La consultation portée à 26,50€ chez le généraliste ? Pourquoi les médecins ne signeront pas l'ordonnance
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Les six principaux syndicats de médecins ont jusqu’à ce mardi soir pour parapher les dernières propositions de l’Assurance maladie en matière de tarifs de consultations. Un délai tout théorique : l’échec des pourparlers est acquis.
« État désespéré malgré plusieurs tentatives de réanimation » : voilà, résumé en quelques mots, le bulletin médical des négociations entre la Caisse nationale d’assurance maladie et les praticiens libéraux. L’heure de l’autopsie a même déjà sonné.
1. Que propose la Cnam ?Dans l’ultime mouture du projet d’accord, l’Assurance maladie fixe la revalorisation de l’ensemble des consultations à +1,50 € pour les cinq prochaines années. Le tarif d’un rendez-vous classique chez le généraliste passerait ainsi de 25 € à 26,50 €. Ce (petit) bond en avant serait assorti d’une hausse du forfait médecin traitant et de la création d’une consultation à 60 € pour les « cas complexes ».
D’après le ministère de la Santé, ce premier « package » offrirait un surplus de revenu estimé à « environ 10.000 € » en moyenne par an. Le second étage du projet d’accord est un « contrat d’engagement territorial », optionnel, qui prévoit une revalorisation plus généreuse pour les praticiens prêts à consentir des « efforts supplémentaires ».
Exemple : la consultation de base grimperait à 30 € pour un généraliste qui suit au moins 1.200 patients, ou qui emploie un assistant, ou qui prend des gardes de nuit, ou qui exerce dans un désert médical, ou qui accepte de travailler le samedi matin. Le ministère chiffre à « environ 20.000 € » annuels le gain additionnel pour celles et ceux qui rentreraient dans ce cadre.
2. Les médecins disent « niet »Pour entrer en vigueur, la nouvelle convention doit être signée par un ou plusieurs syndicats représentant au moins 30 % des suffrages lors des dernières élections, chez les généralistes comme chez les spécialistes.
Du côté des premiers, MG France, la principale organisation, réclamait un passage de la consultation à 30 € sans condition. Son comité directeur a donc voté dès dimanche « à 100 % » contre le projet, tout en jugeant dans un communiqué que la « responsabilité » de cette « situation dramatique » incombait « désormais à l’État ».
— MG FRANCE (@MG_France) February 27, 2023Même refus en bloc dans les rangs d’Avenir Spé, le syndicat n°1 des spécialistes. « À entendre notre ministre, cette convention représenterait un effort “colossal” d’1,5 milliard par an. Mais ce n’est rien comparé aux dizaines de milliards qui ont été mis dans l’hôpital public ! On se moque de nous, on nous balade et on balade les usagers », juge Patrick Gasser, son président, qui déplore un projet « beaucoup trop coercitif ».
« Il fallait partir sur quelque chose de bien plus incitatif, par paliers, qui stimule les médecins, plutôt que de tout lier à des contreparties qui ne sont pas acceptables. Ce n’est pas faute, pourtant, d’avoir fait des propositions… »
3. Ministère amerLors d’un échange organisé ce lundi matin avec la presse, l’entourage de François Braun a regretté « une occasion manquée ». « L’État s’est mis du côté des Français, de leurs attentes et de leurs besoins (*). Nous estimons avoir fait notre part du chemin, nos interlocuteurs n’ont pas fait la leur. »
— France Inter (@franceinter) February 27, 2023Concernant les contreparties liées au « contrat d’engagement territorial », qui hérissent tant les syndicats, « il ne s’agit absolument pas de pousser au burn out des gens qui font déjà beaucoup. D’ailleurs, 40 % des généralistes remplissent déjà ces critères, et auraient pu rentrer dans le nouveau cadre sans rien changer à leur activité », assure le ministère.
Pour les autres, « nous assumons l’effort qui leur était demandé. La revalorisation de la consultation à 30 € sans conditions n’a jamais été une option ».
4. Et maintenant ?La rédaction de la nouvelle convention va être confiée dès ce mercredi à un « arbitre » neutre et indépendant. La délicate mission reviendra à Annick Morel, ex-inspectrice générale des affaires sociales, qui aura trois mois pour rencontrer l’ensemble des parties et élaborer un projet alternatif. La décision finale reviendra à François Braun.
« Le ministre peut ne pas valider le texte qui lui sera proposé, mais nous espérons que l’arbitre trouve les moyens de parvenir à un accord », indique son entourage. « La porte n’est pas fermée. Des bases ont été posées, il faut essayer de se comprendre », espère toujours Patrick Gasser.
Soucieux de « ne pas insulter l’avenir », le président d’Avenir Spé prend au passage ses distances avec les appels au « déconventionnement massif » relayés par certains médecins en guise de rétorsion. « Ne rompons pas le pacte social qui nous lie aux patients », dit-il. Interrogé sur cette même menace, le ministère dit « espérer » qu’elle « ne sera pas mise à exécution. Cela poserait un problème majeur d’accès aux soins et reviendrait à prendre les Français en otage ». Reste à trouver le bon remède. Et vite.
Stéphane Barnoin
(*) À ce jour, 6 millions de personnes n’ont pas de médecin traitant, dont 600.000 souffrent d’affections de longue durée. François Braun doit faire des annonces à destination de ces derniers "la semaine prochaine".