Guillaume Vizade : "La JA Vichy doit avoir une mentalité d'outsider"
La défaite dans le match 3 de la demi-finale a marqué la fin de la saison de la JAV et de votre aventure avec ce club. Est-ce que ça a été un moment dur à gérer émotionnellement sur le parquet ?
Dès que la fin du match a retenti, les choses se cumulent. On sait que c’est la fin de la saison, la fin de l’aventure avec cette équipe et la fin de mon passage au club. Tout ça se mélange. Mais il y a beaucoup de fierté et la satisfaction de voir que les gens dans la salle restent 20 minutes après le match pour féliciter les gars. J’ai trouvé ça très beau. Il y a des moments quand ils arrivent, tu sais que tu ne peux pas les reconstruire. Ils sont là, il faut en profiter et se dire au revoir comme il faut.
Cette aventure avec Vichy-Clermont a commencé par une mission sauvetage de l’équipe, dernière de Pro B à 10 journées de la fin. Et un match gagné au buzzer, le 31 mars 2017. Quel souvenir en gardez-vous ?
Je me souviens de toute la semaine qui a précédé ce match, entre le moment où Yann (Le Diouris) a pris la décision de me confier l’équipe, et le moment où on se remet en ordre de bataille avec Jonathan (Nebout, son assistant) et l’équipe, autour de Charles (Bronchard) et Greg (Lessort), qui était le capitaine à l’époque.
Dans notre projet, la place laissée aux joueurs français a été très importante
Ce premier match face à Lille, qui faisait une grosse saison, il ne fallait pas le perdre. Sur ces 10 derniers matchs, il fallait en gagner 6 pour se maintenir, alors qu’on était à pas tout à fait 30 % de victoires depuis le début de la saison. C’était un énorme challenge. Je me souviens qu’à quelques secondes de la fin, Thomas Ceci-Diop (alors à Lille) met un panier pour passer devant. Il nous reste moins d’une seconde à jouer quand on prend le temps mort. Et ensuite, c’est Rida El Amrani qui trouve Carl Ona Embo pour ce tir à 3 points.
Quand Yann Le Diouris vous a confié la succession de Stéphane Dao, pensez-vous embrasser à ce moment-là une carrière de coach ?
J’ai toujours abordé l’activité coaching de la même manière, que ce soit avec la Nationale 3 de Clermont Basket, les U18 du Stade Clermontois ou de la JAV. J’ai toujours essayé de faire les choses de la manière la plus professionnelle et la plus enthousiaste possible. Mais c’est vrai qu’en venant à Vichy, j’étais loin de tout ça puisque ma première mission était de faire en sorte que le club retrouve son agrément pour le centre de formation. Finalement, sur ma première année au club, les deux objectifs ont été validés : le maintien et l’agrément.
Près de 400 matchs plus tard, vos principes de jeu ont-ils changé ?
Il y a des basiques, des croyances que l’on a et dont on a besoin pour entraîner. Et en même temps il faut remettre à plat, se questionner, faire avancer ce qu’on propose en termes de management car les groupes que l’on a sont différents, les contextes de saisons évoluent. Le management dans le sport professionnel est souvent situationnel. Évidemment, il y a des marqueurs que l’on va retrouver.
Quels sont ces marqueurs ?
Sur le plan managérial, c’est avoir de la clarté par rapport à ce qu’on propose au joueur : dans la définition de son rôle, dans la manière de l’intégrer à l’équipe. Ensuite, il y a les valeurs d’engagement, d’intensité pour essayer de produire un basket le plus total possible. Pour produire des deux côtés du terrain, il faut des joueurs qui proposent beaucoup de courses, une forte cohésion. Et puis un projet de jeu autour de la passe, où le ballon doit voyager très vite. Dans le projet qu’on a mené ici, la place laissée aux joueurs français a été très importante. Cela a été salué cette année mais ça s’est construit dans le temps.
