Et revoilà le débat sur la circoncision
L’article « Pourquoi la circoncision des garçons mineurs est contraire à l’éthique, par Franck Ramus », publié par L’Express, a rouvert le débat sur l’interdiction de la circoncision en assimilant la pratique à l’excision génitale sur les filles. Mais n’est-ce pas là un chiffon rouge qui est agité pour interdire une pratique millénaire, non mutilante, qui ne dérange que certains ?
Cet article est introduit par une photo illustrant la circoncision rituelle avec un livre de prières juif[1]. L’auteur évoque divers arguments qui dépassent l’entendement, avec en toile de fond le lien avec l’excision. L’auteur conclut que « ne pas être contre la circoncision chez les garçons serait une discrimination sexiste ».
L’OMS a publié une étude en 2007 qui révèle que la circoncision est pratiquée tant par les juifs et les musulmans (pour quasiment 100% de la population masculine) que par de nombreux chrétiens dans les pays à majorité protestante (75% de la population masculine aux États-Unis). Ainsi, 30% de la population masculine mondiale est circoncise. Aucune étude n’a révélé un mal-être quelconque de ces hommes.
Rétablir les faits médicaux
Alors que le débat est introduit sur le plan éthique, l’auteur se concentre sur des raisons médicales, dont les risques de l’opération. Une circoncision rituelle, dans le cadre judaïque, est toujours effectuée par des spécialistes qui ont suivi un parcours d’étude strict et exigeant. Ils sont médecins pour beaucoup d’entre eux. Même dans un environnement médicalisé, le risque zéro n’existe pas et ce sont surtout les conditions de la réalisation qui sont dangereuses.
Néanmoins, les bénéfices sont plus nombreux que la simple protection contre les infections sexuellement transmissibles qui a été abordée dans l’article. Des études ont montré que la circoncision peut réduire le risque d’infections urinaires. En synthèse, les infections urinaires sont environ 10 fois plus fréquentes chez les nourrissons non circoncis que circoncis. La circoncision peut également réduire le risque de cancer du pénis. Un homme circoncis au début de sa vie a un risque réduit de 50 à 90% par rapport à un homme non circoncis. Enfin, un homme circoncis ne vit pas toutes les difficultés liées au prépuce, comme le phimosis (prépuce trop serré) ou la balanite (inflammation du gland) qui sont, elles, de véritables souffrances. L’auteur répliquera qu’il y aura une perte de sensibilité sexuelle. Que dire de la pertinence de cet argument au sujet d’un nourrisson de huit jours, ou même d’un enfant plus âgé ? Pour les adultes ayant fait l’opération, aucune étude n’a démontré que la sexualité change. L’auteur répondra également que l’aspect esthétique de la circoncision ne plaira pas à l’intéressé. Ici également, la pertinence de l’argument pour un enfant interroge.
L’excision, une vraie mutilation grave
L’excision est une pratique locale qui n’a aucune source religieuse. Il s’agit d’une mutilation qui ne fait pas débat. Une mutilation est une «ablation accidentelle ou volontaire, un retranchement d’un membre ou d’un organe externe qui cause une atteinte grave et irréversible». Isabelle Gillette-Faye, directrice générale de la Fédération nationale GAMS (association engagée dans la lutte contre les violences faites aux femmes), a déclaré en 2018 sur Slate concernant l’excision que « médicalement, c’est très compliqué d’ôter le capuchon sans toucher les autres organes sexuels externes comme le clitoris et les petites lèvres ».
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L’OMS a établi quatre types d’excision. Les deux premiers portent sur l’ablation partielle ou totale du gland clitoridien. Le troisième concerne l’infibulation, c’est-à-dire le « rétrécissement de l’orifice vaginal par recouvrement » en sectionnant et en repositionnant les lèvres, avec dans certains cas l’ablation du gland clitoridien. Le quatrième type contient toutes les autres opérations mutilantes des organes génitaux féminins. L’OMS estime qu’il y a 200 millions de femmes et filles qui ont subi une excision, dont une très grosse majorité sans anesthésie, soit approximativement 5% des femmes dans le monde.
