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L’éléphant de Mazan

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Beaucoup de commentateurs voient dans l’affaire Pélicot la preuve que notre société est profondément patriarcale. Mais le procès Pélicot démontre tout le contraire.


Maintenant que les sanctions ont été prononcées, que le procès est achevé – en attendant toutefois les diverses procédures en appel – et que l’émotion retombe un peu, comme la neige dans une petite boule de verre trop secouée, on peut essayer de hasarder une ou deux remarques sur ce procès de Mazan que certains n’hésitent pas à qualifier « d’historique ».

Avant tout, et pour éviter tout malentendu, je tiens à saluer moi aussi le courage et la dignité dont a su faire preuve Mme Pélicot, et à souligner que les violences qu’elle a subies méritent la compassion et le respect de tous.

Cela dit, intéressons-nous au retentissement et à l’interprétation donnés à ce procès. Procès d’une cinquantaine de violeurs d’occasion, procès d’un homme incontestablement pervers qui a pu droguer son épouse pour la livrer auxdits violeurs. Mais aussi, paraît-il, procès d’une « culture du viol » qui irriguerait notre société, d’un « patriarcat » encore et toujours dominateur et oppresseur, d’une « masculinité toxique » qui expliquerait les agissements de M. Pélicot et dont la violente mise en évidence devrait pousser les hommes, tous les hommes, unanimement et indistinctement, à s’interroger et à se remettre en question.

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Eh bien, non. Parce qu’il y avait un éléphant dans le prétoire. Un éléphant tellement énorme que personne ne semble l’avoir remarqué.

Cet éléphant, c’était le procès lui-même.

Car s’il y a eu procès – et plus encore, s’il y a eu sanctions – c’est bien que notre société, collectivement, considère les actes de M. Pélicot et de ses co-accusés comme répréhensibles et méritant d’être punis. La Déclaration des Droits de l’Homme, dans son article 6, définit la loi comme « l’expression de la volonté générale ». Si en vertu de la loi, M. Pélicot et ses co-accusés ont pu être punis de trois à vingt ans de prison, c’est bien que cette « volonté générale » qui émane de chacun des citoyens français, sans distinction de genre, réprouve leurs actes et en exige le châtiment. Et par conséquent, c’est que la « culture du viol » et le « patriarcat oppresseur » ne structurent pas notre société autant que nos néo-féministes de choc veulent bien le clamer à grands coups de trompette.

Dans une société véritablement « patriarcale » au sens où l’entendent lesdites néo-féministes, les actes de M. Pélicot et de ses complices auraient été considérés comme une bagatelle à peine digne d’une légère réprobation. Ou bien, ils auraient été regardés sous un tout autre angle. En veut-on un exemple ? En août 2017, dans un village du Pakistan, une jeune fille fut violée. Le conseil des anciens estima que cela nuisait à l’honneur de sa famille et qu’il fallait réparation. Sitôt dit, sitôt fait : le frère de la jeune fille fut autorisé à… violer à son tour la sœur du violeur. Voilà ce qu’on peut appeler une justice patriarcale, pour laquelle les considérations tribales et familiales comptent largement plus que les souffrances infligées à une femme. Reconnaissons que nous en sommes très, très loin, et que – fort heureusement – nous portons sur le viol et les violences sexuelles un tout autre regard.

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Qu’il se soit trouvé en neuf ans une cinquantaine d’hommes assez en mal de sexe ou de fantasmes pour donner suite aux propositions ignobles de M. Pélicot, c’est un fait. Mais que ces hommes aient été arrêtés, emprisonnés, jugés et condamnés, c’est aussi un fait. Un fait qui démontre que leurs actes nous ont parus, collectivement, inacceptables. Vouloir ériger ces cinquante coupables en stéréotypes du comportement masculin, cela n’a pas plus de sens que de prétendre que les auteurs de hold-up, de trafic de drogue, de meurtre ou de tout autre crime ou délit punis par la loi sont représentatifs de telle ou telle catégorie de population dans sa totalité. Pour ma part, je suis révolté par les agissements de M. Pélicot et de ses complices. Je trouve normal et sain qu’ils aient été jugés et condamnés. Mais je ne me sens pas plus concerné ou impliqué par leurs actes que par ceux de n’importe quel groupe de braqueurs, de violeurs ou d’assassins dont l’actualité, hélas, nous fait connaître régulièrement l’existence.

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