Venezuela: Nicolas Maduro, homme du peuple à la main de fer
Grand, la moustache fière, l'ancien chauffeur de bus, 61 ans, rappelle fréquemment ses origines et aime cultiver cette image d'homme du peuple, simple et terre-à-terre.
Il se plaît à évoquer le bon sens, à massacrer des mots anglais, à parler de baseball ou de ses soirées télé avec sa femme Cilia Flores, la "première combattante", ancienne procureure omniprésente sur la scène politique vénézuélienne.
"C'est un genre qu'il se donne. Pour l'anglais, il a été ministre des Affaires étrangères pendant des années (2006-2013). Difficile de croire qu'il ne le maîtrise pas parfaitement", confie une source diplomatique.
En le désignant en 2012 comme son héritier, un an avant sa mort, Hugo Chavez (1999-2013) avait loué "l'un des jeunes dirigeants ayant les meilleures capacités" pour prendre la tête du pays.
Beaucoup l'ont sous-estimé. Il a su s'imposer face à ses rivaux au sein du Parti socialiste unifié (PSUV) dont il est le président, manœuvrer face aux manifestations monstres -- durement réprimées -- qui ont suivi son élection contestée de 2018 boycottée par l'opposition. Et les appareils policier et judiciaire sont à son service, emprisonnant opposants ou activistes.
Il a également réussi à survivre à une crise économique sans précédent, les sanctions économiques, la pandémie et des scandales de corruption se chiffrant en milliards de dollars.
Tout en déjouant des complots, réels et imaginaires, qu'il dénonce régulièrement.
"Super moustache" et coq de combat
La propagande lui a consacré un dessin animé, où il est présenté en "Super-Bigote" (Super-moustache), super-héros "indestructible!" qui, tel Superman, défend le Venezuela contre les monstres et les méchants que sont les États-Unis ou des "opposants-saboteurs".
Pour cette campagne électorale, Maduro s'est fait appeler "Gallo Pinto" (coq de combat), mettant en avant sa bonne forme physique en comparaison à celle de son adversaire Edmundo Gonzalez Urrutia, 74 ans.
Il n'a pas le charisme ou l'éloquence d'un Chavez, mais passe des heures à la télévision ou sur les réseaux avec une communication bien huilée.
Alliant discours politique pur et dur, blagues parfois lourdes et parenthèses personnelles, il sait tenir une foule en haleine.
Une image sympathique jurant avec sa manière de diriger le pays, qui repose en grande partie sur l'armée et l'appareil sécuritaire. L'opposition l'accuse d'être un "dictateur".
Face à la crise économique et derrière le discours socialiste, M. Maduro a coupé dans toutes les dépenses sociales, supprimé les droits de douane à l'importation pour permettre le réapprovisionnement d'un pays qui manque de tout et autorisé la dollarisation pour juguler l'hyperinflation.
"Marxiste et chrétien"
Intransigeant dans son discours anti-américain, M. Maduro sait aussi négocier en catimini.
Il est ainsi parvenu à faire lever de novembre à avril des sanctions américaines alors que l'inéligibilité de la principale opposante Maria Corina Machado se confirmait.
Il a aussi su obtenir la libération de deux neveux de Cilia Flores condamnés pour trafic de drogue aux Etats-Unis, et surtout en décembre d'Alex Saab, considéré comme un des principaux intermédiaires du Venezuela, incarcéré aux Etats-Unis pour blanchiment.
S'il se dit toujours marxiste, il a soutenu la béatification par l'Eglise catholique de José Gregorio, le "médecin des pauvres", en 2021.
Mais il a surtout opéré un virage vers les églises évangéliques chrétiennes. Certains y voient une manœuvre en direction d'une manne d'électorale. D'autres une vraie foi.
"Je suis un enfant de notre Seigneur Jésus-Christ et je sais pourquoi il me protège. Ils (les ennemis) n'ont pas pu m'atteindre parce que le Christ est avec nous", dit-il.
M. Maduro se résume d'ailleurs ainsi: "Bolivarien (de Simon Bolivar, né au Venezuela et figure emblématique de l'émancipation des colonies espagnoles en Amérique du Sud), marxiste et chrétien".