De l'actualité de la révision constitutionnelle
Il est beaucoup question, en ce premier trimestre 2023, de rénovation des institutions. Faut-il rouvrir ce chantier ?
Il ne faudrait pas que ce soit pour le seul plaisir de réviser la mécanique institutionnelle, fût-ce en la « modernisant » (mot d’ailleurs équivoque). Modifier le logiciel institutionnel, à défaut de transformer la réalité, est malheureusement une tentation récurrente sous la Vème République depuis une trentaine d’années.
Il est vrai que des chantiers institutionnels ont été ouverts lors du précédent quinquennat. Ils sont restés en plan en raison des crises traversées (affaire Benalla, gilets jaunes, pandémie, …) et de l’opposition du Sénat. On sait que l’accord de celui-ci est indispensable pour tout changement constitutionnel.
Nombre de thèmes laissés en suspens en 2019 pourraient être réactivés : élection d’une partie des députés à la proportionnelle, nouvelle phase de la décentralisation, élargissement du recours au référendum, indépendance du Parquet, suppression de la Cour de justice de la République… Certains sujets pourraient être en revanche reconsidérés car, non sans raison, ils contrarient les élus, même s’ils recueillent l’agrément de l’opinion publique : limitation des mandats parlementaires dans le temps, réduction substantielle du nombre de sièges de parlementaires…. Pourraient être en revanche ajoutés des sujets récemment évoqués dans le débat public : septennat non renouvelable ; élections législatives de mi-mandat ; développement de la démocratie participative ; statuts de la Corse et de la Nouvelle-Calédonie ; assouplissement des règles de non-cumul des mandats électoraux ; conseiller territorial unique pour les départements et les régions ; rationalisation du millefeuille territorial et redécoupage des régions ; remplacement du Conseil constitutionnel par une Cour suprême. Sans oublier des questions environnementales et sociétales : devoirs à l’égard de la planète ; constitutionnalisation du droit à l’IVG ; suicide assisté ; libre choix par chacun de son identité de genre.
Tout cela passe par des dispositions selon le cas constitutionnelles ou législatives. Il faudrait avoir la conviction que de telles mesures améliorent la gouvernance du pays. On ne touche pas aux institutions sans de bonnes raisons. Il y a trop d’autres chats à fouetter dans le monde réel des politiques publiques …
Dans l’état où se trouve la France, les seules réformes institutionnelles qui vaillent sont celles qui aideraient les pouvoirs publics à prendre plus efficacement et plus vigoureusement en charge les grands enjeux de ce point de bifurcation de l’Histoire, entre déclin et rebond, auquel nous sommes arrivés. Ces enjeux s’appellent réindustrialisation, souveraineté énergétique, redressement des services publics essentiels (éducation, santé, justice), sécurité intérieure et extérieure, tenue des finances publiques, maîtrise de l’immigration …
Ce ne serait pourtant pas le premier réaménagement constitutionnel…
La Constitution de la Vème République a déjà été remaniée 24 fois depuis 1958, dont 19 fois depuis 1990, c'est-à-dire de plus en plus fréquemment. Et de plus en plus substantiellement. La révision de 2008 représente à ce jour un record, sur le plan quantitatif, mais aussi du point de vue qualitatif, notamment avec la limitation de l’usage de l’article 49, 3ème alinéa, et avec l'instauration d'un contrôle de constitutionnalité a posteriori (« question prioritaire de constitutionnalité »). Le record était en passe d'être battu avec la réforme des institutions engagée sous le précédent quinquennat.
Nous sommes très au-delà de ce qui pourrait être regardé comme une hygiène respiratoire de la Constitution. Comme le montre l'exemple américain, la norme suprême puise dans sa pérennité un ressort essentiel de son autorité. Une norme suprême versatile peut-elle être ressentie comme suprême ? Quelle confiance nos concitoyens peuvent-ils accorder à des institutions qui, en se modifiant continuellement, trahissent leur manque de confiance en elles-mêmes ? Les lois ne doivent être touchées que d’« une main tremblante », disait Montesquieu. C’est encore plus vrai de la loi qui régit les lois, c’est-à-dire de la Constitution.
Le pli semblait avoir été pris aux débuts de la Vème République, puisque la Constitution ne fut modifiée, dans les trente premières années de son histoire, qu'à une poignée d'occasions, soit capitales (élection du président de la République au suffrage universel direct en 1962, possibilité pour 60 députés ou 60 sénateurs de déférer une loi au Conseil constitutionnel en 1974), soit ponctuelles (régime des sessions en 1963, intérim de la présidence de la République en 1976).
