"Ça me met hors de moi !" : les rendez-vous médicaux non honorés, un phénomène qui touche aussi la Corrèze
![](http://www.lamontagne.fr/photoSRC/VVZTJ19dUTgIDAVOBQwd/sante-installation-nouveaux-medecins-generalistes_6302451.jpeg)
Si le patient qui ne vient pas et ne prévient pas a toujours existé, les médecins corréziens que nous avons interrogés ont vu une hausse de ces créneaux perdus, notamment depuis qu’il est possible de prendre rendez-vous en ligne en toute autonomie. Ils déplorent surtout une perte de chance pour d’autres patients.
« Lorsque l’on réserve une nuit d’hôtel, si on ne vient pas, on paye quand même. Mais pour un rendez-vous médical, en France, ça ne se passe pas comme ça… » Agacé, ce spécialiste corrézien est régulièrement confronté à des patients qui prennent rendez-vous, sans se présenter au jour et à l’heure dite.
Tentative de décryptage d’un phénomène qui se résumerait à un manque de savoir-vivre, si ses conséquences n’étaient pas si graves.
1. Tous les médecins corréziens sont-ils touchés ?« Au niveau national, c’est colossal », résume le président du conseil de l’ordre des médecins en Corrèze, Jean-Marie Chaumeil. Ce généraliste installé à Naves estime que les zones rurales sont encore épargnées par le phénomène. « Sur mes deux mille patients, cela doit m’arriver une fois ou deux dans l’année. » Le secteur urbain est plus touché, les médecins spécialistes aussi. « C’est difficile à quantifier : cela nous arrive un jour sur deux ou sur trois », estime Christine Peyrou, la présidente du conseil départemental de l’ordre des chirurgiens-dentistes, qui exerce depuis trente-huit ans. Mais elle l’assure : « On en a toujours eu ».
« On en avait à l’hôpital, mais peut-être un peu moins », se souvient Étienne Roux, gynécologue obstétricien installé à Tulle, qui consulte désormais en ville. Il évalue leur nombre à deux par semaine, en moyenne. Patrick Liozon est le président du syndicat des médecins libéraux de Corrèze. Cet ophtalmologue installé à Brive y est, lui aussi, confronté, « de manière stable depuis quelques années ». Selon lui, en moyenne « un patient sur six ne vient pas. C’est énorme. Cela représente deux mois de travail par an sans être payé. »
2. Quelles sont les conséquences ?En plus d’agacer les médecins, ces absences imprévues empêchent d’autres patients d’avoir accès aux soins. Le docteur Liozon avance un chiffre national : « On estime que si ces rendez-vous étaient honorés, ce serait l’équivalent de 4.000 postes de médecins en plus : on résoudrait le problème des déserts médicaux », schématise-t-il.
« Je gagne très bien ma vie, ce n’est pas un souci financier, évacue le docteur Roux. Mais, actuellement, on a six mois de délais : c’est là où ça me met hors de moi. » Car ces créneaux auraient pu profiter à d’autres.
Sont-ils étourdis ou indélicats ? La docteure Christine Peyrou les classes selon plusieurs catégories : « ça peut être un simple oubli, mais dans ce cas, ils appellent et se confondent en excuses. On a aussi des gens qu’on a reçus en urgence, à qui on programme ensuite des soins mais qu’on ne voit plus. Et puis, il y a ceux qui font le tour des dentistes, prennent le rendez-vous qui leur convient le mieux et oublient d’annuler les autres… »
3. Quelles solutions pour s’en prémunir ?« Malheureusement, il n’y a pas grand-chose à faire », souffle Patrick Liozon. Faut-il surcharger le planning ? « On essaie de gérer ça au mieux, mais quand tout le monde vient, ça désorganise la journée… » Reste la menace de la sanction. « J’ai affiché un mot dans la salle d’attente : après deux rendez-vous non honorés et non excusés, je ne recevrai plus la patiente », tranche le docteur Roux, qui bloque ces indélicates sur Doctolib.
Certains limitent la prise de rendez-vous en ligne aux patients qu’ils suivent déjà. Quant à cette praticienne de basse Corrèze, elle le dit tout net : « J’aime autant ne pas avoir affaire à Doctolib ».
Pomme Labrousse