires, la chambre d’agriculture et le Conseil départemental développent les circuits courts. Reportage d’une exploitation de Saint-Poncy jusqu’à la cantine de Chaudes-Aigues.
« Votre ferme est à combien de kilomètres ? », demande Gilles Borrel, nouveau principal, dans le réfectoire du collège de Chaudes-Aigues. « Une cinquantaine », répond la famille Soule.
Comme toutes les trois semaines, les agriculteurs du Gaec des Tuyas dorés, à Saint-Poncy, se garent dans la cour de récré pour livrer leurs volailles entières à Lisa Beaufort, cheffe de cuisine de cette cantine où déjeunent environ 180 enfants. Ce circuit court coule de source. Élevés en plein air cantalien, ces dix-huit poulets ont été abattus sur place le jeudi, dans l’atelier de l’exploitation. Le vendredi, les voici livrés à la cantinière, qui découpe et enfourne afin de servir son poulet rôti le lundi. En accompagnement ? « Purée maison, melon, crème caramel et compote pomme-banane, liste Lisa Beaufort. Mais la règle, c’est “pas plus de protéines si t’as pas mangé ta portion de légumes”, sourit-elle. Nous travaillons sur le gaspillage alimentaire. »
L'école du gagnant-gagnantLouis-Pasteur à Chaudes-Aigues est l’un des dix collèges du département sur vingt-deux ayant signé une convention d’objectifs avec la chambre d’agriculture pour adhérer à la démarche « Consocantal ». Une évidence qui satisfait tout le monde. « C’est bon, savoure le principal. Les assiettes reviennent vides. » « On est sur un produit fermier, qualitatif, décrit Lisa Beaufort. On ne tire pas sur un os… »
Une livraison, en circuit court, au collège de Chaudes-Aigues. Photo Jérémie Fulleringer.
L’école du gagnant-gagnant profite également à Christine et Yves Soule ainsi que leurs deux fils, Pierre-Jean et Nicolas, entrés l’an dernier dans le Gaec des Tuyas dorés. « Une exploitation de volailles fermières en vente directe… et de vaches allaitantes, avec 70 limousines », présente Pierre-Jean Soule.
Au commencement, pourtant, il n’y avait que les bovins, mais cela ne suffisait pas à assurer les besoins du couple. « L’atelier volailles a été créé en 2005. C’était mon choix, raconte Christine Soule. Soit on faisait autre chose à côté, soit j’allais travailler à l’extérieur… »
« Tu penses vraiment que tu vas vivre avec tes poulets ? »Pionnière de la diversification, Christine Soule a été nommée dans l’ordre du Mérite agricole en 2015. Une médaille venue couronner un travail de longue haleine, débuté à une période où le concept d’économie circulaire n’avait pas encore le vent en poupe. « Au début, c’était dur, concède-t-elle. En 2005, des gens me demandaient : "Tu penses vraiment que tu vas vivre avec tes poulets ?" Moi, j’y croyais fortement. J’ai toujours dit oui. À l’époque, on n’avait pas du tout la même vision qu’aujourd’hui. Certains devaient se dire : "Elle rêve, elle est sur un nuage…" » Qu’importe, l’agricultrice n’a jamais cessé de croire en sa bonne étoile. « Je pense m’être lancée au bon moment. Je ne regrette qu’une chose : ne pas avoir commencé plus tôt. Pierre-Jean n’était pas grand, sourit-elle. Il a fait beaucoup de marchés avec moi. »
Yves, Pierre-Jean, Nicolas et Christine Soule sur leur ferme de Saint-Poncy. Photo Jérémie Fulleringer.
Lui et son petit frère, Nicolas, sont désormais chargés de consolider la vente directe des produits de la ferme, s’étendant sur 115 hectares, dont 22 dévolus aux volailles – « il n’y a qu’une visite qu’elles n’aiment pas : celle des renards », glisse Yves Soule – et à la culture de leurs céréales : blé, triticale…
« On rencontre des cantinières formidables »Les marchés de Saint-Flour et Massiac constituent deux grands débouchés, complétés par le magasin de producteurs Talents d’ici à Massiac, deux boucheries de Clermont-Ferrand ou divers restaurants, à commencer par ceux de Serge Vieira à Chaudes-Aigues. Quant à la liste des établissements scolaires, elle s’allonge à vue d’œil.
« Dix-sept ans que cela dure… et nous nous développons toujours un peu plus, souligne Christine Soule. Nos enfants amènent de nouvelles idées et une nouvelle énergie. Qui nous a permis d’opter pour l’aventure "Consocantal" : une très belle opportunité. » Une liste de contacts, des portes qui s’ouvrent. Des circuits à imaginer ou à peaufiner, entre producteurs locaux, pour réduire les frais et améliorer les facilités de transport jusqu’aux collèges du coin : si tu leur livres des volailles, peux-tu prendre mes œufs ? « On rencontre des cantinières formidables qui ont envie de s’investir dans le local, note Christine Soule. Et cela fait progresser le bouche-à-oreille autour de nos produits. »
Au Gaec des Tuyas dorés, la vente directe a pris un grand envol. Photo Jérémie Fulleringer.
Le local ? « Avant, on n’en parlait pas, conclut l’agricultrice de Saint-Poncy. Si on compare aujourd’hui à 2005, c’est le jour et la nuit. »
Romain Blanc
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