Petites et grandes histoires de la libération de Paris
Fusillé en 1944, décédé en 2005
Samedi 19 août au matin: les Parisiens s'insurgent. La préfecture est reprise par les policiers en grève depuis quatre jours.
Le policier Armand Bacquer, 24 ans, est arrêté par les Allemands dans le VIIe arrondissement.
Vers 23H00, il est fusillé avec un autre policier, Maurice Guinoizeaux, 37 ans, en bord de Seine, près de la Concorde.
Celui-ci meurt sur le coup. Touché de plusieurs balles, Bacquer, laissé pour mort, est secouru le lendemain.
Opéré, il survivra et reprendra son métier de policier. Il mourra dans son lit en 2005.
Champagne et foie gras
Le 23 juillet, Madeleine Riffaut assassine un sous-officier nazi sur le pont de Solférino. Arrêtée, torturée, condamnée à mort, elle est finalement libérée le 19 août.
Une mission l'attend immédiatement: intercepter un train allemand aux Buttes-Chaumont avec trois autres résistants. "Démerdez-vous!", lance son supérieur.
Depuis une passerelle surplombant le tunnel où le train est bloqué, l'équipe lance des explosifs et capture 80 soldats allemands. Dans leurs caisses, du champagne et du foie gras en partance pour l'Allemagne. "Autant dire que nous avons festoyé ce jour-là: nous étions le 23 août, j'avais 20 ans."
"Tous aux barricades!"
Le 22 août, les Parisiens de bonne volonté répondent à l'appel du colonel Rol-Tanguy, commandant en chef des Forces françaises de l'intérieur: "Tous aux barricades!"
Pavés, grilles, baignoires, matelas, arbres: les habitants font la chaîne. Quelque 600 barricades surgissent pour entraver la circulation des Allemands. Le symbole est prodigieux: les Parisiens ont le sentiment de participer à leur propre libération.
Le 24 août, l'Hôtel de ville est libéré.
"Je voudrais, en ce jour inoubliable, que nous scellions le pacte d'amitié conclu sur les barricades où on a vu pour la première fois, le peuple et la police combattre côte à côte", déclare Georges Bidault, président du Conseil national de la résistance. "Notre tâche commune est de proclamer que ce pays humilié, déshonoré, bafoué, s'est racheté tout seul et que seul, sans le concours d'armes mêmes amies, il a retrouvé sa grandeur."
Paris ne dort pas cette nuit
"C'est seulement le soir (du 24 août, NDLR) vers 21H45 que la grande nouvelle atteint tout Paris: à 21H28, le premier char français, le +Romilly+, est arrivé devant l'Hôtel de Ville. Partout c'est une émotion indescriptible", décrit le journaliste Jean Le Quiller de la nouvelle Agence France-Presse.
"Des immeubles chantent la Marseillaise, des rues entières applaudissent dans la nuit (...). Un concert de cloches emplit l'air tout d'un coup, vers 22H00, vous arrachant les larmes des yeux. Certains éléments de la division Leclerc parvenus au pont de Sèvres le font savoir par radio à leurs camarades de la porte d'Orléans. Maintenant c'est bien sûr: ils sont là. Paris ne dort pas cette nuit."
Tué le jour de ses 20 ans
Vendredi 25 août vers 07H30, porte d'Orléans. Le brigadier Pierre Deville du régiment de marche de spahis marocains, appartenant à la 2e DB, téléphone à ses parents parisiens. "J'arrive!"
Avec son peloton, il gagne le Champ-de-Mars, devant l'Ecole militaire où sont retranchés les Allemands. Il faut près de quatre heures de combats pour les neutraliser.
Vers 11H00, Pierre Deville est tué d'une balle dans le front. Il ne fêtera pas ses 20 ans avec ses parents.
La revanche d'un pompier
A quelques mètres de là, le capitaine Sarniguet gravit les 1.700 marches de la tour Eiffel.
Ce pompier tient sa revanche: en juin 1940, les Allemands l'avaient sommé de décrocher le drapeau tricolore au sommet. Dans sa main, un drapeau de fortune: six draps teints avec les moyens du bord et cousus en secret par des femmes de sous-officiers.
Vers midi, Lucien Sarniguet et ses collègues de la caserne du XVe arrondissement atteignent leur but. Le drapeau français, même blafard, remplace la croix gammée qui flottait depuis quelque 1.500 jours. "Je ne rencontrai pas d'autre obstacle que le vent", racontera le désormais colonel Sarniguet.
Le général méprise les balles
Le 26 août, Charles de Gaulle parade longuement et arrive en retard à une prière de louange à Notre-Dame de Paris. Sur le parvis, il salue la foule depuis sa voiture décapotée.
Soudain, des coups de feu retentissent. Le général s'impatiente mais continue sa progression, impassible. Autour, les Parisiens se protègent.
De Gaulle qualifiera ces tirs de "tartarinades-pétarades", émettant l'hypothèse d'un coup monté par des "contre-révolutionnaires" pour instaurer la panique et imposer un pouvoir fort.