Tour: debout les forçats de la route, c’est la lutte finale
Le vainqueur du Tour de France 2024 sera… sera…
Il ne pouvait pas être plus clair, Jonas Vingegaard, L’Humble mais aussi L’Obstiné du peloton. A peine remis de ses graves blessures sur le Tour du Pays basque (fracture de la clavicule, côtes cassées, contusions pulmonaires dont rien de moins qu’un pneumothorax – ce qui aurait valu à n’importe quel quidam une longue convalescence), il ne s’est pas aligné sur 111ème édition de la Grande boucle pour faire de la figuration, montrer son maillot et susciter la compassion. Logiquement, sa saison aurait dû s’arrêter de l’autre côté des Pyrénées…
Mais la vie n’ayant pas été tendre avec lui avant de remporter deux Tours consécutifs, la compassion à son endroit l’indiffère. Quatre ans avant de remporter son premier Tour, en 2022, il travaillait encore à dépecer de nuit des poissons dans une conserverie dans son pays natal, le Danemark, pour se consacrer le jour au vélo. S’il a pris le départ à Florence, c’est pour la gagne, et rien que pour ça, n’a-t-il eu de cesse de dire et redire.
« Je ne suis pas venu ici pour viser la deuxième place, a-t-il répété sans ambages, lundi dernier, deuxième jour de repos. Je ferai tout ce qui est possible et je continuerai à me battre avec l’objectif d’essayer de gagner ». Dès lors, les trois ultimes étapes s’annoncent cruciales. Debout le forçat de la route, c’est la lutte finale qu’il a proclamée. Du passé, des 18 étapes précédentes à celle de demain vendredi (Embrun-Isola 2000, 144,6 km), qui conduira le peloton bigarré à franchir le point culminant de cette édition, le col de la Bonette (2802 m, 22,9 km d’ascension à 6,9% de moyenne), hors catégorie, il compte bien faire table rase… « Ce sera l’éruption de la fin »… Debout, debout sur les pédales, ce sera tout ou rien, le triomphe ou la déroute.
L’étape de samedi (Nice-Col de la Couillole, 12,8km), si la guillotine n’a pas fait son œuvre fatale la veille, peut trancher dans le vif dans la tête du général. « Aussi courte que difficile », selon un coureur du coin, Clément Champoussin (Arkéa-BBhôtels), plus directement dit « courte mais assassine ». La défaillance monumentale peut s’abattre sur l’un des deux rivaux (et pourquoi pas sur les deux à la fois, ce qui serait une sacrée première), s’ils sont toujours en lice. Ce fut ce qui advint au Flamboyant, parfois inutilement arrogant, tout en restant tout-sourire, Pogacar, quand il avait été laminé, l’an dernier, lors de la 17ème à l’issue de laquelle il s’était retrouvé relégué à 7 mn de Vingegaard au général et avait concédé déjà la veille dans un contre la montre de 22,4 km 1’36.
Si ce final très rude de trois étapes totalisant un dénivelé de 15 000 m (deux fois l’altitude de l’Himalaya, en gros), ne sonne pas le glas pour l’un des deux grands aspirants à la victoire finale, si un troisième larron ne profite pas de leur rivalité qui les conduirait à se neutraliser, ce sera donc le chrono individuel des 33,7 km qui se terminera sur la Promenade des Anglais à Nice qui jettera son dévolu : le vainqueur du Tour 2024 est… est…
Certes, dans les deux étapes pyrénéennes, Pogacar a été dominateur mais pas impérial. Une avance de 3’09, « ce n’est rien en montagne », comme l’ont dit et redit Laurent Jalabert et Thomas Voeckler, tous deux ayant une expérience de l’art cycliste et du coup de pompe qui vous laisse sans jambes, et reconvertis dans l’expertise cyclopédiste. Ils ne manquent de compétences, n’en déplaise à d’aucuns à l’humeur toujours grincheuse…
Néanmoins, si Pogacar « reste à ce niveau, il sera difficile à battre, admet Frans Maassen, directeur sportif de l’épique de Vingegaard, Visma-lease a bike, ainsi que l’a rapporté Armel Le Bescon, l’envoyé spécial du Figaro. Mais, je reste persuadé qu’il a encore une chance de gagner le Tour. Ce n’est pas terminé car ces deux dernières années, Tadej (Pogacar) a eu des mauvais jours ». Et ces mauvais jours ne sont pas encore manifestés, si tant est qu’ils aient l’intention de se manifester.
Précision : la démonstration de Pogacar et Vingegaard sur les pentes du Plateau de Bielle, le 14 juillet, a relancé la récurrente et sempiternelle suspicion de dopage qui n’a pas toujours été infondée, donc est légitime. Le cas Armstrong, septuple vainqueur, qui avait déjoué tous les – pourtant très stricts – contrôles (aucun sport n’est soumis à pareille rigueur, pourtant, et pourtant… ???) nourrit ce doute. Les apparences sont souvent trompeuses, dans les deux sens : on peut paraître coupable et être innocent et vice-versa. Nous y reviendrons, en racontant l’histoire du dopage qui est consubstantiel au cyclisme, même si le premier dopé qui s’est fait pincer a été un nageur. Le premier dopage dans le vélo a été le vin Mariani, un gros rouge, lui, dopé à la cocaïne, et qui a inspiré un pharmacien américain pour créer le plus fameux soda du monde, le Coca Cola, dont le premier composant qui a fait sa gloire provenait de la feuille de… Coca, plante andine stimulante.
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