Dans le Puy-de-Dôme, un terrain enfin choisi pour créer une aire de grand passage destinée aux gens du voyage

"C’est la grande lessive ce soir." L’adjointe Martine Munoz, avec cette petite phrase lâchée dans un sourire, a tout à fait résumé l’ambiance pesante et électrique du conseil municipal thiernois de mardi soir. Ce qui a mis le feu aux poudres ? Les deux points à l’ordre du jour concernant la future aire de grand passage pour les gens du voyage (voir ci-dessous). Mais de fil en aiguille, la conception de la démocratie dans chacun des camps politiques était au cœur des échanges.

Les élus d’opposition n’ont même pas attendu qu’ils soient soumis au vote, pour s’opposer fermement aux deux points en question. L’ordre du jour n’avait pas encore été entamé qu’Éric Boucourt demandait leur renvoi à un conseil ultérieur.

Nous sommes favorables à l’aire de grand passage. Mais c’est une question sensible, et nous ne trouvons pas ça normal de passer le sujet au vote aussi vite. Nous souhaitons en parler avant.

Un avis partagé par le groupe Gauche solidaire et écologiste. "On se souvient tous du premier échec, a souligné Philippe Barrau. Nous partageons l’avis du groupe d’Éric Boucourt. On a voté le principe au sein du conseil communautaire de Thiers Dore et Montagne. Nous vous soutiendrons, mais nous voudrions connaître le projet."

À ces revendications, le maire Stéphane Rodier a formulé une fin de non-recevoir.

Nous avons étudié différentes options, et celle proposée aujourd’hui est la meilleure parmi le peu que nous avions. Cet été, différents événements ont été encore bousculés par des installations un peu sauvages au pré de la foire, ou à Iloa, de gens du voyage. Chaque été, c'est la même musique. Je veux bien vous présenter le projet, mais je ne veux pas perdre de temps, je ne retirerai pas ces points à l’ordre du jour.

Pour apporter de l’eau au moulin du maire, l’adjointe Martine Munoz a ajouté : "Si on veut faire traîner un projet, créons une commission."

À ces mots, les deux oppositions, d’une même voix, se sont particulièrement offusquées. "On est dans une démocratie, a argué Éric Boucourt. Il ne s’agit pas de botter en touche indéfiniment, nous ne sommes nullement hostiles au projet, mais nous avons des contres propositions et nous souhaiterions en parler. Quand ça fait 20 ans qu’on tergiverse, on peut attendre un mois de plus." Claire Joyeux, de l’autre groupe d’opposition, n’a pas hésité à qualifier les propos tenus par la majorité de "graves". "J’ai besoin de plus de démocratie. Ce genre de sujet doit être porté par l’ensemble de la commune."

Ces vifs échanges ont donné l’occasion au maire d’asseoir sa volonté politique. "Je porte un courage politique, a-t-il lancé. On a dû subir, Hélène Boudon, Claude Gouillon-Chenot et moi-même, au sein même de ce conseil, des propos sur les gens du voyage qui ont créé une rupture. Je prends mes responsabilités. À 2 ans des élections, je n’ai pas peur de porter ce dossier."

On ne repoussera pas cette affaire. Je ne serai pas celui qui rajoutera du temps au temps. Ces deux points permettent, mais n’obligent pas.

Après avoir pointé un "déni de démocratie", le groupe emmené par Éric Boucourt n’a finalement pas pris part aux votes. Celui de Claire Joyeux, lui s’est divisé. Cette dernière n’a pas pris part au vote non plus. Tandis qu’Annie Chevaldonné et Philippe Barrau se sont prononcés pour, mais "en critiquant fortement la méthode. C’est une manière de travailler qui est contraire au fonctionnement démocratique", a assuré ce dernier.

Le débat autour de l’aire de grand passage est loin d’être clos. Il y a fort à parier qu’il sera tout aussi vif lorsque le point sera soumis au vote lors du conseil communautaire de Thiers Dore et Montagne.

Cet espace, aujourd’hui propriété de la Ville de Thiers, est donné à la communauté de communes, qui porte le projet.

Le fait que ces terrains soient agricoles, et soient donnés et non vendus, a été aussi source d’insatisfaction du côté des élus d’opposition.

"Nous n’avons pas non plus énormément de choix, a justifié le maire. Ces terrains sont proches de la sortie d’autoroute, cela ne causera que peu de désagréments autour, et nous avons pu racheter d’autres terrains agricoles pour échanger pour l’exploitant. Nous avons porté ce dossier de manière discrète, mais efficace."