Le tourisme loin des côtes : dans l'Allier, le tourisme passe une vitesse supérieure avec la véloroute

Entre Lozère et Nièvre, venant serpenter à travers plaines, montagnes et lacs, une véloroute spéciale offre de découvrir le cœur de la France sous un jour nouveau. Et, comme dans le bassin de Vichy (Allier), cette Via Allier n’a pas seulement des vertus sportives. La preuve, en selle.

Allez hop, c’est parti. On gonfle les pneus, on remplit bien la gourde, on charge les besaces, et en avant pour près de 400 kilomètres de trajet à vélo. Une étape à faire pâlir les cadors du Tour de France, maillot jaune compris ! Au départ, Langogne, ses plateaux ouvrant sur le massif de la Margeride et les Monts d’Ardèche, ses forêts et ses lacs d’une fraîcheur toujours bienvenue au coeur de l’été. À l’arrivée, le Nivernais, ses plaines infinies et sa campagne verdoyante. Et au milieu ? Il coule une rivière, l’Allier, née en Lozère pour aller se jeter dans la Loire après avoir tracé son sillon dans cinq départements, non sans avoir fait un petit coucou aux volcans d’Auvergne au passage.  

Au départ du port de la Rotonde, à Vichy, plusieurs départs de boucles se présentent au vététiste, dont une partant vers le village médiéval de Billy, 15 kilomètres plus au nord.

Et c’est bien là, au bord de cette rivière serpentant à travers plaines et reliefs, que se trouve la véloroute V70, dont la traversée est à la fois, pour les fadas du coup de pédale, un plaisir sportif et une attraction touristique. Mais bien sûr, il n’est pas nécessaire de faire l’intégralité du parcours pour y trouver son compte en termes de plaisir et d’évasion. Car le tracé de cette Via Allier se divise en plusieurs tronçons ayant chacun leur intérêt propre.

Voir les crêtes du Sancy...sans les monter 

En Lozère, l'un d'eux offre de contourner le lac de Naussac et de suivre les premiers kilomètres de la rivière Allier. En Haute-Loire, un autre permet de découvrir la basilique de Brioude ou les orgues basaltiques de Chilhac. Dans le Puy-de-Dôme, il est donné d’admirer l’abbatiale Saint-Austremoine d’Issoire, tout en apercevant au loin les crêtes du Sancy (et être content de ne pas avoir à les monter). Et dans l’Allier, en arrivant par la cité aux eaux (et au patrimoine) remarquable de Châteldon, une autre étape remonte vers une halte majeure de cette voie verte : Vichy, reine des villes d’eau, inscrite depuis 2021 au patrimoine mondial de l’Unesco, rien que ça. 

Le long des berges de l'Allier, à Vichy, dans un cadre très maritime, les familles sont reines, pour partager le plaisir du vélo à tout âge et en toute sérénité.C’est qu’il y en a des choses à voir, dans cette ville riche de 2.000 ans d’histoire. Des thermes, donc, des villas impériales d’époque Napoléon III, des maisons Art Déco à foison, un opéra Art Nouveau sans équivalent en France, des parcs à perte de vue... Et puis un lac qui, l’été venu, avec ses guinguettes et ses multiples activités nautiques, prend des airs de rivages méditerranéens. De quoi inciter ceux qui y arrivent à vélo, par cette fameuse Via Allier, à y rester un peu plus que le temps d’une petite pause. Et pour ceux qui voudraient partir de là, précisément, le plus difficile est donc...de partir, tant ce tableau vichyssois dessine à lui tout seul un cadre de vacances à la mer, fut-ce à plus de 400 kilomètres des premières côtes méditerranéennes.

Pédaler dans un cadre maritime... à 400 km de la mer

Mais soit, puisqu’il faut quand même pédaler un peu (tel est l’un des principes intangibles d’une véloroute), direction le nord, pour effectuer l’un des derniers grands tronçons de cette V70 : celui reliant la ville thermale à Billy. Soit un parcours de près d’une quinzaine de kilomètres, largement accessible aux familles, mais tout autant prisé des amateurs de cyclisme tout-terrain. 

Lesquels savent d’emblée que ce n’est pas sur cette étape qu’ils iront chercher le maillot à pois : ici, point de difficultés pour grimpeurs ou de cols hors-catégorie, à l’exception de quelques mini-côtes nécessitant un petit changement de braquet. Sinon, c’est le plat assuré...et donc la garantie de pouvoir s’offrir quelques bonnes sensations, le vent dans le dos, sur les nombreuses lignes droites qui composent ce tracé. Celle longeant les bords d’Allier à Vichy, d’abord, où il faut toutefois modérer son allure pour côtoyer promeneurs et joggeurs. Celle, ensuite, qui traverse la zone d’activités de Vichy-Rhue, où la rivière prend un cours bien plus sauvage. Celle, enfin, qui permet de rejoindre le plan d’eau de Saint-Germain-des-Fossés, petit paradis pour pêcheurs et amateurs d’activités nautiques.