Ce temps est révolu. Au cours de...
Il ne faudrait pas que ce soit pour le seul plaisir de réviser la mécanique institutionnelle, fût-ce en la « modernisant » (mot d’ailleurs équivoque). Modifier le logiciel institutionnel, à défaut de transformer la réalité, est malheureusement une tentation récurrente sous la Vème République depuis une trentaine d’années.
Il est vrai que des chantiers institutionnels ont été ouverts lors du précédent quinquennat. Ils sont restés en plan en raison des crises traversées (affaire Benalla, gilets jaunes, pandémie, …) et de l’opposition du Sénat. On sait que l’accord de celui-ci est indispensable pour tout changement constitutionnel.
Nombre de thèmes laissés en suspens en 2019 pourraient être réactivés : élection d’une partie des députés à la proportionnelle, nouvelle phase de la décentralisation, élargissement du recours au référendum, indépendance du Parquet, suppression de la Cour de justice de la République… Certains sujets pourraient être en revanche reconsidérés car, non sans raison, ils contrarient les élus, même s’ils recueillent l’agrément de l’opinion publique : limitation des mandats parlementaires dans le temps, réduction substantielle du nombre de sièges de parlementaires…. Pourraient être en revanche ajoutés des sujets récemment évoqués dans le débat public : septennat non renouvelable ; élections législatives de mi-mandat ; développement de la démocratie participative ; statuts de la Corse et de la Nouvelle-Calédonie ; assouplissement des règles de non-cumul des mandats électoraux ; conseiller territorial unique pour les départements et les régions ; rationalisation du millefeuille territorial et redécoupage des régions ; remplacement du Conseil constitutionnel par une Cour suprême. Sans oublier des questions environnementales et sociétales : devoirs à l’égard de la planète ; constitutionnalisation du droit à l’IVG ; suicide assisté ; libre choix par chacun de son identité de genre.
Tout cela passe par des dispositions selon le cas constitutionnelles ou législatives. Il faudrait avoir la conviction que de telles mesures améliorent la gouvernance du pays. On ne touche pas aux institutions sans de bonnes raisons. Il y a trop d’autres chats à fouetter dans le monde réel des politiques publiques …
Dans l’état où se trouve la France, les seules réformes institutionnelles qui vaillent sont celles qui aideraient les pouvoirs publics à prendre plus efficacement et plus vigoureusement en charge les grands enjeux de ce point de bifurcation de l’Histoire, entre déclin et rebond, auquel nous sommes arrivés. Ces enjeux s’appellent réindustrialisation, souveraineté énergétique, redressement des services publics essentiels (éducation, santé, justice), sécurité intérieure et extérieure, tenue des finances publiques, maîtrise de l’immigration …
Ce ne serait pourtant pas le premier réaménagement constitutionnel…
La Constitution de la Vème République a déjà été remaniée 24 fois depuis 1958, dont 19 fois depuis 1990, c'est-à-dire de plus en plus fréquemment. Et de plus en plus substantiellement. La révision de 2008 représente à ce jour un record, sur le plan quantitatif, mais aussi du point de vue qualitatif, notamment avec la limitation de l’usage de l’article 49, 3ème alinéa, et avec l'instauration d'un contrôle de constitutionnalité a posteriori (« question prioritaire de constitutionnalité »). Le record était en passe d'être battu avec la réforme des institutions engagée sous le précédent quinquennat.
Nous sommes très au-delà de ce qui pourrait être regardé comme une hygiène respiratoire de la Constitution. Comme le montre l'exemple américain, la norme suprême puise dans sa pérennité un ressort essentiel de son autorité. Une norme suprême versatile peut-elle être ressentie comme suprême ? Quelle confiance nos concitoyens peuvent-ils accorder à des institutions qui, en se modifiant continuellement, trahissent leur manque de confiance en elles-mêmes ? Les lois ne doivent être touchées que d’« une main tremblante », disait Montesquieu. C’est encore plus vrai de la loi qui régit les lois, c’est-à-dire de la Constitution.
Le pli semblait avoir été pris aux débuts de la Vème République, puisque la Constitution ne fut modifiée, dans les trente premières années de son histoire, qu'à une poignée d'occasions, soit capitales (élection du président de la République au suffrage universel direct en 1962, possibilité pour 60 députés ou 60 sénateurs de déférer une loi au Conseil constitutionnel en 1974), soit ponctuelles (régime des sessions en 1963, intérim de la présidence de la République en 1976).
Ce temps est révolu. Au cours de...