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De Marine Le Pen à Jean-Luc Mélenchon, ces deux parias qui ont chacun leur stratégie face à Emmanuel Macron

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Minuit a sonné, voici donc le carrosse redevenu citrouille. Le Rassemblement national avait failli, pourtant, s’habituer aux dorures de Matignon et de l’Elysée. Mais ce mardi, les représentants du parti d’extrême droite n’étaient pas conviés à la réunion convoquée par le président de la République. Eux qui, voici quelques jours encore, étaient de ceux que l’on traitait avec déférence, que l’on consultait, que l’on ménageait, se retrouvent condamnés, avec La France insoumise, à observer les consultations de loin, à défaut d’y participer. Dans son allocution du 6 décembre, le président de la République a bien fait part de son agacement envers "ces extrêmes" qui ont choisi de faire tomber le gouvernement Barnier en votant la censure. La punition est tombée : ces derniers seront donc mis de côté. A une différence près : le parti mélenchoniste a choisi de ne pas assister à ces consultations. Le RN, lui, l’a subi.

La nouvelle a d’ailleurs fait tout drôle à Jordan Bardella. Le jeune président du RN s’était fait au traitement qui lui était réservé depuis les rencontres de Saint-Denis, en novembre 2023. Sur le plateau de TF1, ce mardi, il fustige un "aveu d’irrespect et d’inélégance" de la part du président de la République, estimant qu’il eut été courtois de le convier aux discussions. Marine Le Pen, elle, tente de faire bonne figure. "Emmanuel Macron a invité l’ensemble des partis qui pourraient potentiellement participer à un gouvernement, en ne nous invitant pas, il nous donne la médaille de l’opposition et je l’en remercie, déclare-t-elle depuis l’Assemblée. Nous verrons bien si tout ce beau monde, ce parti unique que j’ai dénoncé, arrive à se mettre d’accord."

Les Insoumis et la présidentielle

Il y a les râleurs, et d’autres, à l’extrême opposé de l’échiquier politique, que la réclusion hors de l’Élysée le 10 décembre dernier a enthousiasmé. Les Insoumis de Jean-Luc Mélenchon, parias par choix. Le courrier de réponse de Manuel Bompard à l’invitation d’Emmanuel Macron n’a pas manqué de clarté : "Aucune discussion autre que la nomination d’un gouvernement du Nouveau Front populaire ne saurait avoir lieu avec le chef de l’État." Des mots différents pour un même son de cloche, celui que le leader insoumis exprimé au soir des législatives anticipées de l’été dernier : "Le Nouveau Front populaire appliquera son programme. Rien que son programme, mais tout son programme !" Ce mantra avait embarrassé Lucie Castets, la candidate désignée de tous les partis de gauche pour Matignon, elle qui s’était dite prête à "convaincre au-delà" du NFP dans un courrier signé des quatre présidents de groupe de gauche à l’Assemblée, dont l’Insoumise Mathilde Panot. C’était il y a quatre mois : une éternité.

Car pour les Insoumis, il n’est plus vraiment question de Matignon, et encore moins de Lucie Castets à vrai dire. Elle aussi, égérie estivale du NFP, passe sous leurs fourches caudines pour avoir eu le malheur de répéter, le 4 décembre, ce qu’elle disait déjà l’été dernier : "on est prêt à travailler avec tout le monde." Vice-présidente de l’Assemblée nationale, la députée LFI Nadège Abomangoli, autrefois vallsiste et devenue fidèle lieutenante de Mélenchon, la brocarde dans un tweet : "Bon courage pour le travail avec Retailleau qui fait la chasse aux étrangers et aux 'Français de papier' ou avec Kasbarian qui harcèle les fonctionnaires après avoir bafoué les droits des locataires." Lucie Castets, muse hier, traître aujourd’hui.

Destitution et division

Cette dernière lui écrit un SMS : "ce n’était vraiment pas nécessaire." Et si ça l’était, nécessaire, tout du moins aux yeux des Insoumis ? Quand les choses vous échappent, il faut feindre de les organiser. La stratégie est assumée à LFI : Emmanuel Macron doit démissionner. Traduction : une élection présidentielle doit se tenir au plus vite. L’idée ne fait pas que des heureux à gauche, le PS, les écologistes et les communistes sont loin d’être prêts à une campagne présidentielle éclaire, quand Jean-Luc Mélenchon l’est lui. Les premiers, unitaires, refusent de précipiter toute destitution, et continuent de jouer le refrain d’une candidature commune pour la prochaine présidentielle.

