Premier ministre et chef de groupe, le drôle de costume de Gabriel Attal
"Rien ne doit pouvoir nous échapper". Devant un hélicoptère Fennec capable d'intercepter des aéronefs, Gabriel Attal vante la mobilisation des armées dans la lutte anti-drones pendant les Jeux olympiques de Paris, enjeu crucial de sécurité pour cet événement mondial qui s'ouvre vendredi.
Car c'est bien le Premier ministre qui est chargé directement de la sécurité de l'espace aérien. Si un avion refuse d'obtempérer et qu'il faut le détruire - ce qui n'est jamais arrivé - c'est lui qui prend la décision au bout d'une chaîne de commandement très courte.
Pourtant le jeune Premier ministre, nommé le 9 janvier, n'a plus toutes ses prérogatives depuis qu'Emmanuel Macron a accepté la démission de son gouvernement il y a une semaine, après l'échec de son camp aux élections législatives, où il est arrivé deuxième derrière la gauche et devant l'extrême droite.
Devenu chef d'un gouvernement "démissionnaire", Gabriel Attal n'est plus chargé que des affaires courantes, dans lesquelles se sont glissés, du fait de leur caractère exceptionnel, les Jeux olympiques.
Juste à temps
Or depuis qu'il est "démissionnaire", Gabriel Attal, réélu député dans les Hauts-de-Seine, a retrouvé son mandat de parlementaire et peut siéger à l'Assemblée nationale.
Il est même désormais rémunéré à ce titre, et non plus au titre de Premier ministre, bien que toujours locataire de Matignon.
Pleinement député, il a pu passer de longues heures à l'Assemblée nationale pour consolider un groupe de députés très éprouvés par la dissolution mais qui ont apprécié son investissement dans la campagne. Et l'ont rapidement élu président de leur groupe le samedi suivant la démission du gouvernement.
Rattrapé par l'urgence de l'actualité, Gabriel Attal a quand même remis sa casquette de Premier ministre jeudi dernier à Nice après un incendie criminel qui a fait sept morts. Il a emmené à cette occasion son ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin, un temps concurrent pour la présidence du groupe à l'Assemblée et qui s'est fait discret à ses côtés devant les caméras.
Ce déplacement ne l'a pas empêché de revenir juste à temps, cette fois comme député, dans l'hémicycle l'après-midi pour participer à l'élection du président de l'Assemblée nationale et à tous les votes qui ont suivi sur les postes clés de la chambre basse.
Dimanche, toujours dans son costume de chef de groupe, il a écrit à ses députés pour demander leurs propositions en vue d'un "pacte de "coalition" avec "la gauche et/ou la droite républicaines".
Comme s'il œuvrait à une base de gouvernement pour son successeur, qui n'a toujours pas été désigné.
Gabriel Attal assure pourtant qu'il ne "sera pas" le prochain Premier ministre et son entourage précise que cette initiative de "coalition" est purement législative.
"Paraître"
Les frontières entre pouvoir exécutif et pouvoir législatif sont ainsi devenues très poreuses, alors que la Constitution stipule que "les fonctions de membre du gouvernement sont incompatibles avec l'exercice de tout mandat parlementaire", contrairement au Royaume-Uni, où les ministres sont obligatoirement députés.
Mais le code électoral semble autoriser la double casquette quand le gouvernement est démissionnaire, même si cette configuration fait régulièrement débat parmi les spécialistes.
Dans l'entourage de Gabriel Attal, on souligne que l'Assemblée ne va plus siéger cet été, ce qui lui permettra de moins endosser son costume de député.
"Le fait que l’on soit tous au complet à nos postes, je ne sais pour combien de temps, ne me semble pas être la réponse au vote démocratique qui s’est exprimé", estime toutefois un ministre. Car un gouvernement démissionnaire ne peut plus être renversé par le Parlement, devant lequel il n'est plus responsable.
Face à cette double casquette "un minimum baroque", inédite sous la Ve République, ce ministre plaide pour qu'un nouveau gouvernement soit trouvé avant la reprise des travaux de l'Assemblée, qui démarrent en septembre en commissions.
Il a aussi tranché: il ne participera pas à la cérémonie d'ouverture des JO vendredi. "Je ne suis pas là pour paraître, je suis là pour gérer les affaires courantes".