A Mayotte, le choléra accable un bidonville
Sur les 63 cas signalés dans le département le plus pauvre de France depuis mi-mars, 49 sont autochtones, c'est-à-dire découlant d'une contamination interne. Sur ces 49 cas, 48 ont pour origine le quartier informel Kirson à Koungou, une commune du nord de Mayotte.
Mercredi soir, une petite fille de 3 ans y est décédée de la maladie. C'est là que l'agence régionale de santé (ARS) et la Croix-Rouge ont installé leur stand, autour duquel les enfants jouent pendant que les curieux s'approchent.
"On fait de la prévention, on explique ce qu'est le choléra et on distribue des pastilles de potabilisation de l'eau", raconte à l'AFP Kelly Chevalier Nkouka, tee-shirt blanc floqué d'une croix rouge sur la poitrine.
A quelques mètres en contrebas, une rivière d'une couleur trouble, jonchée de déchets et de tissus, sépare les habitations du quartier. Deux agents, couverts de la tête aux pieds d'une combinaison blanche, de gants et d'un masque filtrant, s'engouffrent au milieu des cases en tôle.
"Il y a trois suspicions de cas, nous allons désinfecter les logements", lance Asmaou Mohamed, pulvérisateur à la main.
Sur leur trajet, une poignée d'enfants qui jouent dans la rivière. Deux petits garçons se baignent nus au milieu de trois grosses bassines remplies de vaisselle et de linge.
"On voit les mêmes scènes tous les 20 mètres", confie Julie Durand, chargée de santé de proximité à l'Agence régionale de santé (ARS). "Ici, l'eau de la rivière sert aussi bien pour la toilette et la lessive que pour cuisiner. Et beaucoup la boivent".
Dans ce bidonville, les quelque 5.000 habitants n'ont pas l'eau courante, comme un tiers des quelque 320.000 personnes qui peuplent l'île, selon l'Insee.
Une fontaine est située à quelques centaines de mètres mais ne fonctionne que deux jours sur trois, faute de production d'eau potable suffisante et malgré la fin de la sécheresse qui a touché Mayotte en 2023.
- "Le dernier moment" -
Les équipes sanitaires qui sillonnent la zone ont fait installer une rampe d'eau depuis l'apparition des cas de choléra et tentent de faire changer les pratiques.
La maladie, qui se propage très rapidement, s'attrape essentiellement via l'eau ou les aliments contaminés. Mais malgré les conseils, les pratiquent dangereuses persistent, ce qui agace Hamed, 16 ans.
"Nous, on évite d'utiliser l'eau de la rivière parce que la situation est vraiment grave. Mais les gens s'en fichent", lance le jeune homme, assis sur un rondin de bois en regardant les enfants qui s'y baignent.
Les équipes sanitaires se déplacent aussi à domiciles, dès l'apparition des premiers symptômes.
"Un binôme infirmier-médecin y distribue des antibiotiques aux proches et les vaccine. Les habitants sont très réceptifs, ils veulent tous se faire traiter", souligne Olivia Noël, arrivée en renfort à Mayotte pour l'ARS.
Parfois trop tard, regrettent les autorités.
"Le vrai sujet, c'est le signalement. L'appel au 15 est primordial dès qu'il y a des symptômes", rappelle le directeur général de l'ARS, Olivier Brahic.
Mais dans ce quartier majoritairement habité d'immigrés comoriens, ce réflexe est loin d'être automatique. "La population n'a pas toujours de téléphone et a souvent peur des autorités. Les gens attendent le dernier moment", estime la députée (Liot) de Mayotte, Estelle Youssouffa.
Sur place, la maladie inquiète. "On ne sait pas comment cela peut évoluer. Le choléra, ça va très vite. Et chez les enfants, ça peut être fatal en quelques heures", souligne Kelly Chevalier Nkouka, de la Croix-Rouge.
En déplacement à Mayotte jeudi et vendredi, le ministre de la Santé, Frédéric Valletoux, s'est voulu rassurant. "L'Etat est là et le sera autant qu'il faut", a-t-il assuré aux journalistes.
Aux Comores voisines, où l'épidémie a démarré un mois et demi plus tôt, 105 personnes sont décédées, selon le bilan officiel du ministère de la Santé publié vendredi.