"Colette en guerre 1939-1945", un récit de Bénédicte Vergez-Chaignon invitée du Petit théâtre impérial à Vichy (Allier)
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Dans ces “heures noires” Colette va sinuer entre les écueils. Bénédicte Vergez-Chaignon, historienne, livre un récit de l’écrivaine célèbre durant cette période de 1939-1945. Elle est l'invitée du Petit Théâtre impérial, ce samedi 29 octobre.
Comment Colette, écrivaine de grande notoriété, a traversé la Seconde guerre mondiale ? Bénédicte Vergez-Chaignon, historienne spécialiste de cette période a tissé un récit Colette en guerre 1939-1942. (É. Flammarion). Elle est l’invitée du Petit théâtre impérial ce samedi 29 octobre à Vichy.
L'écrivain sur son lit divan de l'appartement place du Palais Royal à Paris. Photo Centre d'études ColetteQu’est ce qui a déclenché cette recherche sur Colette ? Je lisais des recueils d’articles et notamment ses chroniques parues en 1942 dans Paris de ma fenêtre. Elle écrivait dans un journal très collaborationniste Le petit Parisien. Je me suis interrogé qu’est-ce que Colette allait faire dans cette guerre ?
Quelle forme avez-vous choisie qui intègre vos recherches ? Colette entretenait une vaste correspondance : amis, familles, confrères, admirateurs, etc. La Bibliothèque Nationale dispose de tous ses manuscrits. J’ai retrouvé ses chroniques pour la radio en 39-40. Le livre est un récit chronologique.
Qui est Colette en 39-45 ? C’est une femme de 70 ans, atteinte par l’arthrite ce qui la gêne dans ses déplacements. Elle est semblable à des millions de français face aux difficultés pour se chauffer, se vêtir, manger, gagner sa vie. Mais elle a le talent et la notoriété en plus. Autre particularité, son troisième mari est juif. C’est un ancien combattant, elle pense que cela va le protéger.
Sa célébrité est-elle un blanc-seing ? Colette a toujours eu un grand souci de sa publicité, mais elle veut maîtriser son image. Durant cette période, elle va caboter entre les récifs.
Tableau de Colette par Carrère avec (ajoutée) la signature de l'écrivain. Photo Gilles PuechEst-ce une femme engagée ou autocentrée ? Elle a 70 ans, on ne s’engage pas comme à 20 ans. Elle a toujours dit qu’elle ne faisait pas de politique, mais dans ses écrits sans en avoir l’air, elle parle du quotidien : pénuries, famine, marché noir. Elle n’écrit jamais le mot occupation, elle dit les “heures noires” et place toujours l’expression “Zone libre” entre guillemets. Elle n’écrit pas le mot allemand et ne fait référence ni à Pétain, ni aux nazis.Elle sinue entre tout cela pour protéger son mari. Son arthrite est son alibi pour ne pas répondre à certaines invitations qui pouvaient la mettre en porte à faux.
Colette est donc prise dans une zone grise ? Si elle poursuit son chemin d’écrivaine, elle n’est pas indifférente mais prudente. Sa voisine sauve des enfants juifs. Elle va lui donner de l’argent et faire en sorte que ses amis aisés fassent de même.
Après un ”exil” en Corrèze, elle rejoint finalement la zone occupée à Paris. Elle a besoin de son chez elle, de son appartement au Palais royal. De son entourage habituel pour écrire. Durant la guerre, elle demeure une écrivaine avec la même exigence littéraire. Malgré les difficultés quotidiennes, les conditions matérielles pour se procurer du papier ou pour se faire éditer.
Colette n’est pas censurée ? Elle écrit pour les femmes. Elle sait bien que la censure sera moins attentive. Elle vante le marché noir. Elle n’a pas l’hypocrisie de le nier. Ses chroniques sont liées à l’actualité quotidienne des Français. Elle écrit aussi de la fiction Gigi. Colette a une grande popularité à l’internationale, c’est pour cela qu’on lui demande de s’adresser aux Américains à la radio. Pour les Allemands, elle représente la décadence française.
Sa notoriété est à double tranchant ? Elle était très sollicitée. Il lui fallait à la fois écrire pour vivre et ne pas être sous les projeteurs. À la Libération, Céline, qui était très jaloux d’elle, l’a décriée avec un certain nombre d’écrivains qui s’étaient compromis. Aragon, qui était un admirateur éperdu de Colette va continuer de la mettre au pinacle. L’opinion d’Aragon a une énorme importance. Colette se trouve encensée dans la presse française, anglaise et américaine
Quelle Colette, en conclusion ? J’ai été étonnée de cette capacité qu’elle avait de se glisser dans les interstices, de faire comprendre ce qu’elle avait à dire. Elle a une vraie originalité, elle s’exprime de façon détournée.
Colette a eu droit à des obsèques nationales en août 1954, entourée d’une foule immense de personnalités et d'anonymes et de ses amis de l’Académie Goncourt où elle entre en 1945. Elle est la 2e femme à être élue membre. Elle a présidée l'Académie en 1949. Elleest inhumée au cimetière du Père-Lachaise
L'écrivaine est née née le 28 janvier 1873 à Saint-Sauveur-en-Puisaye (Yonne). Elle a été également actrice de music hall. Elle est l'écrivaine la plus photographiée au 20E siècle. Sa maison natale, La Maison de Collette dans l'Yonne se visite.
Rencontre. Avec Bénédicte Vergez-Chaignon ce samedi 29 octobre au Petit Théâtre impérial à 14 h 30. Tarif 10 €. Réservations en ligne newspti.com ou par Tél.04.70.31.31.31.
Fabienne Faurie