Une fois sorti de Vichy, le vététiste s'élance sur des chemins de terre qui longent la rivière Allier, et débouchent sur des curiosités patrimoniales, comme ce pont signé Eugène FreyssinetDes lignes droites, donc, mais des passages plus sinueux, aussi, qui dévoilent des paysages et des monuments remarquables. Ici, aux portes de Vichy, une petite église inspirée des travaux du Corbusier; plus loin, un pont conçu par Eugène Freyssinet, l’un des précurseurs de l’ingénierie moderne; et puis au bout de l’effort, à Billy, un château médiéval comme une forteresse, une vraie, dont les tours sont immanquables dans le panorama local.

C’est dire s’il y a des prétextes à faire des haltes, et à mêler l’activité sportive à la découverte touristique, sur ce tronçon offrant aussi de côtoyer la faune et la flore locale, l’œil avisé pouvant reconnaître sternes, gravelots et autres hérons. La pause photographie est autorisée, bien entendu. 

Tout au long du parcours, de nombreux panneaux d'orientation permettent de s'assurer de sa bonne direction.

Ainsi se déroule donc le fil de cette étape Vichy-Billy, dans un territoire qui a depuis de nombreuses années fait de cette Via Allier un facteur majeur d’attractivité touristique. Il y a dix ans encore, en allant vers le nord (Billy, donc), mais aussi vers le sud (Saint-Yorre et Châteldon), les aménagements étaient encore minimes, et il fallait par endroits repousser ronces et branches pour pouvoir se frayer un chemin. Mais à la fin des années 2010, c’est tout un territoire, sous l’impulsion des collectivités (Région, Département, Vichy Communauté; mais aussi État et l’Europe), qui a passé la vitesse supérieure. En ouvrant, les unes après les autres, des voies de part et d’autre de la ville thermale, au prix d’aménagements parfois étalés sur plusieurs mois, et ayant nécessité des investissements non-négligeables (jusqu’à 8 millions d’euros pour la partie reliant Saint-Yorre à Billy en passant par Vichy). 

Un facteur d'attractivité pour tout un territoire 

Un investissement, mais une stratégie clairement assumée : celle de faire de cette véloroute un levier supplémentaire d’attractivité pour un territoire tout entier. Il y avait déjà le sport, un moteur de l’économie locale; il y a désormais les loisirs, voués eux aussi à contribuer plus encore au développement d’un bassin thermal désormais fréquenté par des visiteurs originaires de tout le pays...et même de pays voisins, venus faire une halte à Vichy sur la route du sud. Avec parfois les vélos attachés aux voitures... mais qui ne le restent pas longtemps.

Quelques secteurs pavés, façon Paris-Roubaix, émaillent la Via Allier.

Le symbole d’une nouvelle ère en matière de tourisme, où le sport côtoie le patrimoine, la culture et les loisirs 

Mais si elle vise évidemment à attirer, aux beaux jours, des amateurs de vélo et de plaisirs ludiques venus d’un peu partout, cette voie verte a aussi été pensée pour les habitants du territoire. Qui n’ont pas besoin de faire des centaines de kilomètres pour avoir la chance de pédaler en bord de mer : un petit passage par la Via Allier autour du plan d’eau vichyssois, et hop, c’est le dépaysement garanti !  Et tout le monde y trouve son compte, à commencer par ces guinguettes de bords d’Allier, qui ont essaimé depuis la réhabilitation de cette véloroute, dont l’essor a accompagné une nouvelle ère de la politique touristique dans le territoire de Vichy.

L'itinéraire est jalonné de sites d'intérêt, qui proposent activités nautiques, animations culturelles, ou détente avec un petit rafraîchissement, comme ici à l'étape de Saint-Germain-des-Fossés.  

Là, dans le bassin thermal, la voie verte n’est pas seulement faite pour pédaler : elle est faite pour s’amuser en famille, pour se dépenser dans un cadre d’exception, et pour découvrir, via des boucles spéciales, un patrimoine ouvert à mille activités. Tout est fait (y compris des services de location de vélo) pour inciter les volontaires, d’ici ou d’ailleurs, à monter sur la selle, à se dépenser un peu, et à finir son trajet en profitant de quelque spectacle ou animation ludique. 

Une fois arrivé à Billy, au pied du château, il est possible de continuer la Via Allier jusqu'à Nevers, de retourner à Vichy, ou de profiter des charmes de cette cité de caractère.

Et cette carte du vélo, largement ancrée aussi dans la politique locale de promotion des mobilités douces fonctionne à ce point que d’autres voies cyclables pointent déjà le bout de leur nez : sur la rive gauche, en remontant jusqu’aux portes du pays de Saint-Pourçain; sur les hauteurs de la ville thermale, avec vue...sur la Via Allier; et en Montagne Bourbonnaise, pour rejoindre l’un des plus grands espaces de pratique du VTT en France.    C’est dire si les amateurs de vélo ont de quoi faire, entre paysages maritimes et montagneux, dans un territoire où sport et loisirs forment, plus que jamais, une formule gagnante. 

Texte Pierre Geraudie

Photos François-Xavier Gutton