Une occasion unique de découvrir le Domaine du Lac, cette maison d'exception en pleine rénovation dans le Puy-de-Dôme
C’est une demeure très ancienne et surtout, qui revient de très loin. "Quand on l’a achetée, il pleuvait dans la maison jusqu’au rez-de-chaussée. On nous a pris pour des fous."
"On", c’est la famille Boyer. Lætitia, Nicolas et leurs trois enfants. Ils ont racheté en 2019 le "Domaine du Lac", une très grande maison entourée de verdure au lieu-dit La Rigaudie, à Thiers. Une demeure d’exception qui sera ouverte aux visiteurs pour la première fois cette année, à l’occasion des Journées européennes du patrimoine.
1634La mention la plus ancienne qu’ils ont retrouvée concernant ce bien, c’est 1634. "Mais on suppose qu’il est encore plus ancien", souligne Lætitia. Sur un plan dessiné dont la date est inconnue, et qui situe l’endroit sur la paroisse de Saint-Rémy, on voit l’orangerie aujourd’hui en ruine et un grand bâtiment dont il ne reste que des vestiges. "On pense que c’est une écurie qui aurait brûlé pendant la Révolution", commente la propriétaire. Devant la grande maison qui subsiste aujourd’hui et qui leur a donc été vendue, le dessinateur du plan avait représenté des jardins bordés de buis, aux formes géométriques. Il paraît que c’est Le Nôtre qui les avait créés. Aujourd’hui encore, ce parterre accueille plusieurs fontaines en pierre de lave, dont une grande en demi-lune et une autre dédiée à la baignade.
Un maire de Thiers du XIXe parmi les propriétairesLa bâtisse habitée par les Boyer – 650 m2 de superficie – a gardé elle aussi les marqueurs de son passé de splendeur. Quarante fenêtres, une quinzaine de chambres dont quatre de bonnes et certaines autres allant jusqu’à 40 m2. Des sols en pierre de lave, des parquets en épis, des plafonds remarquables… Du côté nord, semi-enterré, il y avait deux grandes cuisines, dont une avec un four à pain. Les propriétaires s’imaginent ici "du monde qui s’affairait", tandis que "les maîtres" vivaient du côté sud, lumineux, de plain-pied sur le jardin.
Parmi ceux-là, figure Jean-Baptiste Darrot-Andrieu, notaire royal, député et maire de Thiers (1797-1870). Le domaine a par la suite longtemps appartenu à une famille de Chassaigne, jusque dans les années 1980. Il est alors sorti de la famille et, de Charybde en Scylla, il est tombé dans le délabrement le plus total. Sans compter qu’aujourd’hui, il se trouve très près de l’autoroute.
La maison a été trop longtemps inhabitée, plus de 35 ans, retrace Lætitia Boyer. Pendant ce temps, elle a été squattée, mais surtout pillée. Ils ont volé le cuivre et le plomb à la masse. Quand nous avons acheté, il n’y avait plus un carreau aux fenêtres, par lesquelles les lianes de la glycine rentraient. C’était tout vert à l’intérieur. Dehors, on ne pouvait pas faire le tour à cause des arbres. On a acheté sans avoir vu le beau côté de la maison.
Ce couple d’anciens brocanteurs, qui habitait à Mariol, ne cherchait pas forcément à déménager. Mais ils se sont laissés conduire par le destin. "J’étais enceinte de huit mois, je cherchais des articles de puériculture sur le market de Facebook et je suis tombée par hasard sur l’annonce de cette maison. Les photos ne donnaient envie à personne de s’y aventurer. Mais on a pris rendez-vous pour la visiter. On s’est dit “soyons fous” et on a fait une offre !"
Débuts mémorablesLes débuts sans chauffage, sans eau, ni électricité restent gravés dans leurs mémoires. Ces nuits sous la tente parce qu’il pleut dans la maison, ces repas dans le couloir, sur une table de camping avec un bébé de quelques mois dans les bras… Ces entrepreneurs qui les ont "pris pour des Américains" et ceux qui sont devenus des amis. Ou encore cette conseillère qui leur a dit : "Vous n’habiterez jamais ici." "Personne ne nous a pris au sérieux. C’est vrai que ça m’est arrivé de pleurer !", confie la quadragénaire.
Mais petit à petit, le couple est en train de redonner ses lettres de noblesse à ce lieu surnommé autrefois "le château du lac", en raison de l’étendue d’eau en contrebas. "Depuis qu’on est là, on a la chance de pouvoir rester à la maison et avancer sur les travaux", poursuit-elle. "On en fait beaucoup nous-mêmes, en regardant des vidéos sur Youtube", précise Nicolas. Les carreaux des fenêtres ont été changés un à un. "Il en manque encore un peu mais je pense que cet hiver, on aura fini", espère la mère de famille.
Maintenant, tout le monde a un radiateur dans sa chambre. L’été ça va, mais l’hiver, ça reste compliqué à chauffer.
Mais qu’importe pour les Boyer qui accomplissent ici, à La Rigaudie, "le travail de toute une vie". Et touchent du doigt leur passion pour l’époque des rois. "J’ai toujours été friande de cette période, livre Lætitia. Ça a été dur pour le peuple, mais Versailles, avec toutes ces dorures, ces grandes pièces, ça me fait rêver. J’ai toujours eu des envies de grandeur. Ici, c’est notre petit Versailles, même si on en est loin. Notre petit bout d’Histoire."
VisitesDimanche 22 septembre, de 14 à 18 heures, à La Rigaudie, Thiers. Renseignements par mail : laeti323f@hotmail.com.
Alice Chevrier