Ce que ne dément pas Jean-Luc Mélenchon, mais à sa manière. Lui aussi appelle à une "candidature commune", mais bâtie autour de son programme. Et quelques jours auparavant, sur France 3, il déclarait déjà : "Si c’est une élection qui a lieu là tout de suite, sans doute que je peux être incité à y aller." Le 29 novembre dernier, alors que Michel Barnier n’était pas encore censuré, Manuel Bompard, coordinateur de La France insoumise, envoyait déjà un courrier à Bruno Retailleau, le ministre de l’Intérieur, pour s’assurer de la "bonne tenue d’une présidentielle anticipée". "Je souhaite vous demander d’informer les différentes forces politiques des modalités d’organisation d’une élection (présidentielle anticipée)", écrivait-il. Le leader insoumis s’affaire déjà à collecter d’éventuels parrainages d’élus (il en faut 500).

Isolement et prophétie

Ensemble, on va plus loin, mais seul, on va plus vite. Et Jean-Luc Mélenchon veut aller vite, très vite. La Nupes l’ankylosait, le NFP encore plus avec leurs histoires de primaires, mais il refuse d’être le responsable de son déchirement. Alors, les Insoumis accusent les socialistes et les communistes de corrompre le programme du NFP, et notamment la promesse d’abrogation de la réforme des retraites, en allant bavarder avec les forces politiques du bloc central à la table d’Emmanuel Macron. Et Jean-Luc Mélenchon de récriminer ses partenaires d’hier : "Le Parti communiste ne veut plus de nous, nous avons compris que la droite du Parti socialiste ne veut plus [de nous] et nous refusons de faire chemin avec des gens qui nous insultent en cours de route."

Cet isolement choisi du reste du NFP abonde dans le sens de sa prophétie : la prochaine présidentielle n’aura d’autre issue qu’un duel entre Marine Le Pen et lui. Il ne reste plus qu’eux deux, maintenant qu’Emmanuel Macron n’est plus autorisé à se représenter. La tripartition politique ne saurait, croit-il, donner à nouveau l’avantage à un héritier du président sortant. L’extrême droite face à la gauche, l’affrontement marqué du sceau de l’histoire. Le soir du premier tour des législatives, le 30 juin 2024, il clamait déjà place de la République : "Il n’y a plus dans ce pays d’échappatoire à un choix fondamental ! Nous y sommes : ce sont eux ou nous."

Le recours antisystème

Côté RN, il est urgent d’attendre. Le camp présidentiel, en s’engageant à "ne plus se mettre entre les mains" de l’extrême droite, et préférant s’adresser aux partis de "l’arc républicain" a fragilisé sa figure "d’opposition constructive". Et si un accord était trouvé entre les différentes formations de la droite, du centre et de la gauche, permettant de former une majorité, la formation lepéniste perdrait aussi sa capacité à censurer un nouveau gouvernement, et, de fait, une partie de son poids politique à l’Assemblée. Condamnés à attendre de savoir de quel côté tombera la pièce, certains lepénistes se mettent à douter. "La censure n’était sans doute pas la bonne décision, mais c’est celle qui a été prise, il faut donc maintenant la défendre et tenter d’en faire le meilleur usage", lâche un lieutenant laconique.

Les interrogations sont compensées, en interne, par un gros service après-vente. Par chance, un sondage, publié ce mercredi 11 décembre, conforte Marine Le Pen en tête des intentions de vote dans la perspective d’un premier tour à l’élection présidentielle. Il est massivement diffusé et un peu trop exploité pour des politiques à l’esprit tranquille.

Voici même qu’un ancien champ lexical repointe le bout de son nez. Depuis quelques jours, sur les plateaux de télévision, les élus frontistes renouent avec une expression chère à Jean-Marie Le Pen : "l’UMPS". Les députés cravatés ont laissé leur place à des pourfendeurs du système, et Jordan Bardella et Marine Le Pen dénoncent désormais un "parti unique" composé de politiques de carrière destinés à se faire la courte échelle dans une course aux postes. "Imaginez donc le désastre absolu pour tous ces partis, du PCF aux républicains qui siégeraient dans un même gouvernement, commente un conseiller lepéniste. Ce serait l’ultime illustration qu’il existe une coalition des partis contre les intérêts des Français, et que nous sommes différents." La ficelle est un peu grosse. Transformer l’exclusion en singularisation. Et profiter de la perte de statut de gouvernement pour incarner à nouveau un recours antisystème. À LFI comme au RN, c’est dans les vieux pots qu’on fait les meilleures confitures.




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