La "saison des pluies" a rechargé les nappes sur la majeure partie de la France
Alléluia ! Le département des Pyrénées-Orientales a bénéficié ces derniers jours de la nouvelle tournée générale de précipitations sur l’Hexagone.Le Roussillon et les Corbières sont soumis depuis plus de deux ans à un déficit pluviométrique sévère. Comme le rappelle le quotidien L’Indépendant, les 40 à 100 mm de pluie espérés ces jours-ci ne peuvent au mieux qu’« éviter les coupures d’eau cet été ». Un répit dont avait bénéficié le pays catalan à la même période en 2023. Si cela ne suffira pas à recharger les réserves souterraines et de surface, la pluie permettra du moins d’humecter les terres.Extrême et interminable dans les Pyrénées-Orientales, le déficit hydrique reste très localisé ailleurs : par exemple dans le Sundgau (sud Alsace). Dans l’ensemble, la recharge des nappes souterraines a été généreuse entre l’automne 2023 et ce printemps 2024, à l’inverse des hivers précédents, très secs.Selon Météo France, à l’échelle du pays, l’excédent pluviométrique par rapport aux normales a atteint un pic de 52 % entre octobre et novembre et de 84 % entre février et mars.Un mois de janvier plutôt sec a marqué une pause dans cette sensation, prolongée en cette fin avril, de « mauvais temps » persistant.
Six mois pluvieux émaillés… d’excèsCe semestre excédentaire en eau a été émaillé de tempêtes, d’inondations et de pics de chaleur. En témoignent les températures estivales de début avril. Suivies dans la deuxième quinzaine d’une vague de froid qui a mis en alerte vignerons et arboriculteurs. Un nouvel épisode de gel tardif qui n’a pas, cette année, tourné à la catastrophe.Les anciens faisaient précéder les saints de glace (11 au 13 mai) par les cavaliers du froid (23 avril au 1er mai). Pour autant, ce yoyo météorologique printanier de 2024 relève-t-il de la norme ?
Un « printemps pourri » marquerait-il, en somme, un retour à la normale, après plusieurs années de déficit hydrique ?Or, malgré le coup de froid de ces derniers jours, les météorologues disposent de données édifiantes pour refroidir les poussées de fièvre climatosceptiques : « avril 2024 est le 27e mois consécutif plus chaud que la moyenne avec 371 records de chaleur et un seul record de froid », assène ainsi l’agroclimatologue Serge Zaka sur les réseaux sociaux.
— Dr. Serge Zaka (Dr. Zarge) (@SergeZaka) April 25, 2024Sur le plan agricole, dans de nombreuses régions, ce sont surtout les sols détrempés qui ont perturbé le calendrier : « Les fortes précipitations ont eu un impact sur les semis d’automne pour les céréales d’hiver. Les sols sont encore saturés d’eau ces jours-ci, mais cela n’empêche pas de démarrer les semis de printemps », assure Nicolas Fedou, chargé de mission climat à la chambre d’agriculture de la Dordogne.Ce département affiche en ce mois d’avril des réserves d’eau souterraines et de surfaces hautes, voire très hautes, à l’image de tout le bassin aquitain et de la façade atlantique en général.
Pluies plus concentrées
Or, le climatologue de la chambre d’agriculture périgourdine ne s’attend pas à des records de pluviométrie sur l’année : « Le cumul annuel de précipitations de 800 millimètres reste assez stable mais il se fait désormais sur trois-quatre mois. Et cela correspond aux prévisions que l’on avait depuis dix-quinze ans sur le changement climatique. Autrefois, on avait des pluies régulières, avec des moyennes assez proches d’un mois sur l’autre, c’est-à-dire 50 à 60 millimètres. Désormais, on a une saison sèche qui va de juin à octobre, juste entrecoupée d’orages ».Les agriculteurs de Dordogne, département aux productions extrêmement variées, tentent de « s’adapter au niveau de chaque filière ». Quand la pluviométrie des Pyrénées-Orientales peut être comparée aujourd’hui à celle de la Jordanie, le climat de la Dordogne affiche des relevés plus méditerranéens qu’océaniques. L’adaptation engagée ne va pas non plus jusqu’à faire basculer le Périgord « de la noix vers l’huile d’olive », assure le climatologue départemental.Si « l’excédent en eau se gère plus facilement que le manque », comme en convient Nicolas Fedou, l’humidité « apporte aussi des maladies ». Qu’on se rassure : la récolte 2024 de la gariguette du Périgord ne serait pas compromise. « La couverture nuageuse a retardé le mûrissement », mais les fraises ne devraient pas trop tarder sur les marchés.
Julien Rapegno