Le Somaliland, en quête de reconnaissance, élit son président
A travers la région, 1,22 million d'électeurs inscrits ont commencé à voter peu après 06H00 locales (03H00 GMT) pour choisir entre le chef de l'Etat sortant Muse Bihi, le président du principal parti d'opposition (Waddani) Abdirahman Mohamed Abdullahi dit "Irro" et le leader du Parti de la justice sociale (Ucid) Faysal Ali Warabe.
Sur la place principale de la capitale Hargeisa, où plusieurs bureaux de vote étaient installés dans des tentes, des centaines de personnes attendaient toujours à 06H30 le début des opérations de vote, ont constaté des journalistes de l'AFP.
Ancienne Somalie britannique, ce territoire de 175.000 km2 situé à la pointe nord-ouest de la Somalie a déclaré unilatéralement son indépendance en 1991, alors que la République de Somalie, qu'elle avait rejointe en 1960, sombrait dans le chaos après la chute du régime militaire de l'autocrate Siad Barre.
Le Somaliland fonctionne depuis en autonomie, avec ses propres monnaie, armée et police, et se distingue par sa relative stabilité comparé à la Somalie, ravagée par des décennies de guerre civile, d'insurrection islamiste et d'instabilité politique.
Il n'est toutefois reconnu par aucun pays, ce qui le maintient dans un certain isolement et dans la pauvreté malgré une situation stratégique à l'entrée du détroit de Bab-el-Mandeb, sur l'une des routes commerciales les plus fréquentées au monde reliant l'océan Indien au canal de Suez.
Escalade
Sa quête de reconnaissance est au cœur depuis dix mois d'une crise diplomatique entre la Somalie et l'Ethiopie, avec qui le gouvernement somalilandais a signé en janvier un protocole d'accord controversé.
Le texte n'a jamais été rendu public mais, selon les autorités d'Hargeisa, il prévoit la location de 20 kilomètres de côtes à Addis Abeba en échange d'une reconnaissance formelle.
La Somalie a dénoncé une "violation" de sa souveraineté. Depuis, Mogadiscio et Addis Abeba se livrent à une escalade verbale et militaire qui inquiète la communauté internationale.
Le texte ne s'est pour l'instant pas concrétisé mais Muse Bihi, qui brigue un deuxième mandat à 76 ans, assure que la reconnaissance attendue depuis 33 ans est imminente.
"Au cours de ses sept années au pouvoir, la reconnaissance n'a jamais été aussi proche, et nous espérons qu'elle sera annoncée bientôt. Je veux que Muse Bihi soit réélu", affirme Ayaan Abdilahi Abdi, une de ses partisanes de 22 ans: "Nous voulons qu'il continue à développer le Somaliland".
Ancien diplomate contre ancien militaire
Ses adversaires, dont son principal rival "Irro", ne critiquent pas ce protocole d'accord et préfèrent l'attaquer sur son bilan intérieur.
Outre les difficultés économiques (inflation, chômage, pauvreté...), ils lui reprochent d'avoir attisé des divisions claniques qui ont abouti à la perte d'une partie de la région de Sool, dans le sud-est du territoire.
Après des mois de violents combats contre une milice pro-Mogadiscio qui ont fait au moins 210 morts et près de 200.000 déplacés, les forces somalilandaises se sont retirées en août 2023 de la moitié de cette région.
"La grande chose qu'on avait, c'était la paix et la stabilité et maintenant on a des problèmes et du conflit dans l'Est", explique Abdirahman Muhumed, trentenaire vivant aux Etats-Unis, revenu dans sa famille pour "renverser celui qui est au pouvoir" en votant "Irro".
Cet ancien diplomate (ambassadeur en URSS et Finlande) et président de la Chambre des représentants (2005-2017) âgé de 68 ans s'affiche en figure unificatrice face à la personnalité à poigne de Muse Bihi, ancien militaire.
Initialement prévue en 2022, l'élection avait été reportée pour des "raisons techniques et financières". L'opposition avait dénoncé une prolongation du mandat de président. Des manifestations avaient été violemment réprimées, faisant cinq morts.