Nucléaire : ce que l’on sait sur la fissure détectée à la centrale EDF de Penly
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C’est une énième anomalie qui pourrait coûter cher au géant de l’électricité EDF, dont le parc est déjà lourdement perturbé depuis 2021. Passée inaperçue jusqu’à sa médiatisation mardi 7 mars par le site Contexte, une note d’EDF publiée le 24 février indique avoir décelé sur le site de Penly 1, en Seine-Maritime, un "défaut significatif de corrosion sous contrainte", sur une conduite de secours servant à refroidir le réacteur en cas d’urgence. Autrement dit, une fissure importante a été détectée dans la tuyauterie. Un problème visiblement persistant dans le parc EDF, qui a contraint l’autorité de sûreté nucléaire (ASN) à demander à EDF de "réviser sa stratégie" pour résoudre ces problèmes récurrents.
Quels sont les risques ?
Sur le site de Penly 1, ce nouveau défaut a été détecté lors d'"expertises métallurgiques" sur "une soudure déposée en janvier", selon la note publiée sur le site Internet du groupe. Il est dû à ce que l’on appelle un mécanisme de "corrosion sous contrainte", qui apparaît sous l’effet de plusieurs facteurs concomitants dont l’utilisation d’un matériau sensible et la présence d’un milieu chimique favorable.
"Cet événement n’a pas eu de conséquence sur le personnel ni sur l’environnement. Toutefois, il affecte la fonction de sûreté liée au refroidissement du réacteur", souligne l’ASN dans sa note d’information. Et pour cause, la fissure détectée se situe sur un circuit de secours du réacteur numéro 1 du site de Penly, et plus précisément "au sein de la zone radioactive, dans le bâtiment réacteur", a précisé l’exploitant sur le site Internet de la centrale.
Cette fissure qui se trouve à proximité d’une soudure, "s’étend sur 155 mm, soit environ le quart de la circonférence de la tuyauterie, et sa profondeur maximale est de 23 mm, pour une épaisseur de tuyauterie de 27 mm", détaille l’ASN. Autrement dit, il existe un risque de fuite de la tuyauterie. D’après les analystes, la tuyauterie aurait pu être fragilisée par une opération de réparation visant à "réaligner" des circuits, au moment même de la construction du réacteur dans les années quatre-vingt. "En raison de ses conséquences potentielles et de l’augmentation de probabilité d’une rupture", l’ASN a classé cet événement de sûreté "au niveau 2 de l’échelle internationale des événements nucléaires et radiologiques", dite échelle INES, qui en compte 8.
Quelles conséquences pour la production d’électricité ?
La centrale de Penly, composée de deux réacteurs, a été mise en service entre 1990 et 1992. Elle fait partie de la série des réacteurs les plus puissants dont dispose la France, dit "P’4", d’une puissance de 1 300 MW.
Mardi après-midi, EDF n’était pas en mesure de préciser si ce défaut est de nature à prolonger l’arrêt du réacteur de Penly 1, ou à provoquer la mise à l’arrêt anticipée d’autres réacteurs pour contrôle. L’impact sur la production électrique est donc à ce stade non précisé.
Toutefois, le phénomène avait déjà été détecté auparavant par l’exploitant. Les premières fissures issues de la corrosion sous contrainte ont ainsi été découvertes pour la première fois à Civaux, dans la Vienne, à l’automne 2021. Depuis, le parc nucléaire d’EDF (comptabilisant un total de 56 réacteurs) a en effet subi une crise industrielle inédite. Ce problème avait forcé EDF à arrêter de nombreux réacteurs pour des opérations de contrôle et de réparations de grande ampleur, contribuant aux pertes colossales de 17,9 milliards d’euros enregistrées par l’électricien l’année dernière.
Pourquoi l’ASN a-t-elle ordonné à EDF de "réviser sa stratégie" ?
Dès qu’elle a pris connaissance de l’incident, l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) a demandé mardi à EDF de "réviser sa stratégie" sur le traitement de la corrosion sous contrainte de certains de ses réacteurs. Si EDF s’est pour l’heure refusé à tout commentaire, ce problème n’est pas nouveau dans son parc de réacteurs, d’où la demande appuyée du gendarme du nucléaire. Il y a un an et demi, le géant de l’électricité avait déjà détecté un problème générique de microfissures, soit un problème commun à plusieurs réacteurs.
Le réacteur en question à Penly est d’ailleurs actuellement à l’arrêt depuis près d’un an, dans le cadre du vaste programme de contrôle de "corrosion sous contrainte" mis en place par EDF. Mais jusqu’ici, le phénomène observé par EDF ne laissait transparaître que des microfissures. "Ce qui est nouveau, c’est la profondeur de la fissure, soit 85 % de l’épaisseur du tuyau, et le facteur explicatif lié à cette notion de double réparation lors d’une opération de réalignement de circuits", indique à l’Agence France Presse Yves Marignac, expert en énergie et membre des groupes permanents d’experts de l’ASN. Pour l’expert, "le fait que des fissures plus importantes soient possibles pose la question du maintien en fonctionnement des 6 réacteurs de même type P’4", dans l’attente de leur réparation préventive prévue courant 2023. Sur les 16 réacteurs, les plus récents et identifiés comme les plus sensibles, 10 réacteurs doivent encore être contrôlés et réparés en 2023 : 6 doivent être réparés d’office, sans passer par la phase de contrôle et 4 poursuivront les travaux commencés en 2022, a indiqué EDF à l’AFP.