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Budget : une "loi spéciale", ce scénario qui inquiète politiques… et contribuables

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L’issue apparaît désormais inéluctable. Sauf retournement de situation, Michel Barnier et son gouvernement tomberont mercredi 4 décembre, à l’occasion de la motion de censure déposée par le Nouveau Front populaire, et à laquelle le Rassemblement national a annoncé se joindre. La France va une nouvelle fois se retrouver sans exécutif. Surtout, elle n’aura toujours pas de budget. Et à moins d’un mois de la date butoir du 31 décembre 2024 fixée par la Constitution, le temps est plus que jamais compté.

"Il est juridiquement, politiquement et constitutionnellement impossible que le prochain Premier ministre, si censure il y a, puisse faire adopter un nouveau projet de loi de finances avant la fin de l’année", affirme Bernard Monassier, vice-président du Cercle des fiscalistes. Il resterait alors peu d’alternatives pour éviter un "shutdown" à l’américaine - lorsque l’administration cesse de fonctionner et que l’Etat ne peut plus percevoir de recettes, ni dépenser ses crédits. L’option la plus probable serait le vote d’une "loi spéciale", prévue par l’article 45 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) de 2001. Elle permettrait de reconduire le budget 2024 pour l’année 2025.

L’imprudence de Marine Le Pen

Une fois nommé par Emmanuel Macron, le successeur de Michel Barnier aura jusqu’au 19 décembre pour présenter ce projet de loi, qui devra ensuite être approuvé par le Parlement. Une étape qui devrait, paradoxalement, poser beaucoup moins de problèmes que l’examen du budget 2025 : le RN, premier groupe de l’Assemblée nationale en nombre de députés, s’est engagé à voter cette fameuse "loi spéciale" si elle venait à être mise sur la table. Aucune fébrilité du côté de Marine Le Pen à ce sujet, au contraire. "Ça remet juste les compteurs à zéro pour renégocier sur une base acceptable", soutenait la présidente de groupe ce week-end à La Tribune.

Pourtant si prompte à défendre le pouvoir d’achat des Français, l’élue d’extrême droite élude un paramètre fiscal majeur : en cas de loi spéciale, le barème de l’impôt sur le revenu ne serait pas indexé sur l’inflation comme chaque année. Or, les salaires ont tendance à progresser pour suivre la hausse des prix. "Le ministère des Finances a indiqué que ce gel mécanique ferait entrer près de 400 000 foyers fiscaux dans le champ de l’impôt sur le revenu et ferait augmenter le poids de l’impôt sur le revenu de 18 millions de foyers fiscaux déjà concernés par celui-ci", souligne Aurélien Baudu, professeur de droit public à l’université de Lille. Il n'y a pas si longtemps, cette mesure avait été envisagée par le gouvernement Barnier dans le cadre de son plan pour ramener le déficit public à 5,5 % du PIB en 2025. Elle devait permettre de générer environ 4 milliards d’euros de recettes supplémentaires.

Pour Bernard Monassier, cette désindexation aurait, en termes macroéconomiques "un coût marginal pour les ménages". En revanche, la portée symbolique serait, selon lui, énorme. "C’est quelque chose de politiquement sensible. Les contribuables touchés auraient beaucoup de mal à l’accepter", ajoute-t-il. A bon entendeur, pour le Rassemblement national, qui pourrait être sanctionné dans les urnes lors des prochaines élections. En revanche, le Smic et les minima sociaux ne sont pas concernés. Leur indexation sur l'inflation se fait de manière automatique tous les ans et n'est donc pas inscrite dans le projet de loi de finances, sauf en cas de revalorisation exceptionnelle.

Une instabilité politique jusqu’à quand ?

Tout sera, encore une fois, une question de calendrier. La "loi spéciale" ne s’applique logiquement pas indéfiniment. "Pour corriger le barème de l’impôt sur le revenu de l’inflation, il serait toutefois impératif d’avoir la nouvelle loi de finances pour 2025 publiée au Journal officiel avant la campagne déclarative de l’impôt sur le revenu du mois de mai", prévient Aurélien Baudu. Ce fut le cas en 1980, rappelle l’expert, lorsque le gouvernement de Raymond Barre est parvenu à faire adopter son budget le 18 janvier après une loi spéciale. Le barème de l’impôt sur le revenu avait alors été indexé de justesse. Un soulagement pour les contribuables de l'époque. "L’inflation annuelle était proche de 14 % cette année-là !", précise Aurélien Baudu.

Le profil du nouveau locataire de Matignon choisi par Emmanuel Macron sera déterminant. Au risque de connaître un cercle vicieux qui verrait le futur Premier ministre tenter de faire adopter un budget en force avec un nouveau 49-3, faute de majorité politique, pour ensuite se faire censurer. L’instabilité politique pourrait alors se prolonger jusqu’en juin, date à laquelle le chef de l’Etat pourra dissoudre pour la seconde fois en un an l’Assemblée nationale, espérant retrouver cette majorité qui lui a échappé. Un scénario du pire qui ne peut pas être écarté, tant les différents partis semblent vouloir camper sur leurs positions. La réduction du déficit public deviendrait alors le cadet des soucis du président de la République.




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