"Les objets, il faut savoir les écouter" : rencontre avec la nouvelle conservatrice du musée départemental de la Céramique
À trente ans, Sarah Brusschaert n’a rien de l’image qu’on se fait d’une conservatrice de musée. Jeune, énergique et d’une passion contagieuse, la Néopuydomoise contredit tous les clichés d’une profession qu’on imagine aussi poussiéreuse que les œuvres anciennes sur lesquelles elle se concentre. Non, la nouvelle directrice scientifique du musée départemental de la Céramique n’est pas là pour faire dans l’ancien. Et compte bien remodeler l’image de la poterie d’autrefois.
Mais commençons par le commencement. Pour la jeune femme, le métier de conservatrice n’a jamais été une évidence. C’est plutôt au fil de ses expériences professionnelles qu’elle a sculpté petit à petit son projet. Notamment suite à un voyage, qui posera la première pierre à l’édifice.
À mes 15 ans, j’ai accompagné en tant que bénévole une association qui faisait découvrir l’Andalousie aux personnes non-voyantes. Et lorsque nous avons visité la mosquée de Cordoue, c’est par le toucher qu’ils ont exploré les lieux. Ça m’a énormément marquée.
Et c’est à ce moment-là que, pour la première fois, Sarah Brusschaert se voit suivre une voie dans les sciences de l’Antiquité. "J’avais envie, moi aussi, de jouer ce rôle de passeuse de la connaissance."
Au début pourtant, ce n’est pas le métier de conservatrice qui l’attire. "Je voulais me spécialiser dans la littérature grecque." C’est en faisant bon nombre de stages, dans le cadre de ses classes prépas et de sa formation à l’École nationale supérieure, que la passionnée de l’époque antique découvre cette voie.
Des expériences qui ont pétri son parcoursElle passe par le musée archéologique Henri-Prades, près de Montpellier, le musée d’Aquitaine, à Bordeaux, et même le musée national d’archéologie de Saint-Germain-en-Laye, qui expose d’ailleurs une collection de céramique très importante. Signe avant-coureur, peut-être, d’un futur intérêt pour le musée lézovien. "J’ai également travaillé sur plusieurs chantiers de fouilles, et ai passé un an à l’Université de Columbia pour développer mes connaissances internationales."
En 2019, Sarah Brusschaert passe le concours de conservatrice, avant de suivre une formation de 18 mois. En parallèle, elle commence à donner des cours d’archéologie nationale au sein de l’école du Louvre. "Les postes de professeurs sont des vacations. J’en fais depuis quatre ans, et je ne compte pas arrêter, même en travaillant ici. Je vais juste réduire mes heures." Car la trentenaire a la passion de transmettre ses connaissances vissée au corps.
L'envie de connaître l'histoire des gens de peuUne passion qui éclaire son regard à chaque fois que celui-ci se pose sur une des pièces du musée départemental de la Céramique. Même celles auxquelles le simple visiteur n’accorderait que peu d’attention.
Ces déchets d’ateliers, par exemple, je trouve ça fascinants, indique la jeune femme au détour d’une vitrine abritant les pièces “ratés” des potiers. On sent toute la frustration des artistes. Cela raconte un bout de leur histoire, c’est très beau.
Mais sa pièce favorite, c’est ce poinçon en forme de cheval, qu’on retrouve au premier étage du musée. "On s’en servait pour imprimer le motif de l’étalon dans l’argile. C’est un tout petit objet qui a bien plus de choses à dire qu’on ne peut le croire au premier abord."
L’envie de connaître l’histoire des gens de peu. C’est aussi cela, qui a poussé Sarah Brusschaert à déposer sa candidature pour le poste de directrice scientifique. "À première vue, la céramique, c’est quelque chose d’ingrat. De peu spectaculaire. Mais pour moi, c’est tout le contraire. Cela nous permet d’en apprendre plus sur des gens modestes, des gens comme vous et moi. Quand on fait l’effort d’écouter ces objets, on se rend compte qu’ils nous offrent énormément de récits. Qu’on se doit d’offrir à notre tour aux visiteurs."
La céramique, réceptacle de récits à transmettrePlus que de simples pièces, pour elle, les poteries ont gardé, au sens littéral comme métaphorique, l’empreinte de leur créateur. Et regorgent d’histoires qui ne demandent qu’à être racontées. Un trésor, pour une passionnée de l’Antiquité romaine.
C’est avec l’objectif de transmettre le plus possible aux visiteurs que la nouvelle directrice souhaite ainsi remodeler le mode de fonctionnement du musée. "Il y a notamment une chose que j’aimerais faire, que j’ai découvert dans les musées anglo-saxons. Il s’agit de laisser plus de place au public, en lui permettant notamment de proposer des choses qu’il aimerait retrouver au musée."
Sarah Bruschaert aimerait aussi remettre à l’ordre du jour les expositions temporaires, qui ont disparu du musée depuis quelques années maintenant. Mais pour le moment, rien n’est encore gravé dans le marbre. Et la jeune femme a bien le temps de façonner ses projets.
Fanny Rodriguez