De mères en filles, trois générations de femmes libres
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Près d’un demi-siècle sépare Yolande, la grand-mère, de Julie, sa petite-fille. Au fil des générations, elles racontent leur vie, et ce qu’elles se sont transmis.
Yolande Ouvrard, aujourd’hui 76 ans, a dû prendre son destin en main très jeune. Maman à 16 ans, elle a ensuite élevé ses trois enfants jusqu’à ses 30 ans. Puis, elle a été obligée de trouver du travail pour aider à subvenir aux besoins de sa famille.
Femme de ménage, employée en usine, contrôleuse… pour ensuite reprendre le bar de son village, Bénévent-l’Abbaye, dans la Creuse, en 1988. Depuis quelques années, c’est l’une de ses deux filles, Dominique Richard, 58 ans, qui a repris le flambeau. Un flambeau qu’elle va transmettre, elle aussi, à l’une de ses deux filles, Julie, 29 ans.
De mère en fille, elles ont transmis la même valeur : le travail.
"Il n’y a que ça de vrai. Si vous ne travaillez pas, personne ne va rien vous donner"
Derrière ces trois générations de femmes, un caractère bien trempé. Celui qu’il faut pour tenir tête à certains clients mal lunés, bourrus, parfois misogynes, assis au comptoir. Celui qui a poussé Dominique à être la première fille de son lycée professionnel à obtenir un CAP électricité, au début des années 80. "Mais je n’ai jamais réussi à trouver un patron. Personne ne voulait d’une femme. C’est dommage, ça me plaisait."
"Déjà jeune, elle voulait sortir de l’ordinaire. Mes filles ont toujours été libres de faire ce qu’elles voulaient, ajoute Yolande. Je n’ai jamais fait de différences avec leur frère."
Yolande Ouvrard, avec sa fille Dominique et sa petite-fille Julie.Cette différence de traitement entre hommes et femmes qu’elle n’a pas voulue pour ses enfants, elle l’a connue avec son mari. "Quand il rentrait du travail, il mettait les pieds sous la table. Je remplaçais sa mère. À l’époque, c’était comme ça."
"Ah non, moi, je ne l’accepterai jamais, répond alors sa petite-fille, Julie. Ce n’est plus du tout comme ça maintenant." D’ailleurs, si, un jour, elle a un enfant, elle lui apprendra une chose : l’égalité. "Je ne ferai jamais de différences. Si j’avais un garçon, je lui apprendrais que les filles sont comme lui, que les trucs de filles ou de garçons, ça n’existe pas. Et si j’ai une fille, je lui dirais aussi : méfie-toi, les gens vont essayer de te faire douter de tes capacités."
Dominique Richard et sa fille, Julie.Julie est bien consciente des difficultés que rencontrent toujours les femmes. "On a de la chance car on est en Creuse : je rentre chez moi à pied, en pleine nuit, je n’ai pas peur. Mais quand je faisais mes études à Limoges, ou quand je suis allée à Londres, je n’avais jamais l’esprit tranquille."
Apprendre les unes des autresL’aplomb de Julie inspire Yolande. "Les jeunes, aujourd’hui, ils parlent librement." Et finalement, ces trois générations de femmes apprennent les unes des autres.
"Julie et Dominique me montrent ce que c’est, la liberté de parole. Nous, on avait des non-dits. Toujours d’ailleurs, et ça ne changera pas. Il y a des choses que je voudrais leur dire mais je ne peux pas, je bloque, explique Yolande. Et ça a été comme ça toute ma vie, avec ma mère, avec mon mari. C’est la façon dont on a été élevé. Et là, je vois Julie et Dominique dire ce qu’elles veulent. Elles m’ont appris qu’on pouvait ne pas avoir de tabou."
Yolande Ouvrard et sa fille Dominique Richard.De mère à fille, de grand-mère à petite-fille, de petite-fille à grand-mère, elles se sont prouvées qu’il était possible d’être libre de travailler, de choisir et de parler. Autant d’évidences aujourd’hui qu’elles ne manqueront pas de rappeler à la nouvelle génération, celle des deux arrière-petits-enfants de Yolande.
Sophie Emery