France : Les producteurs de champagne soumettraient les ouvriers viticoles à de terribles conditions
Les vignerons de champagne français embauchent par l'intermédiaire de sociétés tierces des migrants d'Afrique de l'Ouest et d'Europe de l'Est qui se plaignent d'être mal payés et affirment être contraints de dormir dans la rue, a révélé le 23 décembre le journal britannique The Guardian, qui a mené une investigation à ce sujet. Il s'agit d'une situation constatée dans la ville d'Épernay et ses alentours, à l'est de Paris, où se trouvent les sièges de certaines des marques de champagne les plus cotées au monde, telles que Moët & Chandon et Mercier. Les bureaux de ces deux sociétés et d'autres sont situés sur l'avenue de Champagne, décrite comme «la plus riche du monde». Dans le même temps, selon The Guardian, «à quelques pas» de cette rue, des dizaines de travailleurs recrutés pour les vendanges «se préparent à dormir dans les portes d'un cinéma».
«The Guardian a trouvé des travailleurs dormant dans les rues et sous des tentes car les propriétaires des vignobles ne leur fournissaient pas de logement. D'autres travailleurs vivant dans un village voisin ont déclaré qu'ils devaient voler de la nourriture aux habitants car ils n'avaient rien pour acheter à manger», a révélé le journal britannique.
Selon les travailleurs, beaucoup d'entre eux ne savent pas où ils passeront la nuit, disant «dehors». Certains affirment également avoir dû «dormir sur des matelas détrempés dans des tentes après les fortes pluies». Le journal révèle que les travailleurs sont contraints de travailler plus vite et plus dur qu'ils ne le devraient, tout en étant payés moins que le salaire horaire minimum en France et sans aucune prime.
«Nous avons travaillé beaucoup, on nous a promis des salaires et des primes, mais nous n'avons rien eu», a déclaré un des travailleurs au journal The Guardian. Il a expliqué qu'ils devaient survivre avec un seul sandwich par jour au déjeuner pendant qu'ils étaient transportés entre les vignobles voisins, et qu'ils étaient tellement désespérés qu'ils ont commencé à voler de la nourriture dans les champs voisins du village.
«Ils étaient traités comme des chiens. Les gens qui font cela ne sont pas des viticulteurs : ce sont des exploiteurs. C'est une honte, cela ne donne pas une bonne impression de la Champagne», a déclaré au quotidien britannique un viticulteur à la retraite qui habite en face de la maison des travailleurs dans le village.
Les syndicats français luttent pour les droits des travailleurs
Les syndicats français reprochent aux propriétaires de vignobles de continuer à embaucher une main-d'œuvre bon marché alors que le secteur dans son ensemble ne fait rien pour interdire l'exploitation des travailleurs migrants. Selon les syndicats, les propriétaires de vignobles trouvent des excuses en prétendant qu'ils aident les migrants africains en leur donnant des emplois, même s'ils sont mal payés. «C'est de l'avidité. Le raisin se vend entre 10 et 12 euros le kilo, alors traiter les gens de cette manière est choquant. [...] Ils les considèrent comme des machines et non comme des personnes», a commenté José Blanco, secrétaire général de la Confédération générale du travail (CGT) − le plus grand syndicat français, créé à la fin du XIXe siècle − dans la région de Champagne.
Le Comité Champagne, qui réunit les Vignerons et maisons de Champagne, pour sa part, a écrit dans une déclaration au journal britannique qu'il avait demandé aux autorités françaises de renforcer l'application des lois sur le travail et de punir ceux qui les enfreignent. «Lorsque nous entendons des termes [comme “trafic d'êtres humains”] en rapport avec notre région, nous ne pouvons qu'être choqués. Ces actes honteux ne reflètent pas notre engagement et notre passion pour la profession et devraient faire l'objet d'une tolérance zéro», a écrit le journal qui cite la position du Comité. Selon lui, «le recours à un prestataire de services ne peut pas être moins cher que l'emploi direct. Des prix bas peuvent être le signe de pratiques douteuses et doivent attirer votre attention».
En 2023, 300 millions de bouteilles de champagne provenant des vignobles de France ont été exportées dans le monde entier, générant un chiffre d'affaires de 6 milliards d'euros.
Dans le même temps, en septembre 2023, plusieurs ouvriers viticoles sont morts pendant les vendanges en Champagne, vraisemblablement à la suite de coups de soleil. En juillet 2024, deux dirigeants de la société EG Vitiprest, une entreprise de travaux viticoles, ont été condamnés à des peines de prison pour avoir exploité des vendangeurs dans la région de Bordeaux.