Nous sommes allé rendre une petite visite au chantier JPK à Larmor, Morbihan, histoire de voir comment avançait le futur JPK 10.50 qu'attendent tous les passionnés, et en particuliers les amateurs de régate IRC. Le bateau est encore dans son moule et ne touchera pas l'eau avant mi-février. Ce qui n'a pas empêché Jean-Pierre Kelbert de nous le présenter en détail. Instructif !
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Le pont est en cours de finition. Notez les réservations dans le tableau arrière : les safrans seront relevables comme ceux des IMOCA, ce qui évite d'avoir à régler constamment le pincement entre les deux appendices.[/caption]
VM : Jean-Pierre, comment ce nouveau JPK va-t-il perpétuer la domination du chantier sur l’IRC, face à une concurrence agressive ?
JPK : Ce projet-là nous emmène au-delà de tout ce qu’on a fait par le passé, en termes de volume de la carène, avec une carène beaucoup plus épaulée que les JPK 1010 et 1030, mais aussi en termes de devis de poids. Les deux vont de pair, quand vous faites un bateau qui devra s’appuyer sur ses volumes avant pour planer le plus tôt possible, il doit impérativement être léger.
Le poids n’est pas aussi critique quand on fait un bateau IRC classique, c’est-à-dire pensé pour minimiser son rating. Avec le 1050, on entre dans cette nouvelle logique d’un bateau qui certes court en IRC, mais qui accepte un rating lourd qu’il va falloir sauver, en tout cas c’est l’idée, en allant non pas un peu, mais beaucoup plus vite que ses concurrents à certaines allures, et surtout aux allures débridées dans le vent medium + quand les autres sont encore « collés à la piste ». Et pour cela, il faut beaucoup travailler le poids et consacrer.
Pour autant, on sait que le tiers avant va être martyrisés du fait de ses sections généreuses. Un maillage serré de la structure est donc indispensable et nous mettons de la sécurité dans nos calculs, de toute façon la certification de l’ICNN nous y oblige et c’est tant mieux.
La question de la structure est d’autant plus sensible que pour faire un scow qui court en IRC, nous sommes obligés de lui donner des élancements importants à l’avant comme à l’arrière. C’est pour cela qu’en statique, le rapport entre la longueur de coque et la longueur de flottaison est proche de ce qu’on trouvait sur les anciens bateaux IRC, voire IOR...
Mais cette flottaison s’allonge considérablement quand on commence à gîter. Et il faut qu’il gîte, c’est impératif sur ce type de bateau, et il faut qu’il porte beaucoup de toile parce qu’il a beaucoup de surface mouillée. A partir de là, ses formes vont lui permettre de planer plus tôt que les autres, et à des angles plus fermés : probablement à partir de 90° du vent, quand les autres ne décollent qu’à 120 ou 130°.
En résumé, un bateau comme le JPK 1050, c’est plus de volume , plus de toile et moins de poids. Mais c’est plus facile à dire qu’à faire !
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JPK 10,50, une nouveauté 2024-2025 © JPK[/caption]
VM : Ce JPK 10.50, tu le vois comme un bateau de jauge ou un bateau de plaisir ?
JPK : On le sait déja il est impossible de faire un bateau qui va mieux partout mais le facteur plaisir, qui rime avec planning, est aussi essentiel dans la démarche. Il faut de toute façon accepter d'avoir quelques trous qui compenseront de vrais points forts. Il est intéressant de voir que sur la saison passée les J Composites de génération récente ou les JPK 1010 sont ultra-compétitifs sur des courses comme la Duo Catamania, que les JPK 1010 sont souvent en match avec Lann Ael 3* sur du temps compensé (Europe IRC double, Fastnet Race)... ce qui prouve bien que la jauge IRC est toujours aussi pertinente car elle protège la flotte existante mais ouvre la porte a des évolutions.
*Prototype à l’origine du Pogo RC, le concurrent en gestation chez Pogo Structures, ndlr.
VM : Dans cette logique de scow, avez-vous poussé le curseur plus loin que Structures avec son futur Pogo RC ?
JPK : Difficile à dire, on ne regarde pas de si près ce qu’ils font, mais c’est possible. On voit qu’ils sont moins puissants que nous devant et qu’ils devront sans doute mettre un peu plus de lest ou des ballasts... C’est sûr que les deux bateaux seront dès leur première saison dans une concurrence frontale*. Côté chantiers, nous avons notre expertise de l’IRC, ils ont pour eux leur culture de la chasse au poids avec les Class 40 qu’ils construisent depuis longtemps...
Et que le meilleur gagne ! Ce sera un beau match.
*JPK compte aligner deux JPK 1050 au Spi Ouest, dont celui du chantier mené par Alexis Loison, ndlr.
VM : Il a été dessiné par Jacques Valer comme les précédents, à la main ?
JPK : Oui, mais il a aussi travaillé dans un échange permanent avec Jean-Baptiste Dejeanty, le responsable de notre Bureau d’étude. En résumé, Jacques dessine la carène, la livre à Jean-Baptiste qui la numérise dès le début de la conception. Puis il la teste en bassin numérique et challenge Jacques sur tel ou tel point...
C’est beaucoup de travail mais c’est très productif, le bateau s’améliore au fil de ces allers-retours.
Et on arrive par ailleurs à mieux préparer la construction en série, avec une approche « méthodes » qui arrive plus tôt dans le process. On anticipe mieux les choses.
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JPK 10.50 © JPK[/caption]
En chiffres