L’excision appliquée aux hommes reviendrait purement et simplement à une amputation du pénis sans anesthésie. La circoncision ne peut donc pas être une mutilation.
Le droit de l’enfant à l’intégrité de son corps
Ce droit est fondé sur le principe que les enfants n’ont pas à subir d’intervention physique non nécessaire qui pourrait affecter leur corps et leur développement. Il est notamment défini par la Convention relative aux droits de l’enfant (CIDE) et par le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (PIDESC). L’article 19 du CIDE stipule que les États signataires prennent toutes les mesures appropriées pour « protéger l’enfant contre toute forme de violence, d’atteinte ou de brutalités physiques ou mentales, d’abandon ou de négligence, de mauvais traitements ou d’exploitation, y compris la violence sexuelle ».
Pour compléter le débat, il faut prendre en considération les droits de l’homme qui garantissent la liberté de religion et de croyance avec un corpus législatif international dense. Ainsi, la Déclaration universelle des droits de l’homme (DUDH) précise dans son article 18 : «Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion ; ce droit implique (…) la liberté de manifester sa religion ou sa conviction seule ou en commun, (…) par (…) l’accomplissement des rites ». Ce droit est repris dans le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), la CIDE et la Convention européenne des droits de l’homme (CEDH). Tant qu’elle respecte la rigueur et l’encadrement médical strict, la circoncision rituelle est protégée.
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Mais les parents n’ont-ils pas la responsabilité de prendre des décisions dans l’intérêt supérieur de leur enfant ? Cela implique de veiller à la santé physique et psychologique de leur enfant, mais également à la construction de son identité spirituelle, culturelle et sociale. La circoncision rentre dans ce cadre pour les juifs, les musulmans et une partie des chrétiens, libre ensuite à l’enfant de se séparer de son groupe d’appartenance à l’âge adulte. Il est du devoir de ses parents de lui donner le cadre de la meilleure intégration possible. Ainsi, la loi française reconnait et protège la pratique, qui est considérée comme un droit fondamental. L’argument consistant alors à dire que c’est une fois majeur que l’enfant décide de procéder à sa propre circoncision médicale est un argument de mauvaise foi, car très peu d’hommes en auront le courage. Ce qui est fait n’est plus à faire.
Débat éthique ?
Non seulement les arguments médicaux vont dans le sens de la défense de la circoncision, mais cette opération n’est en rien comparable à l’excision qui, elle, est une véritable mutilation des organes génitaux féminins dans n’importe laquelle de ses formes. Il n’est pas non plus possible de restreindre l’autorité parentale à celui de simples gardiens de la santé de leur enfant : l’éducation s’inscrit dans un tout en intégrant la communauté d’appartenance, qu’elle soit administrative, politique ou religieuse.
Placer le curseur sur un débat entièrement éthique revient à reconnaître implicitement que tous les autres arguments donnent de fait la prévalence à la circoncision rituelle. De plus, aucun argument évoqué n’a de validité médicale ni juridique.
Pourquoi alors illustrer l’article avec un livre de prières juif ? Il est vrai que depuis le 7-Octobre, l’augmentation effrayante de l’antisémitisme (+300% au premier trimestre 2024) et les attaques systématiques contre l’abattage rituel juif (pour lequel il n’a toujours pas été démontré de façon scientifique que l’étourdissement fait moins souffrir), il ne manquait plus que le débat contre la circoncision rituelle ! Le message envoyé à une communauté ayant une présence bimillénaire en Europe et fortement éprouvée ne pourrait être plus clair : « Raus » !
[1] https://www.lexpress.fr/sciences-sante/sante/pourquoi-la-circoncision-des-garcons-mineurs-est-contraire-a-lethique-par-franck-ramus-DDGDC5SHGJHENPDCF55CKKNRPQ/
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