La mort du chef du Hamas sera-t-elle une opportunité vers un cessez-le-feu ?
D’aucuns, dirigeants politiques, diplomates, par déformation professionnelle peut-être, veulent croire que l’élimination du chef du Hamas, Yahya Sinouar, par Tsahal, jeudi, dans le sud de la bande de Gaza, constitue un sérieux motif d’espoir de voir le conflit israélo-palestinien s’éteindre. D’autres, géopolitologues, sociologues, historiens, se veulent plus circonspects.
Ainsi le chancelier allemand Olaf Scholz, a-t-il escompté, vendredi, qu’avec cette mort « s’ouvre la perspective » d’un cessez-le-feu dans l’enclave palestinienne. Le président américain Joe Biden, en visite à Berlin, a, lui, entraperçu « un chemin vers la paix » au Proche-Orient et un « meilleur avenir à Gaza, sans le Hamas. »
Et les cours du pétrole ont chuté, vendredi, les investisseurs pourtant réputés très prosaïques croyant à la perspective d’« un chemin vers la paix » au Proche-Orient.
« L’élimination de son prédécesseur Ismaïl Haniyeh, à Téhéran, le 31 juillet, n’a pas changé la donne, rappelle Alain Dieckhoff, directeur de recherche au Centre de recherches internationales (CERI) de SciencesPo Paris. Son remplacement à la tête du Hamas par Yahya Sinouar avait même été perçu comme une provocation supplémentaire et douloureuse par l’État hébreu, s’agissant du principal instigateur des massacres terroristes du 7 octobre 2023 qui ont coûté la vie à près de 1.200 personnes en plein territoire israélien. »
Nouveau leader« Cette élimination, poursuit-il, était un des objectifs assignés à Tsahal après ces attaques inédites sur le territoire israélien depuis 1948. Elle est donc aussi importante pour l’opinion publique israélienne encore sous le choc que pour les dirigeants de l’État hébreu. Cette troisième élimination, après celles d’Ismaïl Haniyeh et d’Hassan Nasrallah, le chef du Hezbollah, le 27 septembre, à Beyrouth, au Liban, marque indéniablement une étape, mais vers quoi?? C’est impossible à dire. Décapités, le Hamas et le Hezbollah ne manqueront pas de se trouver de nouveaux leaders. Se reconstruire prendra assurément beaucoup de temps au Hamas sérieusement ébranlé par la guerre que lui mène sans relâche Tsahal depuis plus d’un an. »
La désignation prochaine de son nouveau leader par le mouvement islamiste palestinien au pouvoir à Gaza depuis 2007 sera un premier signal. Positif ou, comme l’a été celle de Yahya Sinouar, négatif??
« Le Hamas, reprend le sociologue, est à la croisée des chemins après cette élimination. Une désescalade est possible avec une libération des otages encore survivants du chaos qu’est devenue la bande Gaza et un cessez-le-feu. Mais encore faut-il que la direction du Hamas aille, d’une part, dans ce sens et qu’elle ait, d’autre part, encore suffisamment de contrôle sur les différentes milices qui composent cette organisation. Or, celles-ci sont dispersées, parfois concurrentes, et les communications sont réduites du fait de la guerre. »
Le Hamas a d’ores et déjà réaffirmé, vendredi, que les otages ne seraient pas libérés tant qu’Israël ne mettrait pas fin à son offensive. Mais pouvait-il dire autre chose au lendemain de l’assassinat de son leader??
Nouvelles frappesLe Hezbollah libanais a, pour sa part, annoncé avoir lancé à l’aube des drones d’attaque sur des soldats dans la ville de Safed, dans le nord d’Israël. Les rebelles houthis du Yémen ont, quant à eux, dans leur hommage à Yahya Sinouar, juré que « Gaza et la cause palestinienne triompheront quelle que soit l’ampleur des sacrifices ».
Autre signal peut-être : le nouveau chef politique du mouvement islamiste tué, Israël n’en a pas moins mené, vendredi, de nouvelles frappes sur la bande de Gaza après avoir réaffirmé son objectif d’écraser le Hamas?; sous les ruines ajoutera-t-on…
Benjamin Netanyahu, dont on sait la reprise des déboires judiciaires suspendue à la durée de la guerre, a pourtant, ce même jour, affirmé que la mort de Yahya Sinouar marque « le début de la fin » du conflit.
« L’élimination de Yahya Sinouar, insiste Alain Dieckhoff, ne peut pas ne pas avoir d’impact sur l’évolution du conflit, mais son impact est difficile à anticiper. Seule réelle certitude : cette élimination est vécue positivement par la société israélienne comme le sont également les opérations de Tsahal et des services secrets, des frappes ciblées à Téhéran, qui ont entraîné la mort d’Ismaïl Haniyeh, aux explosions simultanées de bipeurs et talkies-walkies piégés au Liban. »
Jérôme Pilleyre
Lire. Alain Dieckhoff, Israël-Palestine : une guerre sans fin?? 25 questions décisives, Dunod, octobre 2024, 7,90 €