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Corée du Sud : de la loi martiale à la destitution du président, récit de 11 jours de chaos

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Des danses au son d’une K-pop assourdissante, des embrassades… Quelque 200 000 manifestants massés devant l’Assemblée nationale ont laissé éclater leur joie ce samedi 14 décembre à Séoul. Les députés sud-coréens ont en effet destitué le président Yoon Suk-yeol, après sa tentative ratée d’imposer la loi martiale et de faire museler le Parlement par l’armée le 3 décembre. Les dizaines de milliers de manifestants ont exulté à l’annonce par le président de la chambre Woo Won-shik du résultat du vote : 204 voix pour la destitution, 85 contre, trois abstentions et huit bulletins invalides. La motion de destitution devait recueillir au moins 200 voix sur 300 pour passer. L’opposition, qui dispose de 192 députés, a donc réussi à faire basculer dans son camp 12 des 108 élus du Parti du pouvoir au peuple (PPP), la formation de Yoon Suk-yeol, alors qu’il en fallait 8 du PPP pour qu’elle passe.

Le président est désormais suspendu, dans l’attente de la validation de sa destitution par la Cour constitutionnelle sous 180 jours. Si cette destitution est validée, une élection présidentielle aura lieu sous 60 jours. Le Premier ministre Han Duck-soo assure en attendant la présidence par intérim. "C’est une victoire du peuple et de la démocratie", s’est félicité Park Chan-dae, le chef de file des députés du Parti démocrate, la principale force d’opposition. Au total, la Corée du Sud aura vécu 11 jours de chaos.

3 décembre et 4 décembre

Le 3 décembre, à 22h23 heure locale (14h23 heure française), le président Yoon Suk-yeol apparaît pour une allocution inattendue. Il déclare la loi martiale, sur fond de blocage du budget au Parlement dominé par l’opposition. L’impopulaire dirigeant de 63 ans, élu président en 2022, affirme vouloir protéger le pays des "forces communistes nord-coréennes", "éliminer les éléments hostiles à l’Etat" et accuse le Parlement dominé par l’opposition de torpiller toutes ses initiatives et de bloquer le pays. Selon les témoignages ultérieurs, devant les députés, de plusieurs hauts responsables militaires et de la police, le président avait aussi ordonné l’arrestation des chefs des principaux partis politiques, dont le sien.

À 00h27, le 4 décembre, des députés tentent de se réunir en urgence à l’Assemblée nationale mais l’institution est mise sous scellés et investie par des soldats. Les forces spéciales tentent de déloger les élus ayant tout de même réussi à entrer dans l’hémicycle. Le personnel parlementaire leur bloque l’accès avec des meubles, des tables et des sofas. Des milliers de personnes se rassemblent à l’extérieur pour exiger le départ du président sud-coréen. À 01h03, les 190 députés présents votent à l’unanimité la levée de la loi martiale. Les troupes commencent à se retirer dans leurs casernes.

À 04h29, le président, constitutionnellement obligé d’obéir au vote des députés, réapparaît à la télévision et abroge la loi martiale, avant de s’évaporer. Quelques heures plus tard, à 14h43, l’opposition annonce qu’elle va déposer une motion de destitution, alors que certains de ses élus déposent plusieurs plaintes pour "rébellion" contre le président, ses ex-ministres de la Défense et de l’Intérieur et d’autres personnalités majeures de la brève loi martiale.

5 et 6 décembre

Le lendemain, le chef du PPP de Yoon Suk-yeol, Han Dong-hoon, dit que sa formation fera front contre la motion de destitution. Cette motion n’a besoin d’être soutenue que par huit députés du PPP pour pouvoir passer. La police annonce l’ouverture d’une enquête pour "rébellion", notamment contre Yoon Suk-yeol. L’ancien ministre de la Défense Kim Yong-hyun, considéré comme la personnalité ayant poussé le président à imposer la loi martiale, a interdiction de quitter le territoire. Il avait démissionné la veille.

Le 6 décembre, Han Dong-hoon change de discours et juge que la Corée du Sud court un "grand danger" si Yoon Suk-yeol reste en poste. Le chef des forces spéciales Kwak Jong-geun affirme avoir reçu l’ordre de "traîner dehors" les députés réunis au Parlement la nuit de la loi martiale. Le PPP réaffirme tout de même qu’il mettra la motion de destitution en échec.

7 décembre

Le 7 décembre, à 10h00, Yoon Suk-yeol fait une apparition publique. "J’ai causé de l’anxiété et des désagréments au public. Je présente mes excuses sincères", dit-il, assurant qu’il ne déclarera pas une deuxième loi martiale, avant de s’incliner devant les téléspectateurs. Mais il ne démissionne pas et indique remettre son avenir entre les mains du PPP.

À 16h00, quelque 150 000 manifestants anti-Yoon se rassemblent devant le Parlement. Une heure plus tard, la motion de destitution doit être soumise au vote. Peu avant 18h00, la quasi-totalité des députés du PPP boycottent le scrutin et le font échouer faute d’atteindre le quorum. À 21h30, la motion est déclarée nulle et Yoon Suk-yeol est temporairement sauvé.

8 au 13 décembre

Le 8 décembre, le chef du PPP Han Dong-hoon affirme que son parti a "obtenu" de Yoon Suk-yeol qu’il se retire. L’ex-ministre de la Défense Kim Yong-hyun est arrêté. Le lendemain, l’opposition, qui a prévu de soumettre au vote une deuxième motion de destitution le 14 décembre, accuse le parti au pouvoir d’un "deuxième coup d’Etat", après la loi martiale. Le président sud-coréen a lui aussi interdiction de quitter le territoire. Le 10 décembre, tard dans la soirée, l’ex-ministre de la Défense Kim Yong-hyun est accusé d’avoir joué un "rôle majeur lors d’une rébellion" et commis un "abus de pouvoir en vue d’entraver l’exercice de droits".

Le lendemain, en matinée, la Corée du Nord réagit pour la première fois : la Corée du Sud est plongée dans le "chaos", estime Pyongyang. La justice rapporte par ailleurs que Kim Yong-hyun a tenté de se suicider en prison. La police sud-coréenne tente de perquisitionner la présidence mais est empêchée d’accéder au bâtiment principal par la sécurité. Le 12 décembre, Yoon Suk-yeol prend la parole et défend sa loi martiale, assurant qu’il se "battra jusqu’à la dernière minute". Le lendemain, le chef de l’opposition, Lee Jae-myung, exhorte les députés du PPP à voter pour la motion. Ce sera chose faite pour 12 d’entre eux ce samedi.




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