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Nucléaire : y a-t-il un problème avec nos start-up ?

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C’est une résurrection, mais pas celle qu’on imaginait. Le 6 décembre, Framatome a annoncé avoir signé un accord avec plusieurs entités japonaises pour contribuer au développement d’un démonstrateur de réacteur à neutrons rapides refroidi au sodium (RNR-Na). De quoi raviver quelques vieux souvenirs aux experts de la filière nucléaire française. "Le réacteur que les Japonais veulent, c’est ni plus ni moins Superphénix, celui que la France a abandonné sur décision du gouvernement Jospin", glisse l’un d’entre eux.

Doit-on se réjouir que le savoir-faire français s’exporte ainsi ou déplorer le fait que cette technologie - développée chez nous avant d’être brutalement arrêtée pour des raisons de coût et d’idéologie - trouve finalement un écho si loin de la France ? Sans doute les deux. Le partenariat va permettre à Framatome de maintenir, voire d’enrichir, des compétences. Mais d’un autre côté, il faut sans doute y voir la conséquence du "stop and go" pratiqué par les gouvernements français successifs.

"Il faut bien le reconnaître : certains pays sont plus visionnaires que d’autres. Le Japon a compris que seuls les RnR permettaient de fermer le cycle, c’est-à-dire de puiser dans les stocks de combustibles usés pour fonctionner, renforçant ainsi l’indépendance énergétique tout en réduisant les déchets", constate Jean-Luc Alexandre, fondateur et PDG de Naarea.

"C’est une bonne nouvelle mais il y a là quelque chose d’ironique. Ce projet verra peut-être le jour au Japon, alors qu’au départ il s’agissait d’un programme français", remarque Frédéric Varaine, fondateur d’Otrera et ancien chef du projet Astrid, un programme de recherche visant à élaborer un prototype de RnR, également abandonné par l’Etat français en 2019.

"Un jour la France aura des RnR", indiquait le Haut-Commissaire à l’énergie atomique Vincent Berger il y a quelques mois. Cela va dans le sens de l’histoire. Mais quand ? Sous quelle forme ? Et quel sera le rôle des start-up innovantes dans le processus ? Douze d’entre elles ont passé un premier filtre en étant désignées lauréates du programme d’accompagnement France 2030. Mais la sélection n’est pas terminée.

"Il y a beaucoup de confusion sur le sujet, confirme Jean-Luc Alexandre, de Naarea. Dans l’absolu, il peut y avoir des RnR de grande ou de petite taille. Certains ont vocation à produire de l’électricité, d’autres, comme les nôtres, à produire de l’électricité et de la chaleur pour décarboner des processus industriels… Deux choses sont sûres : tout d’abord, nos vrais concurrents sont les Russes, les Chinois et les Américains. Pas les acteurs historiques français. Ensuite, nous avançons".

Un article récent - et contesté - du Point évoque les calendriers de développement irréalistes de plusieurs start-up du nucléaire, qui n’auraient pas la moindre chance de voir le jour, même à un horizon éloigné, selon un audit récent remis à l’Elysée. Dans une interview accordée à la Société française d’énergie nucléaire, le Haut-Commissaire à l’énergie atomique Vincent Berger tempère : "Tout d’abord, il est important de préciser que nous n’avons pas classé les 12 lauréats que nous avons évalués". En outre, l’Etat va poursuivre l’accompagnement du secteur, sur des horizons de temps variés.

Jean-Luc Alexandre précise : "Nous avions le TRL - un système de mesure employé pour évaluer le niveau de maturité d’une technologie - le plus bas, et pourtant notre dossier a été le premier à être examiné par l’Autorité de sûreté nucléaire en séminaire de fin de pré-instruction. C’est la preuve que nous progressons. Nous avons réalisé un premier jumeau numérique en 18 mois. Personne ne croyait cela possible. Nous avons construit un laboratoire de recherche sur le sel fondu, déposé 24 brevets… Il faut croire dans l’innovation portée par les start-up."

Eviter l’innovation au rabais

Bien sûr, le chemin nécessite de surmonter plusieurs obstacles. Par exemple, la construction d’usines servant à fabriquer le combustible RnR. Pour l’heure, il existe un hiatus entre leur sortie de terre et les plans de développement des start-up, bien plus rapides. Pas de quoi pénaliser la réalisation des premiers cœurs. Mais il faudra sans doute rectifier la trajectoire avec le géant du recyclage du combustible Orano.

"Ce qui me gêne, c’est qu’on sent la volonté un peu sourde de certains acteurs, qui poussent en faveur d’un plan Messmer pour les RnR, indique Frédéric Varaine. On sait pourtant que le modèle start-up est plus adapté au développement de l’innovation. Si nous reprenons les technologies passées pour faire un "Astrid plus petit", nous ne serons pas compétitifs avec une électricité produite à 50 % plus chère. Avec leurs startups, les Américains veulent passer pour de bon à la quatrième génération de réacteurs. Nous ne pouvons pas nous contenter d’améliorer légèrement ce que nous savons déjà faire".

"On voit bien la difficulté qu’il y a à innover en regardant les SMR, glisse un observateur. EDF a mis son projet en pause, quelques mois après l’abandon par NuScale d’un projet dans l’Idaho", glisse un observateur. Chez Otrera, les ingénieurs planchent sur un réacteur surgénérateur de petite taille, bousculant ainsi la physique qui associe cette propriété aux installations de grande taille. Avec la technologie Naarea, le prix de l’hydrogène vert pourrait égaler celui de sa version grise. Ces trouvailles ont tout pour attirer les investisseurs. Or, le flou politique actuel et le retour sur investissement plus long dans le secteur de l’énergie rendent les levées plus difficiles.

Le risque ? Les fonds étrangers pourraient prendre de vitesse leurs homologues français qui tergiversent, à un stade où les start-up n’ont pas encore besoin de beaucoup d’argent. Ces fonds ne poseront pas de problème dans un premier temps. Mais lorsqu’ils voudront revendre leurs parts dans ces start-up tricolores, ils seront moins regardants sur la nationalité du repreneur. Nos pépites sont déjà scrutées avec intérêt outre-Atlantique. "On a déjà vu ça dans d’autres industries, comme l’IA ou le quantique. Les Américains laissent certains pays prendre de l’avance, puis ils offrent un pont d’or aux meilleurs spécialistes pour qu’ils viennent s’installer chez eux. Il leur suffit de faire cela avec 5 % des effectifs d’un secteur pour se retrouver, en quelques années, avec des champions du monde", observe Jean Maillard, cofondateur de la société Neext Engineering. La course au nucléaire durable ne fait que commencer.




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