Crues, feux, tempêtes... : les dégâts du changement climatique n'épargnent aucune région

Inondations massives et sécheresses à répétition, feux de forêts à l’ampleur inédite, côtes grignotées par la mer, glaciers qui fondent à vue d’œil, orages dantesques et tempêtes homériques…

Impossible, désormais, de faire le procès de prétendus oiseaux de mauvais augure. Les effets du dérèglement climatique sont à nos portes. Et ils peuvent frapper partout et à tout moment. Cette réalité constatée à hauteur d’homme, le Réseau Action Climat (RAC), qui regroupe 37 associations, l’a formalisée dans un rapport qui, pour la première fois, évalue les impacts en France région par région. Si l’on poursuit sur notre lancée, autrement dit sans réduction drastique des émissions de gaz à effet de serre, les conséquences seront dévastatrices.

Températures sahariennes en Île de France

« D’ici à 2080, on pourrait observer des canicules prolongées : jusqu’à 34 jours par an et 35 nuits tropicales (au minimum 20 °C), soit sept fois plus qu’aujourd’hui. Un été comme celui de 2022, considéré comme extraordinairement chaud, pourrait devenir la norme dès 2030. Les pics de chaleur pourraient dépasser les 50°C. » Le scénario n’est pas celui de la Côte d’Azur mais de l’Île de France.

« Le bassin de la Loire, déterminant pour les Pays de la Loire, va perdre de 25 % à 30 % de ses ressources en eau d’ici à 2070. Le débit de la Loire pourrait baisser de 20 % à 50 % à l’horizon 2100 (par rapport à 1971-2000) », poursuit le rapport.

Hauts de France : 2,2 millions d'habitants exposés

Les Hauts-de-France sont parmi les régions les plus exposées aux aléas climatiques : 63 % des communes et 70 % de l’activité économique sont sensibles à des phénomènes météorologiques aggravés par le changement climatique.  « Le risque d’inondation concerne six communes sur dix et 2,2 millions d’habitants. »Photo Arthur Fafin

Le RAC a puisé dans toutes les ressources disponibles : les groupements régionaux d’experts sur le climat, les données de Météo-France, les préconisations du Haut Conseil pour le climat, les statistiques de l’Insee… Le travail de synthèse, publié en partenariat avec l’Agence de la transition écologique (Ademe), s’est attaché à deux objectifs.

Trouver des réponses région par région

Le premier est de rendre accessible au public le plus large cet état des lieux et ses projections. « Le but est de montrer que le changement climatique n’est pas un phénomène lointain dans le temps et dans l’espace. Mais aussi, au-delà des similitudes entre les régions, de mettre en relief les spécificités de chacune, à prendre impérativement en compte pour trouver des réponses adaptées », renseigne Benjamin Crettenand, co-auteur du rapport.

Le rapport a en effet pour deuxième vocation d’aider à la prise de décision dans les territoires. « L’idée est d’alerter les régions, les collectivités et surtout l’État sur la nécessité de financer la transition écologique à l’échelle locale. »

Chenonceau et château d'If sous la menace

L’impact économique, sur lequel insiste le document, est un argument de poids. Car ce sont des pans entiers des fleurons régionaux qui sont fragilisés par le dérèglement climatique : le vignoble en Bourgogne, le tourisme maritime en Bretagne ou en Normandie, la biodiversité en Corse…Photo Pierrick Delobelle

Le patrimoine n’est pas épargné : le Mont-Saint-Michel est touché par l’érosion?; le château de Chenonceau, en Indre-et-Loire, pourrait voir ses fondations, qui baignent dans le Cher, fragilisées par la sécheresse?; les falaises de craie du cap Blanc-Nez (Pas-de-Calais) sont menacées par les éboulements?; le château d’If, en face de Marseille, menacée par la montée des eaux, ne sera potentiellement plus accessible par la mer d’ici quelques décennies.

Risques de fissures dans 20 millions de maisons

« Nos paysages tels qu’on les connaît – les plages, les forêts, les montagnes… – sont en train de changer et ils le seront plus profondément encore si on reste les bras croisés, poursuit Benjamin Crettenand. Avec des répercussions dans tous les secteurs : pour la santé, pour l’industrie, pour l’économie, le tourisme… Le retrait-gonflement des argiles a déjà des conséquences dramatiques en France avec 20 millions de maisons fortement exposées aux risques de fissure. En Centre-Val de Loire, la région la plus touchée, 67 % des habitants sont menacés, soit 1,72 million de personnes. »

Pour le RAC, ce rapport, c’est aussi remettre le climat au centre du jeu tant la cause environnementale et écologique a déserté le champ politique, ces derniers mois. Et, en dégageant les urgences région par région, favoriser les arbitrages financiers.

Fonds vert en chute libre

« La bonne nouvelle, c’est qu’on dispose de solutions simples et efficaces à notre portée, en particulier à l’échelle locale. Le problème, c’est que le gouvernement coupe en ce moment les moyens pour la transition écologique des territoires, déplore Benjamin Crettenand. Le Fonds vert, qui est le principal levier de financement, a été annoncé pour 2024 à 2,5 milliards?; en février, il n’était plus qu’à 2 milliards et pour 2025, il tomberait à 1 milliard. On nous dit souvent que la transition écologique coûte cher. Mais cela coûtera beaucoup plus cher de ne pas agir. Selon l’Ademe, si on ne fait rien, on risque de perdre jusqu’à 7 points de PIB par an jusqu’à la fin du siècle. »