On a testé Château Perché du début à la fin, entre boue et nirvana, à Varennes-sur-Allier
« Mud ! » Ruth, jolie Écossaise tatouée, qui a fait avec son compagnon « 22 heures de transport aller pour venir », lâche le mot. Mud – prononcer “mudj” – c’est boue, en anglais. Un mot qui fait « froutch », comme le bruit des bottes en caoutchouc (pour ceux qui avaient bien été inspirés de les prendre) ou des pieds nus dans la gadoue.
Ce Château Perché 2024 (la 5e fois dans l’Allier) a été humide, spongieux, glissant. Le sol, déjà détrempé par des mois de pluie, était même « marécageux », ont prévenu les bénévoles à l’arrivée des premiers festivaliers. Il fallait bien viser pour planter sa tente. De grands espaces avaient été condamnés et des passerelles installées au-dessus de ruisseaux.Arrivee des festivaliers au festival Chateau perche. Photo Corentin Garault
Alerte évacuationSi les deux premiers jours ont été ensoleillés et praticables, ça s’est gâté le samedi. Tout début d’après-midi, alerte orage orange, « évacuation » du festival. Tout le monde est prié de regagner le camping, de récupérer téléphone, eau, nourriture et se confiner dans un véhicule le temps que ça se passe, « jusqu’au soir ».
Des festivaliers (1.000 ?) stressés par les messages alarmistes de l’organisation, répétés au mégaphone, et par l’idée même d’orage, ont démonté leur tente et sont directement partis en gare de Moulins, d’un coup prise d’assaut.
Mais la plupart ont traîné des pieds. Se faisant prier par l’équipe de sécurité, obligée d’aller voir dans chaque tente s’il restait quelqu’un, en réveillant un certain nombre : à 14 h – quand on s’est couché à “8 du mat”, au moment où la musique s’arrête – c’est encore l’empire de Morphée.
« On a mis du son dans les voitures, c’était très sympa finalement », confie, positive, une festivalière, qui avait proposé des places pour les “sans véhicules” dans son monospace.
Transe pieds nus versus LSDUne autre occasion de faire connaissance… bien que le festival n’en manque pas, posant des bulles dans chaque coin du site. Une « chapelle mystique » où l’on a pu expérimenter la transe, sans drogue* (waouh !) avec un doctorant en anthropologie (tout est dans la respiration) et s’enjailler ensuite avec le concert énergisant du groupe survitaminé Tanzanite.
(*) Un atelier de transe sans drogue, une proposition iconoclaste, au vu des substances qui circulent.
Danser sur sol mouvantAu bord de l’étang, une scène « chill » et douce, parfaite pour se reposer dans un hamac après quelques exercices de yoga.
Une nuit devant la scène 1 (« les Magnolias d’Aglaë »), à revisiter la danse du ventre sur des sons orientaux. Une autre devant une immense baleine-cabine de DJ à goûter à des mix plus « brutaux » et « ravy » : cette « Clairière aux hirondelles » fut la scène la plus boueuse, malgré la paille ajoutée. L’impression d’être sur un sol mouvant.
Exploration village, interdit aux moins de 18 ansOn n’oublie pas dans cette liste (non exhaustive, parmi huit scènes et deux camps), ce qui fait aussi le sel et le soufre du festival : « exploration village », l’espace d’expériences sensorielles interdites aux moins de 18 ans, accessible sur inscriptions (places très limitées).
D’emblée, à la sortie du camping, une première scène donnait le ton, à côté des douches (trop peu nombreuses, jusqu’à 2 heures d’attente le midi). Deux choix pour se laver : dans des cabines ou en mode libéré délivré, tout nu et tout bronzé. Dans les deux cas, eau froide, ça réveille !
Puis un petit chemin amenait sur le site même de l’arboretum où se nichent tous les espaces. Beaux arbres, belles fleurs. Des barrières pour garder les troupes dans le droit chemin, quelques rubalises (qui n'ont pas tenu).
Des décos.
Ainsi que des messages : « Place aux câlins, si consentis », « que ta parole et ta pensée soient sans venin », « sois gentil.le tout le temps avec tout le monde »…
Le cœur sur la main, un tube de colle dans l’autreDes gens gentils, il y en avait à la pelle.
Cette bande de gars qui n’arrivait pas à finir leurs assiettes vegan après une pizza (vegan), a proposé aux affamées des environs de partager leur banquet, en papotant.
Ce duo de filles, venu à vélo de Nantes avec 35 kg de barda sur leurs biclous ; l’une dansant avec des bolas, l’autre avec un balai relooké : fascinante (gentille) sorcière !
Ce charmant jeune homme au plastron doré qui offrait des bracelets, eux aussi, dorés à « tous les gens sympa » qu’il rencontrait.
Camille, aka Cacorail, qui doit bien avoir le meilleur stand du monde, avec ses accessoires de « super fantaisie pour les grands enfants, les rêveurs et les bringueurs ». Le cœur sur la main, un tube de colle néoprène dans l’autre, elle n’a pas hésité à réparer les chaussures en bout de course « pour qu’elles tiennent au moins jusqu’à la fin du festival ». Elles ont tenu (presque).
Hommes en tutu : validé !Pour finir, les costumes : des monstres en tutu, des cornes, des ballerines, des pom-pom girls, des aliens, de la transparence (très transparente) et de la fluorescence, du « ridicule » assumé et beaucoup d’ailes. Fées, papillon, dragon, chouette, corbeau, ange, duveteuses, qui clignotent…
Le plus dur après tout ça, c’est l’atterrissage. Chacun, chacune a dû retrouver le « taf » : l’application en cours de développement pour les informaticiens, les patients malades pour les médecins, le plan marketing pour les commerciaux ou les dossiers à finaliser pour les ingénieurs. Allez, au boulot !
Mathilde Duchatelle,texte et photos, sauf mention contraire