Après la série d'agressions nocturnes à Brive (Corrèze), quel est le profil des deux jeunes majeurs condamnés ?
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Le profil des prévenus, inconnus des services de police et de justice, détonne et interroge sur leur basculement soudain dans la délinquance et la violence.
La première victime ne se souvient de rien. Ce jeune homme de 18 ans sort d'un établissement de nuit briviste vers 1 h 30 du matin, dans la nuit du 12 au 13 octobre 2022. Il a trop bu et va se reposer dans son véhicule.
On l'en sort brutalement ; il se retrouve à terre, frappé de toutes parts. L'intervention d'un ami met fin à l'agression : trois ombres filent vers une voiture, en ayant volé un paquet de cigarettes dans lequel se trouve... une seule cigarette. Inconsciente, la victime est conduite aux urgences ; on lui prescrit trois jours d'interruption temporaire de travail.
La seconde victime a eu la peur de sa vie vers 4 heures du matin. Ce boulanger est dans sa voiture, à l'arrêt, pour envoyer un SMS. On frappe sur son véhicule ; l'un des individus utilise même la crosse d'une arme de poing pour faire comprendre qu'il n'est pas là pour demander son chemin. Le boulanger démarre en trombe en enclenchant la marche arrière.
Un troisième sort d'un autre établissement de nuit briviste. Plusieurs personnes l'entourent, menaçantes. Il parvient à s'échapper, mais se réfugie dans une impasse. Jeté à terre, il est roué de coups de pieds et de poing, délesté de sa trottinette électrique.
La suivante se rend à pied à son travail, à 6 heures du matin. Un individu lui arrache son sac à main, qu'on ne retrouvera pas, et s'enfuit, à bord de la même voiture signalée lors des agressions précédentes.
Un basculement alors qu'aucun des deux n'est connu de la justiceC'est pour cette série de vols aggravés commis en réunion et avec une arme (un pistolet de défense) que deux jeunes majeurs ont été condamnés, lundi 17 octobre 2022, à un an de prison, dont six avec sursis probatoire valable durant deux ans. La justice leur impose par ailleurs plusieurs obligations, comme celle d’indemniser les victimes. À l’issue de leur comparution immédiate, ils ont été incarcérés (*).
Le résultat d'un basculement aussi absurde que dangereux dans la délinquance et la violence, alors que ces deux jeunes majeurs étaient jusque-là totalement inconnus des services de police et de la justice.
Le plus jeune, 18 ans et deux mois, vit chez sa mère à Brive. Scolarisé jusqu’en première avant d’être exclu de l’établissement, il est sans activité depuis ; il a abandonné un début de formation et n'a pas cherché à faire de l'interim.
À la barre, l'homme longiligne, à l'allure juvénile, tente de minimiser sa participation, tout en donnant l'impression de ne pas être vraiment dans la salle d'audience. Il laisse plusieurs questions de la présidente sans réponse, indifférent et/ou dépassé par la situation.
"Je regrette", dit-il, sans donner d’explications plus précises et sans conviction. Même son avocate s’interroge : " Un coup de tête ? Un coup de sang ? On peut voler, mais sans violence. Je crois qu’il ne se rend pas compte" ; tout juste a-t-il mis en avant un besoin d’argent pour tenter de justifier sa participation.
Une succession de mauvais choix...La jeune femme de 21 ans revendique le rôle de meneuse. C’est elle qui a loué la voiture à un particulier, sur un site spécialisé, et aurait entraîné les trois garçons, des connaissances, dans un cycle de violence.
Les yeux rougis par les larmes, l’ex-auxiliaire de vie, qui rêve de devenir expert-comptable en suivant des cours à distance, tente de trouver les mots, aidée par son avocat, pour dire le récit d’une vie précaire, qui l’a conduite dans une impasse.
Ces virées seraient l’aboutissement d’un abandon qui dure depuis la petite enfance, une violence qui répondrait à celle dont elle dit avoir été victime dans plusieurs circonstances (scolarité, vie de couple, rapports avec ses parents, tentative de suicide…), sans oublier la trop forte consommation d'alcool et de cannabis.
Alors non, elle n'a pas sombré dans la délinquance, a tenté de tenir le coup, mais sans soutien, elle était arrivée au bout d'une succession de mauvais choix. Sans domicile fixe, refusant de solliciter l'aide de ses parents, elle a passé des nuits dans sa voiture, cette voiture dont elle avait besoin pour son travail d'auxiliaire de vie, et qui est tombée en panne.
... et un "désir de vengeance"Peut-être l'élément déclencheur : " J’étais tellement dans la merde que j’ai fait de la merde", lit-on dans ses déclarations aux enquêteurs. "Pourquoi ne pas avoir arrêté (les agressions) ? Pourquoi avoir recommencé la nuit suivante ?", demande la représentante du parquet. "Je me suis perdue dans tout ça".
Animée d'un "désir de vengeance", elle le vit presque par procuration. Lors des agressions, elle ne faisait que conduire la voiture, se garant un peu plus loin, même si elle se doutait bien de ce qu’il se passait.
Devant le tribunal, elle trouve la force de s'adresser aux victimes, en les regardant : "Je suis vraiment désolée. Je sais que cela ne suffira pas".
Eric Porte
(*) Deux autres suspects, des mineurs, devront s'expliquer ultérieurement dans le même dossier. Placés sous contrôle judiciaire, ils attendent leur procès devant le tribunal des enfants en janvier 2023.
Guet-apens. Lors de l'audience, la présidente du tribunal a évoqué la possibilité que la jeune femme soit impliquée dans une autre affaire. Elle aurait servi d'appât pour tendre un piège à un ou plusieurs hommes en recherche de contact avec une ou des escort girls. Mais aucune plainte n'a été déposée.