"Il y a aujourd’hui des gens qui n’hésitent pas à renverser des policiers armés, imaginez les mêmes face à un vélo !"

Mardi soir, un cycliste de 27 ans, un « vélotafeur » comme Paris en compte désormais des dizaines de milliers, est mort écrasé sous les roues d’un SUV de deux tonnes dans le VIIIe arrondissement. Un accident ? Une enquête pour meurtre a été ouverte.

Selon des témoins, l’automobiliste a percuté délibérément le jeune homme après un premier accrochage. La victime roulait sur une piste cyclable. Tué entre son bureau et son domicile, Paul V. était aussi un militant des mobilités douces, engagé au sein de Paris en selle, l’une des associations qui représentent les cyclistes du quotidien dans la Capitale. Mercredi soir, environ deux cents personnes se sont rassemblées place de La Madeleine, pour lui rendre hommage et exprimer leur colère.

Un « aménagement défaillant »

Stein Van Oosteren, qui siège au conseil d’administration du Collectif vélo Île-de-France, s’est rendu sur les lieux du drame, boulevard Malesherbes. Auteur de plusieurs ouvrages consacrés au développement du vélo urbain, l’expert pointe « un aménagement défaillant ». « Ici, le cycliste doit se battre avec un flot de motos et de voitures ! » dénonce Stein Van Oosteren qui a filmé, au lendemain du fait divers, des voitures coupant cette piste cyclable pour tourner à droite, en profitant d’une interruption de la bordure de séparation.

 

— Stein van Oosteren (@LCyclable) October 16, 2024

Dans le cas du drame qui a coûté la vie à Paul, « on ne sait pas si l’automobiliste a coupé la piste ou s’il roulait déjà dessus », tente d’analyser cet expert né aux Pays-Bas, qui voudrait que son pays d’adoption en finisse avec les aménagements « non intuitifs » et peu lisibles.

« Il faudrait déjà que les pistes cyclables soient d’une couleur différente ». 

« À partir du moment où une vidéoverbalisation est installée, les automobilistes respectent les pistes cyclables »

En cherchant à contenir sa colère, Stein Van Oosteren constate un « contexte de tensions accrues entre les usagers » de la voie publique. Les cyclistes sont désormais plus nombreux que les automobilistes dans Paris.

Président d’un club historique de la Capitale, le Paris cycliste olympique (PCO) et défenseur du vélo urbain, Teodoro Bartuccio n’hésite pas à parler d’ « une haine qui se développe à l’encontre de cyclistes qui ont la liberté de circuler plus facilement. Les automobilistes ont peut-être l’impression que c’est désormais – Tout pour les vélos — ».

Certains médias ont voulu cibler les comportements des cyclistes comme première cause de ce drame. Sans aller sur ce terrain, Téodoro Bartuccio veut bien admettre que « les cyclistes qui ne s’arrêtent pas au feu rouge font monter la grogne en laissant une impression d’impunité ».

C’est pire sur les routes de campagne

Ce responsable associatif parisien, qui est aussi l’un des candidats à la présidence de la FFC (Fédération française de cyclisme) rattache ce fait divers hyperviolent à une dégradation globale des comportements. « Avant, il y avait une certaine retenue. Quand je roulais gamin, je me faisais insulter par un automobiliste qui estimait que je ne serrais pas assez à droite. Aujourd’hui, il ne baisse plus sa vitre, il tourne le volant pour vous faire tomber et il part ».

En 2023, 226 cyclistes sont morts sur les routes de France (hausse de près de 30 % depuis 2019), la majorité d’entre eux a été percutée hors agglomération.

Pour Teodoro Bartuccio, les risques sont bien plus grands sur les routes de campagne où il n’y a aucun aménagement ni « caméras de surveillance » : « on voit des automobilistes qui ne supportent pas de croiser un peloton et ne respectent pas les distances de sécurité. Si on proteste, c’est là que le pire peut arriver. […] Les refus d’obtempérer explosent et les policiers se font renverser. Si ces gens-là ne s’arrêtent pas face à des policiers armés, imaginez-les face à un vélo ! »

Julien Rapegno