Pourquoi les gynécologues de la maternité d'Issoire fustigent-ils le rapport remis à l'Académie de médecine ?
La parution d’un rapport présenté à l'Académie de médecine recommande de ne plus pratiquer d'accouchements dans les "petites" maternités. À l'hôpital d'Issoire, dans le Puy-de-Dôme, les docteurs Mansoor et Bruhat expriment leur désaccord.
Le rapport du professeur Yves Ville, de l’hôpital Necker, à Paris, remis à l’Académie de médecine fin février (1), préconise la fin des accouchements dans les maternités mettant au monde moins de 1.000 bébés par an. Parmi les arguments avancés : le déficit de moyens humains qui mettrait à mal la sécurité et la qualité des soins pour la mère et l’enfant. Pour remédier à cela, le rapport soutient le regroupement de 100 maternités en France au sein de centres plus importants, pour renflouer le personnel soignant.
Des propos qui font réagirLe chef du service de gynécologie-obstétrique de Necker ne recommande pas la fermeture des plus petites structures, mais considère que les patientes et leurs bébés pourraient y être transférés après avoir accouché. Des propos qui font réagir des professionnels de santé. À commencer par les docteurs Aslam Mansoor et Clément Bruhat, gynécologues-obstétriciens à l’hôpital Paul-Ardier, à Issoire.
Une équipe complète à la maternité"Ce rapport tend à affirmer que si on ne fait pas beaucoup d’accouchements, on est moins en sécurité, ce qui n’est pas le cas", assure le Dr Bruhat.
"Ce qui est plus grave encore, c’est que ce rapport affirme que "c’est dangereux d’accoucher dans ces maternités ! Il ne faut pas faire de généralités. Nous avons ici cinq gynécologues titulaires, autant d’anesthésistes, trois pédiatres compétents en néonatologie et dix-huit sages-femmes ".
Les praticiens déplorent également que cette enquête ait été réalisée "sans aucunes concertations de la profession des gynécologues, sages-femmes ou pédiatres", poursuivent-ils.
Des accouchements en toute sécuritéCinq gynécologues titulaires, autant d’anesthésistes, trois pédiatres compétents en néonatologie et dix-huit sages-femmes travaillent à la maternité d'Issoire.Si l’on s’en tient aux préconisations du professeur Ville, sept maternités sur dix seraient concernées en Auvergne (2). Cela signifierait pour les mamans du Puy-en-Velay, d’Aurillac ou de Moulins de venir accoucher à Clermont-Ferrand. Une perspective jugée "irréalisable" par les gynécologues issoiriens qui veulent avant tout rassurer la population.
"Oui, on peut accoucher en sécurité à Issoire, on fonctionne en réseau, et si on détecte une pathologie au cours de la grossesse que l’on ne peut pas prendre en charge chez nous, on transfère la patiente afin que l’accouchement se fasse avec un niveau de soins adaptés."
Un hôpital qui se moderniseEn cas de difficultés au moment de l’accouchement, la maternité d’Issoire dispose du matériel nécessaire pour pratiquer une réanimation en urgence. Les praticiens reconnaissent que ce rapport s’appuie sur une réalité et que certaines petites structures sont "en très grande souffrance et qu’elles ont du mal à recruter". Une situation à laquelle l’hôpital Paul-Ardier, déjà pourvu d’une équipe complète, n’est pas confronté.
Qui plus est, l’établissement de soins va bénéficier dans les cinq prochaines années d’une maternité flambant neuve avec les travaux de modernisation de l’hôpital (financement de 62 millions d’euros dans le cadre du plan d’investissements du Ségur de la santé).
(1) Publié le 1er mars dans les colonnes du Parisien. (2) Accouchements en 2022 :àIssoire 529 ; Thiers 440 ; Moulins 977 ; Aurillac 746 ; Montluçon 936 ; Le Puy-en-Velay 944 ; Saint-Flour 266.
David Allignon