Cette volonté de miser sur des talents bruts à développer est-elle née avant tout d’une nécessité économique ou d’une réelle politique du club ?
Cela est déjà possible parce que le potentiel des jeunes joueurs français est important. Ils ont la capacité à être sur le terrain, à aider le club à accomplir ses objectifs. Et le premier de ces objectifs est toujours de se maintenir, le plus tôt possible. Il y a aussi l’idée d’aller plus loin que les autres dans cette identité. On voulait aussi redynamiser la salle, rajeunir le public, amener un nouveau type de spectateurs. Ce profil de joueurs a permis de produire un basket attractif.
Il y avait une réelle égalité des chances. Quand quelqu’un performait, ses coéquipiers étaient très contents d’orienter le jeu vers lui
Un basket concrétisé par une saison 2023-2024 exceptionnelle. Quels en ont été les principaux facteurs ?
On s’est beaucoup focalisé sur nous : avoir une identité forte, imposer notre basket et faire en sorte que les équipes qui voulaient nous battre devaient nous empêcher de jouer notre basket et donc d’être concentré sur nous. De notre côté, on passait l’essentiel de la semaine à travailler sur nous. Et ça, c’était possible parce qu’on n’avait pas une pression de montée des dirigeants. D’ailleurs ça a été un fil rouge sur toutes mes années ici. On n’a jamais été trop haut, quand ça se passait bien et jamais été dans la sinistrose lors des années un peu plus difficiles. Les joueurs le ressentent, ils voient que l’environnement est stable.
Avez-vous senti au tout début de saison que cet effectif avait quelque chose de spécial ?
Dès les matchs de préparation, je sens qu’on a un angle sur lequel peut avoir de la compétitivité : la mobilité, l’agilité, la vitesse et tout ça, cimenté par le partage du ballon. Un soir, on a quelqu’un qui brille, l’autre soir quelqu’un d’autre. Et finalement, on fait de cette absence de hiérarchie, une force, en ayant un projet hypercollectif. C’est ce qui a motivé tout le monde à l’intérieur du groupe. Il y avait une réelle égalité des chances. Quand quelqu’un performait, ses coéquipiers étaient très contents d’orienter le jeu vers lui.
Une piste à suivre pour votre successeur, Dounia Issa ?
Ce qui aide le club, c’est d’avoir une mentalité d’outsider, d’avoir des joueurs qui veulent prouver quelque chose, qui ont une énergie et un niveau de travail au-dessus de la moyenne du championnat. Il peut y avoir une réussite exceptionnelle, mais il ne peut pas y avoir forcément une réussite programmée, notamment quand on regarde le poids économique des clubs qui sont installés dans cette division ou qui descendent de Pro A.
Olivier Rezel
Le point de vue de Guillaume Vizade sur la fusion "Au sujet Au point de départ, les gens n’ont pas eu conscience de ce que représentait le fait de faire cette fusion. Je pense aux premier et deuxième cercles autour du club, les partenaires institutionnels et partenaires privés. Pour faire tenir ce projet-là, il fallait augmenter les investissements financiers mais aussi structurels, pour que les lieux de vie, les salles évoluent, pour que l’identité soit marquée par quelque chose dépassant le symbolique, quelque chose de bien ancré. Ensuite, la séparation a eu lieu pour de mauvaises raisons puisque celles évoquées étaient les résultats sportifs. Or, quand on compare ces résultats, on a toujours été sur-performants par rapport aux moyens qui nous étaient attribués. C’est donc assez naturellement que le projet s’est recentré sur Vichy, qui a apporté un soutien inconditionnel et a permis d’avoir l’adhésion de partenaires économiques locaux. L’histoire du club est passée par cette fusion et ça a permis une sorte de renaissance, de forger l’identité du club. Je pense que la raison d’être du club est bien plus marquée aujourd’hui que lorsque je suis arrivé."