"Nous ne crèverons pas en silence" : la Coordination rurale de la Haute-Vienne prête à manifester et à hausser le ton
L’odeur de pneus brûlés avait embaumé l’air du nord du département en février dernier. À La Croisière, entre Haute-Vienne et Creuse, la mobilisation menée par la Coordination rurale (CR) était intense.
Durant des semaines, les membres de la CR ont maintenu l’un des points de blocage les plus importants du département au rond-point de La Croisière. « Trop c’est trop?! », scandaient déjà les agriculteurs.
Des « actions coups de poing »Depuis, la colère n’est pas redescendue chez les agriculteurs de la CR 87. En quelques mois, le syndicat agricole a multiplié les « actions coup de poing » pour faire entendre son mécontentement face aux décisions de l’État.
Lâcher d’animaux dans un cinéma à Limoges, appel à tuer le loup, refus de contrôle des exploitations… La Coordination rurale de la Haute-Vienne a fait le choix de méthodes musclées pour se faire entendre, quitte à passer devant la justice.
Pierrick Goutteron, ancien président, et Thomas Hégarty, actuel président de la CR 87, ont été cités à comparaître devant le tribunal judiciaire de Limoges vendredi 18 octobre après deux plaintes déposées par l’association Saint-Junien environnement et l’Association pour la protection des animaux sauvages (Aspas) (voir notre édition du 19 octobre).
Une audience qui a rapidement tourné à la manifestation, et a laissé place à la colère des agriculteurs qui se sont rendus une nouvelle fois devant les institutions dans leur viseur, « responsables de leur mort » : « les impôts, la direction départementale des territoires (DDT) et l’agence de service et de paiement (ASP) ».
La démonstration d’un dialogue rompu. « Nous n’avons pas demandé des primes, mais des prix. Aujourd’hui, si une vache n’a pas sa bague, on supprime nos aides gouvernementales de la PAC (politique agricole commune, ndlr) alors qu’on n’a jamais demandé à recevoir cet argent. Il n’y a plus de dialogue possible », décrète Thomas Hégarty, président de la CR 87. Avant d’ajouter : « On veut nous imposer une vision, nous infliger une façon de travailler. C’est hors de question?! »
Pour le président et les membres de la CR, il existe un réel « acharnement » sur les agriculteurs de la part de l’ASP et de la DDT. « À la suite des manifestations agricoles, on nous avait promis une simplification de la partie administrative sur les exploitations. Au final, les contrôles sont toujours aussi nombreux et sévères. C’est de l’acharnement?! », argue encore Thomas Hégarty.
Plus de roues?!Résultat, les agriculteurs ont décidé de les refuser. Lors d’un « énième contrôle d’un paysan de la commune du Chalard », les membres de la CR 87 ont volontairement retiré les roues du véhicule des contrôleurs « soigneusement démontées et livrées directement à l’ASP ».
Des contrôles à répétition, des dégâts liés aux dernières intempéries, des attaques de loups… Les raisons de la colère sont nombreuses pour les agriculteurs. Après des prédations sur des brebis confirmées et imputées au carnivore en mai dernier à Saint-Léger-Magnazeix, la CR n’a pas caché sa volonté de « ne pas laisser le loup s’installer sur notre territoire d’élevage car un loup présent, c’est un loup de trop. Les agriculteurs ne peuvent pas subir des attaques à répétition. C’est une perte considérable ».
Une affiche au slogan limpide a été diffusée sur les réseaux cet été : « Wanted. Pour sauver nos troupeaux, la CR 87 offre une prime de 1.000 € à celui qui ramènera un loup mort. »
« Il faut arrêter de fustiger l’agriculture »Côté Chambre d’agriculture de la Haute-Vienne, le président, Bertrand Venteau, ancien élu à la CR, assure « comprendre le comportement radical de la part de certains syndicats » : « Il faut arrêter de fustiger l’agriculture. Les agriculteurs vivent dans la peur permanente d’un éventuel contrôle. Je comprends ces paysans qui sont à bout face à des contrôleurs qui obéissent aux ordres sans empathie. »
Face à tous ces éléments considérés comme une « menace » à leur profession, Thomas Hégarty rappelle que « nous, paysans de la CR 87, on continuera de créer des retenues d’eau, d’éradiquer le loup et de contrer tous ceux qui osent nous entraver et enfin améliorer nos conditions de vie, que ça plaise ou non aux zadistes ».
Preuve que la Coordination rurale a toujours des revendications et se tient prête à les faire entendre, elle insiste : « Nous ne crèverons pas en silence. »