“Butu” de Kokoko! : en immersion dans les nuits de Kinshasa
Il faudrait un jour saluer ces labels indés qui ont l’audace de s’extirper d’un genre musical parfois trop codifié, trop tourné vers le passé – trop occidental, tout simplement. Ce serait là l’occasion de remercier comme il se doit Partisan Records (Witch, Fela Kuti), Wedge (Tinariwen) ou City Slang (Imarhan) d’avoir ouvert leurs portes à des artistes venu·es d’Afrique, bien avant la nouvelle vague de l’afrobeat, persuadés d’y trouver de sacré·es bon·nes musicien·nes, animé·es par d’autres envies, nourri·es d’autres références.
Au sein de cette liste, il serait bienvenu de mentionner également Transgressive Records, la maison mère de Damon Albarn et des Foals servant de rampe de lancement à Kokoko! depuis 2018, année de Liboso, premier EP qui donnait en seulement cinq titres d’énormes complexes à celles et ceux qui pensent que tenir un dancefloor se fait uniquement à coup de kicks, de drops et de voix scandant sensuellement “move your body”.
Haranguer la foule
“En avant, tout droit”, clamait fièrement ce premier projet : depuis, le collectif congolais semble en effet n’avoir jamais regardé en arrière. Pas le temps, pas l’envie. Il y a dans les productions de Kokoko!, nées du bouillonnement nocturne de Kinshasa, trop de frénésie et d’hédonisme pour condamner la musique au surplace. Cette capacité à galvaniser les corps, même les plus statiques, on la ressentait déjà à l’écoute de Fongola (2019) ou lors de leurs furieuses prestations scéniques.
Elle trouve une dimension nouvelle sur Butu, où s’accumulent des mélodies intenables, où chaque idée est poussée à son paroxysme, où chaque son (le kuduro, le kwaito) se doit de dynamiter de l’intérieur cette musique faite d’énergie punk et de textures électroniques.
Un mélange d’éléments percussifs et de beats synthétiques
Bazo Banga, Mokili, Kidoka : il s’agit systématiquement de haranguer la foule, de transposer sur pistes la folie qui s’empare de Kinshasa une fois la nuit tombée – pensons ici aux bruits de circulation perceptibles en ouverture de Butu Ezo Ya.
Dans la danse et la transe, Kokoko! mélange ainsi sans doser des éléments percussifs DIY (des casseroles en céramique, des bouteilles de détergents trouvées dans la rue), des beats synthétiques et l’intensité d’une ville où les fêtes fédératrices vont souvent de pair avec des velléités émancipatrices.
Butu (Transgressive Records/PIAS). Sortie le 5 juillet.