La gare de Guéret, nouveau terrain d'action de l'intersyndicale de Creuse contre la réforme des retraites

Marcher dans la rue pour protester, c’est réchauffé ? Peut-être un peu, quand c’est la dixième fois en deux mois. Et le chiffre de la mobilisation guérétoise était hier en baisse par rapport à celui de la semaine précédente (lire par ailleurs). Mais les syndicats ont de l’imagination pour éviter le déjà-vu et faire vivre un mouvement qui s’est installé dans la durée : cette fois, ils avaient choisi le mode ferroviaire.

Le soleil n’est pas levé, ce mardi matin, quand une soixantaine de personnes envahissent les voies en gare de Guéret. Peu importe le vent glacial : les drapeaux multicolores flottent encore mieux. « Nous voulions être solidaires des cheminots qui sont en grève reconductible depuis des semaines. Il n’était pas forcément prévu de bloquer le trafic, mais puisque nous sommes suffisamment nombreux… », commente Solenn Marche, enseignante Snuipp et l’une des coordinatrices de l’intersyndicale creusoise.

De fait, le train Felletin-Limoges qui entre en gare à 7 h 15 est le premier à être stoppé. Suivi des deux autres TER de 8 h 40, le Montluçon-Limoges et le Limoges-Montluçon. Avec quelques coups de klaxons approbateurs, les conducteurs n’ont plus qu’à descendre de leurs machines et attendre le déblocage. Au-delà de 10 heures : moment où le cortège parti de la gare routière doit venir prendre au passage les manifestants de la gare ferroviaire.

En rade sur le quai, des étudiants creusois en partance pour Limoges. Comme Marc, originaire de Gouzon, en formation pour devenir chauffeur de poids lourds : « De base, je rentre à l’internat le dimanche soir, mais comme ils faisaient grève lundi, j’ai choisi de partir seulement ce matin et me voilà… Mais là, je suis un peu dégoûté car je risque de rater la conduite qui était programmée aujourd’hui… Sachant aussi qu’avec tout ça, nous avons déjà manqué la moitié des heures nécessaires pour présenter l’examen… »

Si le jeune homme de 18 ans estime que le fond du sujet n’est pas dans ses priorités (« avant de penser retraite, il faut penser travail »), il est tout de même solidaire de la cause : « Mon père qui est lui-même routier a fait grève une semaine. Pas plus, car ça coûte cher. Mais dans ce métier, vous ne pouvez clairement pas exercer à 64 ans. Vous n’êtes plus assez attentif, vous n’avez plus les réflexes… » C’est aussi ce qu’explique Yann Desenfants, cheminot CGT qui doit prendre à 10 heures la tête du cortège guérétois.

Notre suivi de la journée de mobilisation du 28 mars 2023

« Quand je suis rentré à la SNCF, on m’a dit “les salaires ne sont pas mirobolants, mais il y a la garantie de l’emploi et on part tôt à la retraite”. Or là, nous n’avons plus ni l’un ni l’autre ! Nous ne sommes pas contre un alignement des retraites à 60 ans, mais comment aller au-delà, quand certains de nos métiers nécessitent des visites d’aptitudes annuelles dès 50 ans ? Et comment recaser les collègues inaptes, quand on ferme bon nombre de guichets ? »

Le guichet, précisément, est symboliquement condamné ce matin-là par un grand panneau couvert de slogans syndicaux… C’est ici que Mohammed venait pour acheter un billet pour remonter travailler à Paris après être venu voir un ami dans la région.

Originaire du Bangladesh, il regarde d’un drôle d’air les manifestants.Et s’émerveille en apprenant quel est le sujet de la crise sociale en France : « ils ont raison ! Au Bangladesh, si on ne travaille pas, on ne mange pas », résume-t-il. Jusqu’à récemment, seuls les fonctionnaires avaient une pension. Et une Autorité nationale des retraites vient d’être installée par le gouvernement dans l’optique de l’étendre à tous les métiers. Mais les syndicats n’ont pas été conviés… Là-bas non plus.

CortègeDe 10 heures à midi hier, jusqu’à 2.500 personnes ont défilé en boucle de la gare routière à la préfecture, en passant par la gare, les avenues Gambetta, Fayolle, le lycée Bourdan, la préfecture et la place du marché…Le chiffre de 2.000 manifestants initialement communiqué a gonflé en milieu de manifestation et semblait faire un relatif consensus entre la Police et les syndicats… Qui en Creuse comptent ensemble. Le chiffre de 4.000 était avancé pour la précédente mobilisation guérétoise, vendredi dernier. Au terme de ce cortège, malgré une hésitation au carrefour de l’avenue Louis-Laroche, les syndicats ont pris soin de déposer les drapeaux et de se retirer pour ne pas être associés à la suite des événements qui se profilait : un glissement de la manifestation vers la RN145 et les risques que cela comporte.Photo B.Barlier

Floris Bressy

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