Haute-Loire : liées par leur combat contre le cancer du sein, elles vont gravir le mont Mézenc
Depuis huit mois, dix femmes touchées par un cancer du sein se préparent. Objectif : atteindre le sommet du Mézenc et y déployer symboliquement le ruban rose de la Ligue contre le cancer, financeur du programme.
Une belle aventure prend fin ce vendredi matin au sommet de la Haute-Loire. Depuis novembre dernier, dix femmes volontaires se préparent pour cette journée si spéciale qu’elles ont en tête depuis des mois.
« Faire de l’activité tout en se soignant »Atteintes d’un cancer du sein, ces dix courageuses se sont portées volontaires pour intégrer un groupe unique en son genre. Touchées par leur premier cancer ou en récidive, ces patientes du centre hospitalier Émile-Roux suivent un même traitement : l’hormonothérapie. Un cachet qui contribue à réduire le risque de récidive cancéreuse. Problème, ce traitement entraîne certains effets indésirables dont des douleurs musculaires et articulaires intenses. Et la prise du cachet doit durer cinq - souvent longues - années. Pour diminuer au mieux ces douleurs souvent insupportables, l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) préconise une activité physique régulière. Car, en plus des douleurs, l’hormonothérapie entraîne également une prise de poids d’une dizaine de kilos au moins.
C’est en faisant ce constat que le docteur Anne-Marie Bousseroles, chirurgien gynécologue au centre hospitalier Émile-Roux, et Céline Sabadel, professeur d’EPS, ont lancé « Une rose au sommet », un groupe de dix patientes volontaires pour participer à une séance mensuelle d’activité physique avec l’ascension du Mézenc en point d’orgue… Une aventure construite aussi avec Rachel Aurelle, infirmière coordinatrice du programme d’éducation thérapeutique de l’hôpital.
« Cela fait 25 ans que je pratique et j’ai le rôle de “l’abominable chirurgien”. J’annonce des mauvaises nouvelles, j’opère, je coupe, je traite… C’est une grosse partie de mon activité. Je le vis tous les jours. Mais, j’ai aussi compris que la parole se libère dès que l’on sort des murs de l’hôpital et que les messages de prévention et de dépistage passent mieux », témoigne le docteur.
Une expérience humaine et thérapeutiqueParmi les messages importants, il y a la nécessité de prendre soin de soi. Notamment par une activité physique régulière et une alimentation saine. « Le programme dépistage est efficace auprès de celles qui y adhèrent. Mais, il faut en faire plus sur la prévention. » Depuis novembre dernier, les dix patientes volontaires se retrouvent donc « pour bouger ». Réveil musculaire, gainage, stretching, marche nordique… Le groupe s’est préparé durant de longs mois pour l’ascension du Mézenc, prévue ce vendredi matin. « Faire de l’activité tout en se soignant, c’est le cœur du programme », ajoute Céline Sabadel, la coach sportive bien-être et sport sur prescription médicale, aux commandes des séances.« Pouvoir faire quelque chose de bon pour nous avec des femmes qui vivent les mêmes épreuves, c’est un très grand soutien moral », se livre Paulette, 66 ans, patiente du docteur Bousseroles. « C’est une équipe du tonnerre. Avant, nous ne nous connaissions pas. Aujourd’hui, nous sommes toutes très soudées », ajoute Sylvianne, 65 ans, patiente de Vergezac.Elles graviront le Mézenc en rose, couleur symbolique de la lutte contre le cancer du sein.
Au-delà de l’exercice physique régulier concocté par Céline, ces dix courageuses ont aussi trouvé un soutien et une présence qui peuvent manquer lorsque l’on soigne un cancer. « Nous avons toujours été informées, suivies, écoutées… L’accompagnement psychologique est très important, nous traversons beaucoup de moments d’angoisse », continue Marie, autre membre du groupe, venue de Lozère. « C’est plus simple de souffrir ensemble que seule », confie Sylvianne.
« Ces femmes ont besoin d’aide. L’hormonothérapie est un petit cachet à prendre après le traitement. Les effets secondaires sont importants et la famille ne se rend pas toujours compte de ce que traversent les patientes, pensant que le plus dur est derrière elles. En tant que femme, je suis touchée par cette détresse. C’est la première année d’une Rose au sommet, et il y en aura encore d’autres. Au départ, on ne se connaissait pas toutes, mais cela s’est fait naturellement. Un lien de confiance s’est créé, la parole s’est libérée. J’ai vraiment été bouleversée par cette aventure », conclut Anne-Marie Bousseroles.
Pas de distance « soignant-soigné »« J’ai été bluffée par Anne-Marie. On connaît les emplois du temps des chirurgiens et de voir qu’elle était tout le temps avec nous, cela fait vraiment du bien. Il n’y avait pas cette distance soignant-soigné. Elle a été d’un grand soutien », remercie Sylvianne. « On a réussi à faire sauter des barrières et les modèles de soin établis. Je suis chirurgienne depuis plus de 25 ans et c’est aussi une façon de soigner en reconnaissant leurs souffrances et en trouvant des solutions avec elles. »
Une expérience humaine et thérapeutique riche qui se termine aujourd’hui avec une randonnée jusque sur le toit de la Haute-Loire à laquelle elles ont invité le public. Mais les liens qui se sont créés entre toutes ces femmes resteront pour longtemps.
Nathan Marliac