Les "Chemins vers l'invisible" rendus éclatants par la coloriste Nansky
Il y a chez Nansky, une urgence, une impétuosité. De celles qui s’expriment chez les personnes qui se sont trop tues. "Jusqu’à 18 ans, je ne parlais pas", dit d’un trait et en riant celle qui s’exprime doublement aujourd’hui : du son de sa voix mais aussi avec ses pinceaux.L’enfant contemplative s’est jetée à l’eau quand un marchand d’art, qui s’est penché sur ses dessins, lui a adressé l’injonction de peindre. "J’étais complètement autodidacte. Je le suis toujours d’ailleurs..." Ce conseil devient libérateur. Nansky explore alors la couleur, dans l’abstraction.Nansky expose au centre d'art Jean-Prouvé. Ici, Le Libérateur, dans la salle consacrée au thème de la guerre.
Variations sur le même thème : le CovidAu centre d’art Jean-Prouvé, elle présente plusieurs de ses travaux. "C’est la première fois que j’expose dans un centre d’art. C’est un vrai honneur", souligne-t-elle, encore intimidée alors que plusieurs galeries lui ont déjà ouvert ses portes. C’est pourtant bien elle qui a tapé sur l’épaule du Destin, en déposant un livret de ses œuvres après une visite de celui de Jean-Prouvé.
Dès l’entrée, un de ses projets, conceptuel et jusqu’alors inédit : une production sérielle, en mini-format, sur laquelle elle a travaillé en 2020. Une sorte de variation sur le même thème, mois après mois, autour d’un événement catalyseur de réactions parfois assez dissemblables, mais qui nous a tous été donné d’expérimenter en même temps : l’apparition de l’épidémie de Covid dans notre espace temps.
Chacun chez soi du mois de mars ; Le chaos d’avril, L'Insouciance de juillet, jusqu’à Nick Covid de décembre : avec l’aide d’une complice écrivaine, Marie-Pierre Despéramont, Nansky vient revisiter ces 12 mois pas comme les autres, mais qui ont eu quelque chose d’universel : nous donner à tous exactement la même situation à vivre. Au même moment.
Trois thèmes principaux à parcourirPuis l’exposition, en elle-même, intitulée Chemins vers l’invisible, invite les visiteurs à aller au-delà des perceptions à travers trois thèmes majeurs : la nature, la spiritualité et la guerre.
Quand j’étais petite, la nature c’était très important. Je regardais beaucoup les pierres, les murs. Dans la vigne vierge du jardin familial, il y avait des bestioles. Je voyais des formes. Ça m’inspirait
se souvient celle qui a passé plusieurs étés du côté de Manzat. Écouter, contempler, observer : à cette époque-là, Nansky engrange les sensations, les émotions.
Un monde intérieur foisonnant"Enfant, dès que je formulais des phrases, on me disait que c’était mal dit, pas bien." Elle garde alors tout pour elle, au-dedans. Et consolide un monde intérieur, vif, bouillonnant. Qui, en rejaillissant, va se révéler extrêmement cadré, ligné, presque mathématique tant il est ordonné.
Les murs qui entouraient, hier, le jardin de son enfance, se transforment, sous sa peinture, en des mosaïques bleutées comme autant de possibilités d’interstices au travers desquels elle engage le visiteur à imaginer. Comme elle l’a fait. Comme elle continue de le faire. Entre curiosité et fascination
Un espace mystérieux et sacréUne fascination qui s’est aussi manifestée, chez Nansky, face aux vitraux dont elle s’est aussi largement inspirée et qui impriment d’autres de ses réalisations. Rosaces, flèches de cathédrales, gemmaux mystiques : son travail en abstraction, apaisé, est présenté dans une salle dédiée du centre d’art Jean-Prouvé, plongée dans l’obscurité et éclairée à la lumière noire, sur le thème de la spiritualité, tandis qu’un ultime espace est consacré à un univers radicalement opposé : Désolé, en ruines.
Je voulais évoquer les conséquences des guerres, souvent invisibles, des années après. Il y a des cicatrices partout : sur les corps, dans la mémoire et sur les paysages.
Évoqués de façon sérielle ou bien figurés dans des scènes apocalyptiques, les conflits sont là, déclinés dans leur épouvantable répétition. "Cette salle est là pour faire réagir. Je suis traversée, impactée par l’actualité. La guerre me bouleverse : elle se retrouve fatalement dans mes peintures".
À voir. Chemins vers l’invisible, exposition au centre d’art Jean-Prouvé d’Issoire, du 22 juin au 22 septembre. Vernissage de l’exposition ce samedi, 22 juin, à 11 heures.