Athlétisme: sacre surprise de Julien Alfred sur 100 m, devant Sha'Carri Richardson
Alfred (23 ans) a largement dominé la finale en 10 sec 72 (-0,1 m/s) devant Richardson (10.87) et une autre Américaine, Melissa Jefferson (10.92).
Sous la pluie diluvienne qui s'abattait sur l'élégante piste violette du Stade de France, Sha'Carri Richardson, sprinteuse la plus rapide de la saison et championne du monde en titre, n'a pas réussi à surmonter la pression folle de l'évènement.
C'est bien Julien Alfred qui s'est offert dix secondes d'éternité sur la plus belle scène sportive du monde, en plus du tout premier podium de l'histoire olympique pour Sainte-Lucie, petite île des Caraïbes d'environ 180.000 habitants.
Sainte-Lucie participe aux Jeux depuis 1996. Julien Alfred avait déjà brillé pour la petite île des Caraïbes, placée au sud de la Martinique et au nord de Saint-Vincent et les Grenadines, dans l'environnement olympique aux Jeux de la jeunesse avec l'argent du 100 m en 2018.
Ancienne star universitaire aux Etats-Unis avec l'Université du Texas, Alfred s'entraîne dans le groupe d'Edrick Floreal, en compagnie notamment de la Britannique Dina Asher-Smith et de l'Irlandaise Rhasidat Adeleke, prétendante au podium du 400 m.
"Sacrifices"
Cinquième du 100 m des Mondiaux l'été dernier, Alfred était devenue championne du monde du 60 m en salle cet hiver à Glasgow.
Elle avait manqué les Jeux olympiques de Tokyo en 2021 à cause d'une blessure à un ischio-jambier.
"Cette médaille serait surtout importante pour mon entraîneur et moi, récompense de nos sacrifices", disait Alfred lors d'un point presse jeudi.
La sprinteuse, qui a perdu son père dans sa jeunesse, avait quitté son foyer à 14 ans pour rejoindre 1.800 kilomètres plus loin la Jamaïque et son système scolaire, fabrique à sprinteurs.
"Je rêvais de rejoindre le pays d'Usain Bolt, l'homme le plus rapide du monde. Ma mère ne s'y est pas opposée, elle savait que ce sacrifice de laisser famille et amis derrière moi était nécessaire pour atteindre mes objectifs. Ça a été dur sans eux, de m'habituer à une nouvelle culture, de ne rentrer que les étés, j'ai grandi plus vite que les autres", explique cette ancienne spécialiste des épreuves combinées.
"J'ai toujours voulu gagner, à tout prix, je déteste perdre", dit Alfred qui, plus que son île, se dit fière de "représenter les Caraïbes", qui conservent donc le titre du 100 m féminin, après quatre succès de la Jamaïque.
Les Jamaïcaines avaient réussi le triplé en 2021 à Tokyo, mais aucune des trois médaillées au Japon n'a pu défendre ses chances en finale samedi au Stade de France.
La double tenante Elaine Thompson-Herah n'est pas à Paris, blessée, Shericka Jackson a décidé de se préserver pour le 200 m, et l'éternelle Shelly-Ann Fraser-Pryce, titrée en 2008 et 2012, a déclaré forfait juste avant les demi-finales samedi soir, pour ses derniers JO.
La désillusion est grande pour Richardson (24 ans), qui décroche malgré tout sa première médaille olympique, trois ans après une courte suspension pour un contrôle à la marijuana qui l'avait privée des Jeux de Tokyo.
Mal partie, son point faible, la native de Dallas n'a jamais pu remonter Alfred, trop solide. Elle a quitté immédiatement le stade sans satisfaire aux traditionnelles obligations médiatiques.
Elle devra patienter quatre ans pour espérer triompher à domicile sur 100 m aux Jeux olympiques de Los Angeles en 2028.