Semaine de six jours : la France ferait bien de s'inspirer de la Grèce
Avoir un œil sur la politique économique grecque est pertinent à double titre. D’abord parce que la France, de ses citoyens à sa classe politique, ne s’intéresse pas autrement que par la parole à la question des finances publiques et qu’elle pourrait, dans quelques années, connaître le destin peu enviable qui fut celui de la République hellénique entre 2008 et 2015. On s’en souvient. Du fait d’un profond laxisme dans la gestion de ses comptes publics, de dissimulations comptables puis de l’arrivée au pouvoir de la gauche d’Alexis Tsipras et de son programme déraisonnable - moins que celui du Nouveau Front populaire, mais ce n’est pas difficile -, la Grèce avait perdu la confiance de ses créanciers, ce qui avait fait flamber les taux d’intérêt sur sa dette publique et précipité le pays dans l’insolvabilité.
Les questions qui se posaient alors étaient existentielles : avec quel argent payer les fonctionnaires ? Les retraites ? Comment rembourser les médicaments à la fin du mois ? Heureusement, la Banque centrale européenne, la Commission européenne et le FMI, honnis à Athènes, sont intervenus pour replacer la dette grecque sur le chemin de la liquidité et aider à la restructuration du système bancaire.
Des finances publiques en excédent primaire
Après dix ans d’efforts, de rigueur fiscale et de serrage de boulons sur la dépense publique, le pays est de nouveau solvable. Pour le dire clairement, les résultats de la Grèce sont même spectaculaires. Le déficit budgétaire du pays tourne autour de 1 % du PIB, beaucoup moins que la France, l’Italie ou l’Espagne. Plus important : la Grèce dégage un excédent primaire de ses finances publiques. Autrement dit, hors intérêts de la dette, le budget est excédentaire. En conséquence, le ratio de la dette publique rapportée au PIB reste, certes, encore élevé - 160 % du PIB - mais il redescend rapidement. L’économie est en croissance. Et même si le revenu par habitant est encore en deçà de son niveau d’avant-crise, les Grecs peuvent regarder l’avenir avec confiance. Bravo à eux.
La deuxième raison pour laquelle la France, si troublée en ce moment, devrait analyser ce qui se passe en Grèce, est liée à la politique menée par le Premier ministre Kyriakos Mitsotakis, du parti conservateur Nouvelle Démocratie. Celle-ci pourrait servir d’inspiration féconde au centre et à la droite française, structurellement en panne d’idées. Depuis le 1er juillet, les entreprises dont l’activité nécessite un travail en continu vingt-quatre heures sur vingt-quatre ont le droit de proposer à leurs salariés une semaine de six jours travaillés, soit 48 heures hebdomadaires, avec une rémunération majorée de 40 % pour le temps au-delà de quarante heures. Une loi simple, économiquement, financièrement et socialement intelligente.
Plus on bosse, moins l’on coûte à la collectivité
Cette loi présente en effet quatre qualités. Premièrement, elle augmente le potentiel de croissance du pays. Il faut dire et répéter cette vérité granitique : les seules sources de la prospérité d’une nation sont la quantité et la qualité du travail - ce qui inclut le nombre d’heures travaillées, les compétences des travailleurs et la qualité du management - et le progrès technique, c’est-à-dire la façon dont les entreprises et le secteur public utilisent les innovations pour être plus productives. Mais cette productivité ne tombe malheureusement pas du ciel, si bien que l’on peut affirmer que toute richesse individuelle, comme collective, procède du travail.
Deuxièmement, libérer la capacité à travailler est le moyen le plus sain et le plus simple d’améliorer les finances publiques en augmentant mécaniquement la base fiscale et sociale. Plus on bosse, plus on rapporte à la collectivité, et moins l’on coûte.
Troisièmement, dans des pays où le taux de fécondité est inférieur à 2 - ce qui est insuffisant pour stabiliser la population - et qui, dans le même temps, se ferment à l’immigration, travailler davantage est un moyen de conjurer le déclin démographique.
Quatrièmement, cette loi ne constitue pas une obligation de travailler davantage mais une possibilité, assortie d’une forte incitation financière. Quoi de mieux, socialement, que de proposer à qui le veut de s’enrichir ? Celles et ceux qui donnent plus doivent recevoir beaucoup plus. C’est un bon message envoyé à des sociétés en demande de repères clairs.
Nicolas Bouzou, économiste et essayiste, est directeur du cabinet de conseil Astères