Droits des femmes : l’épopée féministe vue par L’Express
Avant que le réveil des sixties ne sonne, L’Express mettait à l’honneur dans les années 50 des figures féminines telles que Brigitte Bardot, Marilyn Monroe ou Audrey Hepburn. Elles incarnaient la beauté, la sensualité mais surtout et, déjà, un certain accomplissement socioprofessionnel.
Il faudra attendre août 1966 pour que le physique des femmes cesse d’être leur distinction majeure. Le magazine fait alors émerger une question (brûlante), celle de la légalisation de la pilule. C’est le thème à la une du numéro 790 : "Avant 1967 la pilule en France" : le journal dénonce alors "l’absurdité, la vétusté de la législation de 1920". Dans ce contexte, les Françaises observent leurs voisines européennes avoir accès à la contraception.
![En mettant la pilule à la une de son numéro du 8 août 1966, L'Express s'engage pour la légalisation de la contraception.](https://www.lexpress.fr/resizer/MOsTzbXINKvHdnnOZnJ9Nnzk2qE=/cloudfront-eu-central-1.images.arcpublishing.com/lexpress/F3N6N3KMCRECTGT6VVIGRFKC6Y.jpg)
La France d’après-guerre, qui reste très patriarcale, ne peut qu'ouvrir les yeux sur les revendications féministes. A l'époque, des médias font le choix de mettre en avant les prémices de cette révolution. C'est le cas en particulier de L’Express, qui fait entendre des voix féminines. Cette Une sur la pilule marque un grand tournant dans les priorités du journal.
En 1972, la révolution féministe intrigue. Dans le numéro titré "Les femmes vues par les hommes", c'est pourtant Michèle Cotta qui signe l'article principal de ce numéro. Dans son enquête, elle explique : "les hommes n’ont pas encore peur des femmes", "ceux qui s’adapteraient le mieux à la situation (de la révolte féministe) sont les petits commerçants et les ouvriers. Le plus mal : les gros commerçants et les cadres supérieurs". Si les mœurs évoluent du côté des hommes, ceux qui dirigent et contrôlent le pays ont encore un rôle majeur à jouer. Ce regard pèse sur les femmes qui, elles-mêmes, ne se sentent pas encore prêtes à tenir une place importante dans la hiérarchie du travail. Le "deuxième sexe" est enfin mis en avant, mais il est toujours mis à la voie passive : elles sont "vues par les hommes".
Cette vision masculine s’équilibre à la rédaction de L’Express dans les années 70 ; on y compte déjà un certain nombre de femmes, dont une en particulier en tête du magazine : Françoise Giroud. La célèbre fondatrice de L’Express est appelée par Giscard d’Estaing en juillet 1974 à prendre le poste de Secrétaire d’Etat chargée de la condition féminine. En une de L'Express, elle signe alors "Le pouvoir des femmes" et affirme : "La France est ainsi le premier pays du monde qui marque, officiellement, sa considération à l’égard des femmes".
![L'Express du 22 juillet 1974 met à l'honneur le combat pour l'émancipation des femmes porté par sa fondatrice Françoise Giroud appelée au gouvernement par Valéry Giscard d'Estaing comme secrétaire d'Etat chargée de la Condition féminine.](https://www.lexpress.fr/resizer/Fju1Ti4Y7g0M5Coh7oyM6IuvWZQ=/cloudfront-eu-central-1.images.arcpublishing.com/lexpress/Y5DYCDF4KRBXPCR6ZDRVNO2X6Q.jpg)
Le président de la République fait avancer les choses, mais les femmes doivent de leur côté accélérer le processus d’émancipation. Dans les colonnes du journal, l'avocate Gisèle Halimi "conseille à toutes les Françaises, d’entrer dans la vie active fût-ce au prix d’une double journée de travail". Pour ces deux figures du féminisme, le travail est le seul moyen de faire reculer l’asservissement : "sinon, vous vous retrouverez un jour peut-être socialistes, mais sûrement opprimées".
Deux ans plus tard, Françoise Giroud propulse en couverture de l'hebdomadaire le sujet : "Comment les Françaises se voient". Elle mène une longue enquête afin "d’étayer le nouveau programme d’action que le secrétaire d’Etat à la Condition Féminine va proposer au gouvernement". En effet, le sondage montre qu’il lui reste du travail : "41 % des femmes" se déclarent incapables de "se situer sur l’éventail politique"," 37 % préféreraient être un homme", 20 % "manifestent une volonté offensive de changement". C’est dire "combien est vif ce désir d’exister autrement que comme ayant-droit. Ayant droit à la sécurité sociale de l’époux, ayant droit au nom de l’époux, et toujours désignée comme la femme de. Du boulanger ou du procureur".
![L'Express du 19 janvier 1976 dresse le portrait de](https://www.lexpress.fr/resizer/6aM93oHmvSwaE0HNnqZRRnht1OE=/cloudfront-eu-central-1.images.arcpublishing.com/lexpress/SK7T5MZVVJGLTMCWB2UVIH3DEA.jpg)
Après les grands combats féministes
En 1999, les choses ont bien changé car, cette fois, on peut lire en couverture du n° 2499 : "Les femmes jugent les hommes". Le journal a demandé à treize femmes photographes leur vision des hommes "après les grands combats féministes". C’est à leur tour de mettre en question la place des hommes dans cette toute nouvelle société.
L’Express est un magazine qui, très vite, a compris les enjeux de la révolution féministe en France. Il a laissé les femmes de la rédaction s’exprimer sur un sujet les concernant tout en mettant en avant leurs revendications. Passé le nouveau millénaire, le journal met à l'honneur "les femmes les plus puissantes de France". Plus que la vision de la femme, sa place, désormais élevée dans la société, est mise au premier plan. A l’aube de l’an 2000, la femme moderne semble avoir tous les outils en main pour acquérir l’égalité. Un combat qui reste cependant encore nécessaire.