JO: le "parcours d'obstacles" des travailleurs sans-papiers pour éviter les contrôles
Dépité, Samba, qui préfère donner un faux prénom comme les autres témoins sollicités par l'AFP, en raison de sa situation irrégulière, a suspendu de son côté son activité de livreur pour la suite des JO, après l'enchaînement de deux contrôles policiers au lancement de la compétition.
"Avec les JO, il y a beaucoup plus de risques de se faire contrôler. Les forces de l'ordre font leur travail. Mais je préfère éviter de me faire arrêter, quitte à perdre 600 euros", explique ce Sénégalais sans titre de séjour.
En Île-de-France, 35.000 policiers et gendarmes, 18.000 militaires de l'opération Sentinelle et plusieurs milliers d'agents de sécurité privée sont mobilisés en moyenne chaque jour pour les Jeux, pour lesquels étaient attendus 15 millions de visiteurs.
"La très grande majorité des livreurs à vélo sont sans-papier, tout le monde le sait, il y a donc une forme de tolérance", reconnaît Samba pour expliquer la mansuétude des policiers qui lui ont dit de passer son chemin alors qu'il n'avait ni QR code, ni pièce d'identité.
"Calvaire"
"Mais le risque de tomber sur quelqu'un de moins compréhensif est trop grand. Je préfère ne pas gagner d'argent plutôt qu'être renvoyé dans mon pays", explique le jeune triporteur, installé depuis six ans en France.
Après de multiples détours pour livrer un colis, et six kilomètres parcourus, Issouf lui, a buté sur un énième contrôle. Arrivé trop tard, sa course ne lui a pas été payée par la plateforme, déplore-t-il.
"C'est un calvaire. Cet été, c'est vraiment très dur", dit l'Ivoirien qui a dû solliciter un délai pour payer son loyer.
Les livreurs interrogés assurent respecter scrupuleusement le code de la route pour ne pas se faire remarquer et effectuer des détours pour éviter les lieux à forte présence policière qu'ils se signalent entre eux dans une messagerie. Dans certains secteurs, comme près des ambassades, ils refusent tout simplement la commande.
Ali, membre de la CGT, distille des conseils au téléphone à ses collègues confrontés à ce "vrai parcours d'obstacles".
D'autres ont préféré partir exercer à Marseille ou Montpellier le temps des JO, rapportent leurs collègues.
Sollicitée par l'AFP sur les éventuelles consignes données aux forces de l'ordre sur cette situation, la préfecture de police ne s'est pas exprimée.
Interpellations inhabituelles
Au Centre de rétention administrative (CRA) du Mesnil-Amelot (Seine-et-Marne), où sont retenus une partie des étrangers arrêtés en situation irrégulière, huit personnes ont été placées après des contrôles liés à l'événement sportif, selon une intervenante interrogée par l'AFP.
Exploitation d'un VTC sans inscription au registre, arrestation à l'occasion d'un contrôle routier ou pour avoir circulé sans titre de transport: les motifs et circonstances des arrestations, notamment autour de sites emblématiques des JO comme l'Ile Saint-Denis, sont inhabituels, selon elle.
"Ils ne comprennent pas pourquoi ils sont privés de leur liberté alors qu'ils n'ont pas commis de délit et sont en France depuis des années pour certains", dit cette conseillère juridique.
Interpellé alors qu'il était chargé de la sécurité aux abords de la Tour Eiffel, Adama, à qui l'employeur avait remis un certificat de travail avec une identité falsifiée, est retenu dans ce CRA. La responsabilité de l'employeur a été reconnue mais ce Malien sans titre de séjour est frappé d'une obligation de quitter le territoire, selon plusieurs témoignages.
Cette peur de se faire arrêter semble inciter les étrangers clandestins à limiter les déplacements y compris pour se soigner.
Le centre de soins de Médecins du Monde à Saint-Denis, qui accueille nombre de sans-papiers, a été délocalisé cet été à Bobigny pour s'éloigner des sites olympiques ultras-surveillés. Cela n'a pas suffi: la fréquentation est en baisse depuis le lancement des JO.
Les bénévoles doivent redoubler d'efforts pour rassurer les patients atteints de pathologies lourdes à honorer des rendez-vous médicaux attendus parfois depuis des mois, constate l'ONG.