Il y a 80 ans, Jean Zay, symbole de gauche, était assassiné près de Vichy
C’est un endroit tranquille, reculé, qui surplombe la carrière des Malavaux. On y accède par la départementale qui relie Cusset à Molles, aux portes de la Montagne bourbonnaise, après une ascension d’une dizaine de minutes, sur un sentier argileux tracé à travers le sous-bois.
Qui était Jean Zay : jeune, juif, de gauche et franc-maçon?
C’est ici, au petit matin du 20 juin 1944, après cette même ascension sur ce même sentier, que Jean Zay, qui croit alors avoir été libéré de sa prison riomoise par des résistants sous couverture, est assassiné par trois miliciens. Il reçoit un coup de matraque derrière la nuque, et s’exclame « Vive la République ! », avant d’être mitraillé puis jeté au fond du ravin, le « Puits du Diable » qui porte bien son nom.
Les assassins lancent ensuite des grenades au fond de la carrière pour provoquer des éboulements qui enseveliront son corps. Lequel ne sera retrouvé que deux ans après par des chasseurs, et identifié encore deux ans plus tard, lors de l’arrestation du milicien Charles Develle, qui confesse le crime. Les deux autres bourreaux ne seront jamais retrouvés.
Martyre et symbole« Jean Zay avait 40 ans à l’époque, et représentait tout ce qu’ils détestaient : de gauche, d’origine juive et franc-maçon, explique Patrice Corre, secrétaire général du Comité en l’honneur des 80 parlementaires du 10 juillet 1940 et des passagers du Massilia. C’était un homme ouvert et tolérant. »
« Ils ont supprimé tous ceux qu’ils estimaient être les ennemis de la Patrie. »
Ministre à 32 ans, Jean Zay, membre du parti radical socialiste, n'a eu de cesse de s'engager pour son pays. « Dans les années trente, il est sans doute un des hommes politiques qui a suscité le plus de haine. Pour les collaborationnistes, c’est le Front Populaire qui a mené la France au désastre. Et en juin 1944, les alliés venaient de débarquer en Normandie et les fascistes craignaient qu’ils ne reprennent la France. Alors ils ont supprimé tous ceux qu’ils estimaient être les ennemis de la Patrie. »
Jean Zay, qui était emprisonné depuis son arrestation pour désertion en 1940, alors qu’il avait démissionné de son ministère pour aller au front, fera partie des nombreuses victimes de la Milice. Dirigée par Joseph Darnand, sous les ordres directs de Pierre Laval, chef du gouvernement de Pétain, elle est l’équivalent français de la Gestapo allemande.La ville de Cusset va installer des panneaux explicatifs le long du sentier qui mène au lieu de l'assassinat de Jean Zay.
Il y a 80 ans, jour pour jourEn hommage à l’assassinat de Jean Zay, survenu il y a 80 ans jour pour jour, une cérémonie d’hommage aura lieu lundi 24 juin à 9 heures, devant le monument commémoratif construit en contrebas du lieu de son exécution, le long de la route des Malavaux. La dernière fille de Jean Zay, Hélène Mouchard-Zay, assistera à cette cérémonie, qui devrait également se dérouler en présence du Premier ministre, Gabriel Attal.
Texte Sandrine Gras
Photos François-Xavier Gutton