Autrice d'un podcast, elle souhaite "éradiquer les violences et diminuer les différences entre les genres"
Neïla Hakmi, une Lilloise de 26 ans, vit a Brassac-les-Mines depuis quelques mois où elle est en service civique à La Lampisterie. Elle a pour but de travailler dans la radio et vient de lancer son premier podcast dédié à des femmes qui ont fait avancer la cause féministe, en Espagne, dans les années 20.
Sourire aux lèvres, Neïla Hakmi nous attend derrière le comptoir du bar de La Lampisterie, à Brassac-les-Mines. « Je me fais un thé à la menthe. Tu en veux un ? », lance-t-elle d’entrée. Tutoiement immédiat et contact facile, le décor est planté. La jeune femme, âgée de 26 ans, se sent très bien à La Lampisterie. Pourtant, arrivée il y a seulement quelques mois en tant que service civique, elle est nouvelle dans le Bassin minier et en Auvergne. « Je suis de Lille. Mon copain cherchait à acheter une maison. Il a adoré la région et puis c’est moins cher ici. » Alors, après la fin de ses études – « une licence d’espagnol et un master média culture franco-espagnol » –, elle a fait le choix de le rejoindre.
Si elle souhaite travailler dans une radio, un métier en lien avec ses études, elle est avant tout passionnée par les podcasts. Elle vient d’ailleurs d’en lancer un : La Résidencia de las Señoritas, accessible sur Spotify et YouTube. « Le podcast est un super outil de communication. » Ce média, elle l’a connu en écoutant des podcasts féministes. « Ça a été une révélation pour moi. On peut l’écouter, apprendre des choses en ayant une autre activité en même temps, tout en ayant un côté très intime à la fois. Quelque chose que l’on ne retrouve pas forcément dans l’audiovisuel. » Alors pourquoi associer ce mode de communication au féminisme ?
À force d’en écouter, j’ai pris conscience de toutes les violences que je vivais au quotidien. À partir du moment où l’on met ses lunettes féministes, on ne peut plus les retirer. Alors je me suis dit : “On ne peut pas en rester là !”.
Son but est simple : « Éradiquer les violences et diminuer les différences entre les genres. Même si cela paraît un peu utopiste. » Les violences de rues dont elle a été victime ou des prises de paroles d’hommes supérieures à celles de femmes sont des situations qu’elle souhaite voir prendre fin. Pour apporter sa pierre à l’édifice, Neïla Hakmi a choisi de mettre en lumière l’histoire de La Résidencia de las Señoritas. En particulier celle de trois femmes dont le destin extraordinaire, dans l’Espagne des années 20, n’est quasiment jamais conté. « J’ai fait des études d’espagnol, on nous a beaucoup parlé de l’histoire du pays, de Picasso, de Dali, de tous les autres artistes de la génération de 1927, mais jamais de celle de ces femmes. Pourtant, ils se connaissaient bien. »
C’est maintenant chose faite avec les cinq épisodes de huit minutes qu’elle propose. Au centre de son récit, Maria de Maeztu. « C’est la ligne directrice, car elle est la fondatrice de la Residencia de Señoritas. Elle est présente dans tous les épisodes et c’est à travers sa vie que j’intègre celle des quatre autres femmes. »
Dans son podcast, la jeune femme s’adresse à Maria de Maeztu. « Je lui parle à la deuxième personne, je lui dis tu. » Ce tutoiement qui la caractérise, qu’elle utilise facilement et donne une belle énergie d’ensemble, permet d’entrer dans l’intimité de cette femme née en 1881 à Vitoria-Gasteiz, et décédée en 1948 à Mar del Plata, en Argentine. « Au fur et à mesure de sa vie, de manière chronologique, j’intègre l’histoire des quatre autres femmes. »
La résidence des demoisellesDans cette Residencia de Señoritas, « traduisible en français par la résidence des demoiselles », qui a accueilli de très nombreuses femmes, de 1915 à 1936, à Madrid, pour leur donner une éducation universitaire, la place des femmes dans la société a considérablement évolué. « L’une a été la première journaliste politique du pays. À l’époque, les femmes ne traitaient que la mode ou le jardinage. Il y a eu deux politiciennes qui sont devenues députées, mais aussi une institutrice devenue professeure. »
Une destinée impressionnante pour ces femmes qui, « à l’inverse des Suffragettes anglaises, ne cherchaient pas à obtenir le droit de vote, en raison de la corruption présente en Espagne qui rendait les voix électorales inutiles ». Elles ont concentré leurs forces sur un autre combat : modifier le Code civil pour accéder, comme les hommes, à l’espace public.
« Il faut le savoir : à l’époque, les femmes étaient considérées comme des mineures dépendantes d’un homme de la famille et n’avaient pas le droit de sortir de chez elles sans être accompagnées. » Grâce à leur mobilisation, elles ont obtenu le droit de suivre des études supérieures et engendré des avancées spectaculaires, stoppées par l’arrivée au pouvoir de Francisco Franco, le 1er octobre 1936. Un destin conté avec précision dans chacun des épisodes de La Résidencia de las Señoritas.
Nicolas Jacquet
Le podcast La Résidencia de las Señoritas est à retrouver sur Spotify et YouTube. Cinq épisodes sont proposés au rythme d’un par mois. Le premier a été mis en ligne le 1er juin.