"À voir au moins une fois" : au cinéma Pathé Aubière, on projette des films... mais aussi des finales de jeux vidéo
Les rayons du soleil percent l'entrée du cinéma, à Aubière, samedi en début d'après-midi. En ce dernier week-end des vacances, des familles patientent sur des canapés, pop-corn à la main. Mais quelque chose attire l'attention. Un écran affiche une séance de 6 h 41 dans la première salle. Aurait-on réalisé un film plus long que Ben-Hur ?
La réponse se trouve en poussant la porte. Les fauteuils rouges sont à moitié occupés par des jeunes, joueurs assidus de League of Legends (LoL, pour les intimes) : un jeu vidéo où des équipes de personnages, appelés champions, s'affrontent pour détruire la base de l'équipe adverse.
"Les gens se rendent compte de l'ampleur"Qu'est-ce qui a fait déplacer ces jeunes ? La retransmission de la finale des "Worlds" du jeu, en direct de Londres. L'opération a eu lieu dans plusieurs cinémas français en simultané. L'équivalent d'un match Federer - Nadal en tennis ou d'une course de Léon Marchand en natation.
Pas de champions olympiques ici, mais des pointures qui parlent à tous ceux présents dans la salle. Les Coréens de T1 et les Chinois de Bilibili Gaming (BLG) vont s'affronter pendant des heures, derrière leur écran d'ordinateur, pour tenter de remporter le titre mondial.
Si cette projection peut paraître décalée à première vue, elle révèle une tout autre réalité. Fini le cliché de la communauté d'ados boutonneux qui joue dans sa chambre toute la journée sans voir la lumière du jour. L'e-sport est enfin pris au sérieux.
"Les gens se rendent compte de l'ampleur, commente Valentin, 26 ans, qui est venu assister à la finale avec son ami et camarade de jeu Yann, 24 ans. Là où en Corée, League of Legends est devenu limite une religion."
Quelques sièges plus haut, Anthony, 28 ans, ne compte pas rater une miette de l'événement : "je vais rester jusqu'à la fin ! C'est à voir au moins une fois." Il partage le constat de Valentin. "L'univers de l'e-sport est devenu moins niche, ça se modernise. Et puis, de plus en plus d'adultes jouent aux jeux-vidéos maintenant", développe celui qui a suivi toute la compétition. À côté de lui, Anaïs, 28 ans, avoue ne pas être autant calée que son voisin sur le jeu, mais elle tenait à être là ne serait-ce que pour écouter le groupe Linkin Park en cérémonie d'ouverture.
Quand l'une des deux équipes lance une attaque sur ses ennemis, la salle à Aubière répond à coup de rires ou d'applaudissements.
Quand "Faker" (joueur de l'équipe T1 à la renommée impressionnante) se fait attaquer par un joueur de l'équipe BLG, les rires et les "Oh !" suivent dans la salle auvergnate. Avant le début de la première partie, au moment où les joueurs professionnels choisissent leurs champions, un jeune homme crie : "BLG ou T1 ?" Réponse unanime : "T1 !" Peut-être que les quelques fans présents ont été entendus outre-manche. C'est en effet l'équipe coréenne T1 qui a remporté son cinquième titre de championne du monde.
Adrien Fillon