Comment ce golf de Creuse a-t-il fait de la ressource en eau un enjeu d'avenir ?

Cette année, si l’eau n’a pas manqué au Golf de La Jonchère, en Creuse, elle reste une ressource qui fait l’objet d’une gestion rigoureuse par souci de préservation face au changement climatique.

« Le golf souffre de cette image de gaspilleur. Je ne vais pas vous dire que ça n’existe pas, mais les mentalités ont évolué », assure Franck Rapinat, président de l’association du Golf de La Jonchère, à Gouzon. La Fédération française s’est ainsi emparée des enjeux du changement climatique et s’engage sur les efforts indispensables de gestion, notamment de l’eau, « plus raisonnée, responsable et solidaire ».Franck Rapinat, président de l'association du Golf de La Jonchère @ Julie Ho Hoa

À La Jonchère, les bonnes pratiques ont été plantées il y a déjà plus de trente ans, à la création du golf. Aucune eau n’est pompée dans les rivières, dans une nappe phréatique ou le réseau. Son secret : un étang de 7 hectares en contrebas de son 18 trous et pitch and putt. « On a la chance d’être sur un bassin-versant et d’avoir cette réserve d’eau autosuffisante », explique Pierre Druesne, son greenkeeper.

L'étang s'étend sur 7 hectares et ajoute au charme paysager du golf @ Julie Ho Hoa

Grâce aux drains installés à l'aplomb de la pente naturelle, l’eau de pluie ruisselle jusqu’à l’étang puis est redistribuée par un circuit d’arrosage sur le parcours. Un local technique en bordure de l’étang abrite le système de commande et de programmation de l’arrosage « principalement le soir et la nuit, surtout en plein été ».

« Ce n’est pas forcément le cas sur tous les golfs mais ici, nous n’arrosons que les greens parce que c’est le cœur du parcours et que si on ne les arrose pas, ils brûlent. Ça représente moins de 2 % de la surface totale. »

L'eau destinée à l'arrosage des greens est pompée dans l'étang, alimenté par le ruissellement des eaux de pluie et un drain en amont @Julie Ho HoaAu printemps, sauf cette année, les zones de départ sont également arrosées « mais on arrête avant l’été ». « Sur une année normale, on va consommer entre 15.000 et 18.000 m3 d’eau », calcule le président. C’est moins que la moyenne des golfs en France (25.000 m3 par an et par tranche de 9 trous annonce la Fédération nationale). @ Julie Ho Hoa

Grâce à cette gestion uniquement sur des réserves d’eau pluviales, le golf creusois échappe aux restrictions préfectorales en période de sécheresse. Ce qui ne l’empêche pas de redoubler de précaution. « On arrose que ce qu’il faut arroser, ça ne sert à rien d’arroser pour arroser. Et si on sait que dans deux jours il va pleuvoir, on va moins arroser, voire ne pas arroser du tout, parce qu’il est évident que l’eau n’est pas une ressource inépuisable. » Franck Rapinat en est bien conscient.

Les golfs, comme tous les usagers de l’eau, sont soumis à 4 niveaux de restrictions fixés par les préfectures (vigilance, alerte, alerte renforcée, crise). Mais l'accord-cadre national signé pour la période 2019-2024 entre la Fédération française de golf,  le Groupement des entrepreneurs de golf français, le Groupement français des golfs associatifs et les ministères de la Transition écologique, des Sports et de l’Agriculture permet de moduler le respect de ces mesures.  @ Julie Ho HoaEn effet, les préfets et les maires peuvent prévoir des mesures plus contraignantes s’ils estiment qu’une pénurie d’eau potable se profile ou que les conditions locales l’imposent. Lorsque le seuil de crise est décrété, seuls les greens, essentiels à la survie du parcours, peuvent bénéficier d'un arrosage « réduit au strict nécessaire » entre 20 heures et 8 heures, et qui ne pourra représenter plus de 30 % des volumes habituels. @ Julie Ho Hoa

Les golfeurs se sont habitués à voir les fairways à sec. « On a vécu trois années assez compliquées, il y a des endroits, sur le haut du golf qui est balayé par le vent, où ça s’assèche plus vite qu’ailleurs. Forcément il y a des endroits où c’était que de la terre ces dernières années », constate Franck Rapinat. Pour autant, les golfeurs étaient au rendez-vous et la qualité du parcours n’en était pas moindre. @ Julie Ho Hoa

D’autres golfs ont déjà entamé leur transition, en s’appuyant notamment sur les stations d’épuration pour récupérer les eaux usées et arroser les parcours. Des expérimentations sur les graminées sont aussi à l’œuvre pour trouver des alternatives moins consommatrices d’eau et plus résistantes aux maladies. Pour ceux qui ne se sont pas encore adaptés en conséquence. 

« C’est un problème d’avenir parce qu’un golf qui n’a pas d’autre solution que de prendre de l’eau du réseau, je ne sais pas dans quelles conditions il pourra continuer d’exister »

À La Jonchère, les îlots d’arbres et de végétation contribuent également à maintenir l’eau dans les sols. Ici, « on préserve tous les arbres. On ne coupe que s'ils sont morts et représentent un danger pour le public », explique Pierre Druesne qui favorise aussi, partout où c’est possible, une végétation haute.Pierre Druesne, greenkeeper du Golf de La Jonchère @ Julie Ho Hoa

Le golf creusois a également redoublé d’efforts pour favoriser de la biodiversité. Depuis déjà quelques années, les trois greenkeepers ont abandonné l’usage des produits phytosanitaires au profit du travail mécanique, voire manuel. « De toute façon, par obligation, on ne pourra plus utiliser de produits phytosanitaires en 2025, rappelle Franck Rapinat. Ici, on le fait par conviction depuis longtemps parce que c’est un sport où l’on est dans la nature, on n’est pas là pour s’intoxiquer, ça n’aurait pas de sens ! » @ Julie Ho Hoa 

Il a fallu faire preuve d’imagination mais « il faut des défis dans la vie », sourit Pierre Druesne. Avec un début d’année très pluvieux et chaud comme celui-ci, le “Dollar spot” s’est installé sur les greens. Pour éviter la chimie, « on travaille avec beaucoup de produits innovants comme des bactéries ou des champignons amis qui vont combattre les champignons pathogènes qui mangent le gazon », explique-t-il. Biostimulants, scarification, renfort de plantes amies ont remplacé les bidons de produits dans ce « golf de pleine nature ».

@ Julie Ho Hoa

Sur les soixante hectares du golf, les fairways et les greens épousent les bosquets, les prairies fleuries, les bois et les points d’eau.

« On a toujours laissé volontairement des îlots de végétation et d’arbres pour que la biodiversité vive. Ici, on s’intègre dans la nature environnante, on n’est pas dans un lieu artificiel. Quand vous jouez, ça dépend des heures, mais vous voyez passer des chevreuils, des lapins. L’autre jour, un couple de cygne a décollé pas loin de nous. »

Les dépressions qui collectent l'eau à mi-parcours, entre le drain et l'étang, sont colonisées et appréciées par de nombreux animaux @ Julie Ho HoaLes dépressions reliées à l’étang qui jalonnent le parcours, cinq au total, jouent le rôle de réserves d’eau tampon et accueillent, elles aussi, une belle collection d’amphibiens, reptiles et insectes. « Le golf, ce n’est pas comme les autres sports de plein air, on est sur un espace bien localisé, donc on se doit de l’entretenir avec une gestion intelligente ».

Texte & photos : Julie Ho Hoajulie.hohoa@centrefrance.com