Deux ans après son documentaire choc, Marie Portolano a contribué à "libérer la parole"
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Marie Portolano ne s’attendait pas à un tel "tsunami". Il y a deux ans, son documentaire Je ne suis pas une salope, je suis une journaliste dénonçait les violences sexistes faites aux femmes dans les rédactions sportives. Un choc mais une véritable prise de conscience.
À la sortie de votre documentaire il y a deux ans, beaucoup avaient parlé d’un véritable "tsunami". Êtes-vous d’accord avec ce qualificatif ?
Cela a été difficile pour moi de comprendre ce qu’il s’était vraiment passé. Quand j’ai entrepris de le réaliser avec Guillaume Priou, on était loin d’imaginer que cela parle à autant de monde. Nous avions un peu peur de l’entre-soi et que cela allait intéresser quatre ou cinq personnes dans les rédactions sportives. Nous étions quasi certains que cela n’allait pas franchir le milieu du journalisme. Et force est de constater que cela n’a pas été le cas. Personne ne s’attendait à une telle vague.
Avez-vous eu par la suite d’autres témoignages de femmes qui ont dû faire face au même type de comportements ?
C’est ça qui a été le plus marquant. J’ai reçu des messages de personnes qui n’avaient aucun rapport avec la profession. Des femmes travaillant dans le BTP, des avocates, des femmes médecins... qui se sont senties concernées. Nous avions soulevé un fait de société. Cela dépassait vraiment notre propre milieu.
Pensez-vous que votre documentaire ait pu faire bouger les lignes ?
"Nous avons réussi toutes ensemble à crever un abcès et à libérer une parole. J’espère aujourd’hui que des étudiantes en journalisme qui veulent travailler dans le sport se sentent plus libres de refuser des comportements inappropriés grâce au documentaire."
Êtes-vous toujours en contact avec les femmes qui ont témoigné (*) ? Si oui, que disent-elles des évolutions ?
Je suis toujours en contact avec quelques-unes d’entre elles. Certaines étaient des amies, avant. Mais j’ai quand même l’impression que ce documentaire nous a vraiment unies toutes ensemble. Si l’on se croise demain sur un évènement sportif, on sait que l’on a participé à la même chose. Je suis personnellement toujours en éveil sur les questions de sexisme et d’inégalités. Et surtout avec Laurie Delhostal qui, elle, travaille pour trouver des moyens face aux problèmes de sexisme et de représentativité des femmes à la télévision dans le sport. Elle a créé le mouvement "Femmes journalistes de sport" qui propose des vraies solutions.
Ce collectif a été créé juste après la diffusion de votre film. Il s’agit pour le coup de quelque chose de très concret...
Exactement. Laurie Delhostal et ses consœurs avaient cette idée depuis longtemps. C’est en participant au documentaire qu’elle m’en a parlé. J’ai pensé alors qu’il fallait créer une action commune. "Sortons le film où l’on parle toutes et, ensuite, créez l’association." L’idée était d’abord de faire un constat et donner immédiatement les solutions concrètes pour que ces comportements s’arrêtent. Et c’est le travail essentiel et de qualité que produit le collectif "Femmes journalistes de sport". Le mouvement permet de fournir un annuaire de femmes journalistes de sport permettant justement de pallier cette représentativité trop faible. C’est quelque chose d’inestimable et c’est le vrai prolongement du documentaire.
Vous sembliez regretter que tout n’avait pu être dit dans le film. Est-ce encore un regret ou avez-vous le sentiment que les choses ont un peu changé ?
Rien n’a été dit en plus depuis. Mais quand on a vu le bruit que cela faisait, il n’y en a pas une qui ne s’est pas dit "Mon Dieu, si j’avais dit vraiment la vérité." Ce sont des femmes qui sont en poste et c’est compliqué de parler quand on est encore en exercice. Il y a eu beaucoup de courage à la base, mais aussi des freins à leur parole. Le documentaire aurait eu encore plus d’impact s’il n’y avait eu que des femmes à la retraite décidant de dire vraiment toute la vérité.
Vous préparez actuellement un reportage avec M6 concernant la violence faite aux femmes dans le monde du travail. Aviez-vous l’envie d’aller encore plus loin ?
J’ai reçu tellement de messages de femmes actives et issues de milieux sociaux totalement différents... Mon combat est un combat féministe qui porte sur l’inégalité dans le monde du travail. J’ai voulu poursuivre ma recherche et montrer que les femmes font constamment face à des comportements inappropriés et hors de leur domaine de compétence. Il y a toujours des problèmes dans le monde du travail. Dans n’importe quel milieu et n’importe quel secteur. C’est systémique et c’est absolument partout.
(*) Marie Portolano était alors en poste à Canal+. Elle a quitté, depuis, la chaîne cryptée et travaille désormais pour M6. Elle prépare actuellement une émission qui viendra en aide aux agriculteurs en difficulté.
Arnaud Clergue
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