Récolte de châtaignes 2024 en Limousin : une année "atypique" et "compliquée"
Même si, affirme-t-il, en « châtaignes, c’est toujours très difficile de faire des pronostics exacts », Emmanuel Rabaud, président du Syndicat des producteurs de marrons-châtaignes du Limousin, a vite compris, au fil des mois, que cette récolte 2024 allait être « une année atypique, à problèmes ».
« L’année dernière, nous avions été touchés par un phénomène d’échaudage à l’automne, c’est-à-dire des très fortes chaleurs qui avaient abîmé une partie des fruits sur les arbres et au sol », rappelle Emmanuel Rabaud, installé du côté de La Roche-l’Abeille et La Meyze dans le sud de la Haute-Vienne.
Excès d’eau et gels tardifsEt de poursuivre : « Cette année, nous sommes donc encore dans un contexte atypique, j’insiste, avec un excès d’eau depuis le 15 octobre 2023 jusqu’au 15 octobre, quasiment, de cette année. On a eu, aussi, des gels tardifs de printemps, au mois d’avril (*), sur des vergers qui étaient gorgés d’eau, donc un phénomène d’asphyxie racinaire avec de nombreux dépérissements d’arbres. De jeunes plantations et même plus anciennes : dans mon cas, j’ai des arbres de 16 ans qui sont morts. L’excès d’eau a fait mourir les arbres et les gels font qu’on a eu une moindre récolte encore cette année. Même si la qualité est saine. »
Les chiffres, partout dans le bassin Limousin et Périgord, le confirment :
« On le voit par exemple pour les producteurs qui apportent à Limdor (à Saint-Yrieix-la-Perche), donc Haute-Vienne, nord Dordogne, nord-ouest Corrèze : on a un potentiel de 1.200 tonnes si on avait une belle année. L’année dernière, la station a rentré 730 tonnes et là, cette année, on est à 450. Évidemment, c’est variable d’un verger à un autre, mais globalement, la récolte va de -30, -40 % pour certains producteurs, jusqu’à -70, - 90 % malheureusement pour d’autres. »
Des procédures « exceptionnelles » demandées auprès des services de l’ÉtatCes pertes ont poussé la filière à demander aux services de l’État en Haute-Vienne, Dordogne et Corrèze deux procédures « exceptionnelles », explique Emmanuel Rabaud : « Une procédure de pertes de fonds pour des arbres plantés qui ont crevé et on a aussi demandé la calamité agricole pour perte de récolte. Ces deux demandes sont en cours d’instruction. »
Malgré cette année encore délicate, celui qui est également président du salon Tech-châtaigne, qui se tient tous les deux ans, croit en l’avenir de la filière châtaigne en Limousin. « On a pris date car on a eu une vague de plantation importante, confie Emmanuel Rabaud. L’avenir, en potentialité, il est là. Bien sûr, on dépend du climat mais comme toute l’agriculture. Maintenant, on fait du développement, on travaille sur une meilleure compréhension du fonctionnement des vergers pour savoir comment nos arbres peuvent mieux passer ce problème de climat changeant. C’est notre enjeu. »
L’autre défi demeure la « réacculturation », cite Emmanuel Rabaud. « Il faut que l’on réapprenne à consommer, à cuisiner la châtaigne et je lance d’ailleurs un appel à tous les restaurateurs du Limousin pour qu’ils l’intègrent dans leur menu d’automne. Il y a un engouement, un attachement culturel à ce fruit. »Cela s’est d’ailleurs confirmé ces derniers jours avec le succès des fêtes de la châtaigne en Limousin.
(*) Il a, par exemple, été relevé 0,4 °C à la station Météo-France de Limoges-Bellegarde le 22 avril 2024 et des températures négatives dans certains secteurs en Limousin.
Jean-Adrien Truchassou