"On doit faire un détour de 20 km" : le ras-le-bol des usagers de ce gué détruit par les inondations en Haute-Loire

Le Département n’a même pas eu le temps d’inaugurer la fin des travaux de remise en état… Fermé depuis la grande crue du mois de mars dernier, le gué de la Vialette, faisant le lien entre Villeneuve-d’Allier et Saint-Ilpize, venait tout juste d’être totalement réparé quand a surgi une nouvelle montée de l’Allier, le 17 octobre dernier. Et une fois de plus, des dégâts sont à déplorer.

Jeudi 31 octobre, un rapide coup d’œil permettait de voir que le tablier métallique se trouvant côté Saint-Ilpize, avait bougé de plusieurs centimètres. Une petite partie du bord de la route arrivant au gué a, elle, été endommagée tandis que des plots de signalisation ont été arrachés. Toujours du côté de Saint-Ilpize, un gros amas de branches se retrouve entassé sur le tablier métallique, obstruant la voie.

Et, plus impressionnant, un embâcle composé de tronc et d’un poteau électrique arraché, obstrue plusieurs des cadres en béton permettant à la rivière de s’écouler. Présents à la montée des eaux, des témoins expliquent avoir vu le poteau électrique arriver : " Cela a tapé un grand coup. "

Du côté Villeneuve-d’Allier, les dégâts sont encore plus impressionnants. Les flots de la rivière gonflée par l’épisode cévenol ont totalement détruit la route permettant d’accéder au gué, laissant bien seul le cadre en béton qui avait été installé pour permettre à la rivière de s’étendre un peu plus… Les imposants rochers bordant la route, s’ils ont résisté pour la plupart, ont parfois été déplacés par la rivière.Villeneuve-d'Allier - Saint-Ilpize. Le gué de la Vialette, enjambant l'Allier, à nouveau endommagé après la crue du 17 octobre.

Face à ce spectacle, des utilisateurs du gué, qui a été créé pour les véhicules de plus de 3,5 tonnes interdits sur le pont de Saint-Ilpize, peinent à retenir leur agacement. Éric Roche et Gilles Chicoutel, agriculteurs, ainsi que David Lancier, maçon basé à Villeneuve-d’Allier, regrettent un manque d’action des services du Département. Présents à la montée des eaux, ils expliquent :

Pendant une crue, il n’y a personne pour enlever les arbres venant se coller contre le gué au fur et à mesure… Quant à l’après-crue?? Les branchages qui bloquent l’écoulement de la rivière sont là depuis le 17 octobre… L’eau est remontée le week-end dernier et a poussé sur l’embâcle. Et cela peut se reproduire à nouveau… Jusqu’à ce que ça casse??

" On aimerait qu’ils viennent entretenir le gué. Qu’ils montrent qu’ils font quelque chose. Si cela reste à l’abandon comme ça, ils vont encore devoir remettre une grosse somme dans les travaux… Avec une mini-pelle et deux employés, en une journée tous les déchets sont enlevés. "

Pour Michel Brun, vice-président du Département en charge des ouvrages d’art et grands travaux routiers, qui déplore ces nouveaux dégâts, les choses ne sont pas aussi simples : " Il faut attendre que l’eau baisse pour aller voir ce qui a bougé. "

On ne peut pas faire n’importe quoi non plus. Il faut faire venir des hommes-grenouilles pour faire un point sur les dégâts et savoir si l’on peut aller sur le gué pour nettoyer les branches. Il n’est pas question de prendre des risques sur une structure potentiellement fragilisée.

En attendant ce nouvel état des lieux et de possibles nouveaux travaux, les usagers font à nouveau grise mine. " On ne demande pas que ce gué soit en état pour aller se promener. C’est frustrant de l’avoir sous les yeux et qu’il soit inutilisable. Ce gué nous rend service tous les jours ", remarque Éric Roche. Sur les lieux ce jeudi 31 octobre, il poursuit, aux côtés de Gilles Chicoutel : " Quand le gué fonctionne, aller chercher la bétaillère à Villeneuve, pour aller à Saint-Ilpize, j’en ai pour 15 à 20 minutes aller-retour. Sans, je dois passer par Lavoûte-Chilhac ou Vieille-Brioude. L’aller-retour me prend 2 heures. On a dû manger 3.000 litres de gasoil en plus cette année. "

Gilles Chicoutel poursuit : " Et quand vous êtes sur la route, vous ne travaillez pas dans les champs. On a des vaches de chaque côté de l’Allier. On peut prendre le pont de Saint-Ilpize avec un petit engin pour amener de l’eau aux bêtes, c’est tout. Quand il faut aller les chercher en urgence… "De gauche à droite : Gilles Chicoutel, Eric Roche et David Lancier.

David Lancier fait, lui, " 90 % de son chiffre d’affaires " sur Villeneuve-d’Allier et Saint-Ilpize. " Pour livrer une toupie de béton, il faut faire le grand tour. Et pour les livreurs, que ce soit pour mon entreprise ou les marchands d’aliments pour les agriculteurs, avec les travaux en cours à Brioude et Vieille-Brioude, les livreurs sont perdus. Il faut parfois même aller les chercher à Brioude. Ce gué nous rend service tous les jours. Et pas qu’à nous?! "

Les trois hommes pointent d’autre cas, comme celui du déneigement ou de la collecte des poubelles, rendus compliqués par cette absence de gué. Sans oublier la problématique des secours.

La caserne de pompiers est à Villeneuve-d’Allier. Si un incendie se déclare à Saint-Ilpize, le camion doit faire un détour de 20 km… Il faut que ce soit Paulhaguet qui intervienne.

Maire de Saint-Ilpize, Martine Defay comprend le dépit des utilisateurs du gué. Mais elle tempère, elle aussi, : " C’est un gros problème dû néanmoins aux circonstances. Le Département avait tout mis en œuvre pour réparer les dégâts de la précédente crue. Et en ce moment, il doit avoir beaucoup de choses à faire avec tous les dégâts des inondations... "

Pierre Hébrard