Shelley Duvall (1949-2024), une actrice pas comme les autres
Le visage de la peur. Pour le grand public, Shelley Duvall incarne le visage de la peur, de l’effroi total. Elle restera à jamais Wendy Torrance, l’épouse de Jack (joué par Jack Nicholson), qui la poursuit avec une folie furieuse et une hache dans les couloirs désolés (mais pas vides…) du vaste hôtel Overlook, alors qu’elle cherche à se défendre avec un grand couteau.
Le tournage de Shining dura près d’un an, et Shelley Duvall faillit en tomber malade, maltraitée par un Kubrick qui pouvait lui faire rejouer 20, 30, parfois 50 fois le même plan. Marquée par ce rôle psychologiquement éprouvant (elle devait beaucoup pleurer, exprimer la frayeur en permanence, etc.), Shelley Duvall, des années plus tard, regrettait d’avoir accepté le rôle.
Mais sa carrière ne doit pas être réduite à un seul rôle, et sûrement pas celui-là. Car elle tourna sept films – et non des moindres – avec Robert Altman, qui l’avait rencontrée dans une soirée alors qu’elle était vendeuse de cosmétiques. Fille d’un avocat et d’une agente immobilier, elle n’avait aucune formation d’actrice. Altman voyait dans son physique hors normes (ses grands yeux, ses grandes dents, sa maigreur) le potentiel d’une comédienne pas comme les autres.
Sous sa direction, elle joue dans Brewster McCloud (1970), John McCabe (1971), Nous sommes tous des voleurs (1974), et puis surtout Nashville (1975) et Buffalo Bill et les Indiens (1976), aux côtés de Paul Newman.
En 1977, le formidable Trois femmes – encore un film de Robert Altman –, avec Sissy Spacek, lui vaut de recevoir des mains de Roberto Rossellini le prix d’interprétation féminine à Cannes.
La même année, elle joue un petit rôle dans Annie Hall, de Woody Allen. Elle rencontre le musicien Paul Simon sur le tournage, et le couple vivra ensemble deux ans. L’actrice retrouve de nouveau Altman pour Popeye, en 1980, d’après le célèbre dessin animé, dans lequel elle joue le rôle d’Olive aux côtés de Robin Williams.
Elle tourne ensuite de moins en moins, ou des petits rôles, fait des apparitions dans des séries, se consacrant surtout à la production d’émissions de télévision et de disques destinés aux enfants. Souffrant de troubles psychiatriques, elle arrête le cinéma en 2002. Vingt ans plus tard, elle acceptera un rôle dans The Forest Hills, de Scott Goldberg, avec Edward Furlong, un film d’horreur qui n’est pas sorti en France.
Shelley Duvall est morte dans son Texas natal “des suites de complications liées à un diabète” (selon son compagnon, le musicien Dan Gilroy), dans son sommeil, ses grands yeux fermés.